« Majesté, reviens et sauve notre pays ! ». C’est un vrai succès pour les monarchistes népalais et leurs alliés, un séisme inattendu pour la coalition marxiste au pouvoir. En début de cette semaine, les rues de Katmandou ont été soudainement envahies par une dizaine de milliers de personnes qui ont réclamé le retour de la monarchie et la fin de l’institution fédérale qui régit actuellement ce pays himalayen. Pour le leader du mouvement royaliste Rastriya Prajatantra Party (Parti national-démocratique), Kamal Thapa, il est désormais temps pour les népalais de choisir quel type de régime ceux-ci souhaitent pour leur pays. Un Népal qui est instable depuis que le roi Gyanendra Shah a été renversé en 2008.
« Cette vague de soutien populaire en faveur de la démocratie, y compris la monarchie, dans différentes régions du pays est encourageante ». L’ancien vice-président et leader du Rastriya Prajatantra Party (RPP), Kamal Thapa a de quoi être satisfait. Il a réussi son pari. Réunir sous le parapluie de son parti, une myriade de partis de droite et d’extrême-droite afin de réclamer le retour de la monarchie renversée en 2008. Ironie de l’histoire, ce sont ces mêmes partis qui ont sacrifié le roi Gyanendra au nom de leurs intérêts politique. Depuis l’instauration de la république, le fossé s’est creusé entre les anciens rebelles marxistes au pouvoir et les népalais. Les promesses d’un avenir meilleur se sont envolées. Corruption crise économique, identitaire et sociale, le pays ne s’est toujours pas relevé d’un tremblement de terre (2015) qui a jeté des milliers de népalais à la rue. Dans l’ombre, la Chine voisine et l’Inde se livrent une terible guerre d’influences afin de mieux contrôler cette partie de l’Asie dont chacun estime être la propriété de son pré-carré idéologique. A New Delhi, les ultra-nationalistes du BJP ne cachent pas leur désir de revoir la monarchie revenir aux affaires et le Premier ministre Narendra Modi a même reçu le souverain déchu. Les monarchistes entendent désormais exploiter le mécontentement général alors que le roi Gyanendra connaît un regain de popularité depuis quelques mois et reste toujours une épine dans le pied des communistes. Ses nombreuses interventions, très critiques à l’égard des « rouges » a mis en colère plus d’une fois la coalition marxiste qui a menacé de le renvoyer devant un tribunal afin de le juger pour la répression qu’il a exercé durant son règne et sa participation supposée au parricide de 2001.
A deux ans des prochaines échéances électorales générales et en pleine pandémie de Covid, les esprits s’échauffent et les alliances se forment. Ancien soutien puis tombeur de la monarchie, le Congrès népalais s’est joint aux manifestations qui ont éclatées dans diverses villes du pays. « Majesté, reviens et sauve notre pays ! » ont scandé les participants qui ont agité des portraits du couple royal qui bénéficie d’un statut et d’un traitement de faveur dans le pays. Privilèges que le gouvernement a tenté de lui retirer en mai avant de devoir y renoncer face au tollé général et une campagne de presse qui leur a été largement défavorable. Fondé en 1990 par un ancien ministre du roi, Kamal Thapa dirige aujourd’hui le Rastriya Prajatantra Party aux côtés de deux autres hommes des poids indissociables de l’histoire politique et dynastique du pays, dont le ministre Pashupati Shamsher Rana, héritier de la famille éponyme de premiers ministres héréditaires qui ont régné un siècle sur le Népal. Face à cette rébellion royaliste, le ministre de l’intérieur a réagi et ordonné de disperser, de « réprimer les manifestations pro-monarchiques - par la force si nécessaire » comme le précise son communiqué. En vain. Les royalistes étant même considérés comme « une menace intérieure » d’après un rapport mis sur la table par le ministre Ram Bahadur Thapa qui affirme que « les activités des monarchistes sont en constante augmentation et contribueraient à répandre l'instabilité au sein de la république fédérale ».
« Nous sommes au XXIème siècle. Les souverains ne reviendront jamais nous remettre en esclavage. Nos petits-enfants sont nés pour défendre la république, cette institution pour laquelle notre génération s'est battue ». Sur son compte Twitter, l’ancien Premier ministre communiste Baburam Bhattarai (2011-2013) n’a pas caché son irritation face à la multiplication de ces manifestations qui ont fait la une de toute la presse locale, reportages télévisés compris D’autant que des informations assurent que des sections locales maoïstes ont participé à ces manifestations. Au RPP on rappelle que le régime actuel est illégitime. « Le peuple n'a pas été consulté lorsque le roi a été destitué. Ce n'est pas le parlement élu qui a proposé et adopté la république. Un référendum était nécessaire afin d’interroger le peuple sur le sort de notre monarchie vieille de plusieurs siècles » peut-on lire sur le compte twitter du mouvement monarchiste qui a déjà menacé les précédents gouvernements par deux fois. La coalition actuelle craignant que le RPP ne ré-envahisse le parlement comme en 2015 où il avait fini par contraindre le pouvoir à l’associer au gouvernement. En dépit de diverses crises internes qui ont abouti en mars de cette année à sa fusion avec ses rivaux, le RPP demeure une force politique qui joue les « faiseurs de rois ». « Notre objectif est de rétablir la monarchie et un État hindou au Népal. Nous allons obtenir un fort soutien de la rue et demandons également un référendum sur cette question » explique Damodar Wagle, responsable jeune du mouvement monarchiste qui entend faire pression sur la coalition en plein conflit interne. « Cette république n’est que source de divisions et nous affaibli » renchéri le leader du Rastriya Shakti Nepal qui a jaouté lors d’une interview accordée au journal « Indian Express » que « la monarchie doit revenir dans le pays et le sauver ».
Jamais deux sans trois. «Il n'y a pas d'autres alternatives que de mettre fin à la république et de restaurer la monarchie » a déclaré sur son compte Facebook le prince héritier Hridayendra Shah, 18 ans, espoir des monarchistes qui voit en lui une parfaite transition en cas de restauration de la royauté. Son nom avait été cité peu de temps avant la révolution mais le Congrès népalais avait mis en son véto en raison de sa minorité, craignant que Gyanendra ne continue à gouverner dans l’ombre. Un souverain, vu comme un demi-dieu par ses partisans, qui patiente et qui a été redoutablement efficace durant la crise sanitaire, n’hésitant pas à se déplacer tout en tapant sur le gouvernement, son « incompétence » et « sa volonté persistante à vouloir détruire les fondements hindous de la nation ». Roi par deux fois, Gyanendra Shah pourrait revenir sur le trône si les prochaines élections sont favorables à la mouvance monarchiste et à la droite népalaise. «La République est morte ! » affirme-t-on déjà avec assurance au sein du Rastriya Prajatantra Party « qui ramènera le roi » a déclaré Kamal Thapa à ses partisans. «Certains me demandent: le pays sera-t-il sauvé de la crise une fois que la monarchie sera rétablie ? Je leur répond que la monarchie ne résoud pas les crises de manière magique, elle créent une base morale et un équilibre qui permettront de sortir de la crise » martèle le leader du RPP qui vient de faire trembler la république sur ses bases
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