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Le Népal en crise : la Gen' Z bouscule la République et réveille le souvenir du roi

Le Népal traverse l’une de ses plus graves crises depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Manifestations étudiantes, répression meurtrière et corruption généralisée, chute du gouvernement plongent le pays dans le chaos. Dans ce climat explosif, l’ancien roi Gyanendra Shah, figure déchue mais toujours influente, refait surface comme symbole de stabilité et d’un ordre que certains réclament désormais de voir restauré.

Le Népal traverse l’une des crises politiques les plus violentes depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Entre manifestations étudiantes, colère contre la corruption et répression meurtrière, le pays s’enfonce dans une instabilité qui interroge sur l’avenir de ses institutions républicaines. Au milieu du tumulte, un nom ressurgit avec insistance : celui de l’ancien roi Gyanendra Shah.

Figure contestée mais toujours respectée par une partie de la population, il incarne pour certains une alternative face au désarroi actuel, jusqu’à raviver les appels au retour de la monarchie et à la restauration de l’Hindu Rashtra.

 

 

La jeunesse en première ligne, le retour inattendu d’une voix royale

Le 08 septembre 2025, la « génération Z » népalaise est descendue dans la rue. Révoltée par l’interdiction des réseaux sociaux et excédée par l’inaction des élites face à la corruption, elle s’impose aujourd’hui comme la force motrice d’une vague de protestations qui secoue le Népal depuis plusieurs mois. Les manifestations, d’abord pacifiques, ont rapidement dégénéré : affrontements avec les forces de sécurité, incendies de bâtiments officiels – Parlement, Cour suprême – et attaques contre les résidences de dirigeants politiques, dont celle du président Ram Chandra Poudel. Le ministre des Finances a même été quasiment lynché par la foule.Le bilan est lourd : au moins 19 morts et des centaines de blessés. La démission du Premier ministre Khadga Prasad Oli, au lendemain des émeutes, n’a pas suffi à apaiser la colère. Malgré un couvre-feu illimité, les slogans « Punissez les meurtriers du gouvernement » ou « Arrêtez de tuer des enfants » continuent de résonner dans les rues de Katmandou.

Dans ce contexte explosif, l’ancien roi Gyanendra Shah, 78, est sorti de son silence. Dans un communiqué, il a exprimé sa tristesse face aux pertes humaines, condamné la répression et exhorté les manifestants à rester pacifiques. S’il n’a pas directement attaqué les institutions républicaines comme a son accoutumée, il a souligné la légitimité des revendications : bonne gouvernance, discipline économique et refus de l’ingérence étrangère. « Ce mouvement de la nouvelle génération ne doit pas sombrer dans le chaos ni être infiltré par des forces extérieures », a-t-il mis en garde, appelant à une résolution interne de la crise.

Monté sur le trône en 2001, après le massacre du roi Birendra et de sa famille, Gyanendra Shah avait dirigé en monarque absolu avant d’être renversé par une vague de protestations populaires. L’abolition de la monarchie en 2008, après 239 ans d’histoire royale, semblait avoir clos définitivement le chapitre dynastique. Pourtant, Gyanendra Shah reste une figure de stabilité pour de nombreux Népalais, notamment les royalistes qui voient en lui un recours face au chaos républicain. Sa popularité s’est encore manifestée en mars dernier, lorsque près de 10 000 partisans ont bloqué l’aéroport international de Katmandou à son retour d’un voyage, brandissant des banderoles exigeant son retour et scandant : « Vive notre roi bien-aimé ».  Une manifestation qui a aussi montré la fragilité de la république fédérale dominée par un jeu politique trouble où les partisans des trois forces principales du pays ne cessent de s’affronter tant dans les urnes que dans la rue : Le Congrès népalais ( centre-droit), les marxisles-léninistes et communistes ( au pouvoir depuis la fin de la monarchie) et les royalistes, véritables faiseurs de gouvernement.

La tentation monarchique au cœur du tumulte

Le spectre du retour de la monarchie et de l’Hindu Rashtra – l’État hindou – n’est plus seulement une nostalgie lointaine. Les manifestations royalistes organisées à Katmandou montrent que l’idée gagne du terrain, au rythme de la déliquescence du pouvoir politique actuel. Si Gyanendra Shah se garde bien d’appeler directement à une restauration, son image, volontairement pacificatrice et distante, contraste avec la violence et la corruption reprochées aux élites républicaines. Dans un Népal fracturé, ce symbole d’un passé révolu reprend de la consistance, à la fois comme élément de mémoire et comme potentiel point de ralliement.

Le Népal se trouve à la croisée des chemins, au carrefour des tensions géopolitiques entre la Chine et l’Inde qui se livrent également une guerre d’influence sur le Népal. Confronté à une révolte générationnelle, une crise institutionnelle et un discrédit massif de ses élites politiques, il voit ressurgir l’ombre de sa monarchie déchue. L’ancien roi Gyanendra Shah, profite malgré lui d’un regain d’intérêt, porté par une jeunesse en quête de repères et par une société lassée du chaos. Reste à savoir si cette figure redeviendra un acteur politique ou si elle se limitera à un rôle symbolique. Dans un pays où la mémoire monarchique reste vive, la question du retour du roi ne relève plus seulement du passé, mais bien d’une hypothèse politique qui hante désormais l’avenir immédiat du Népal.

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Date de dernière mise à jour : 09/09/2025