Loin des soubresauts de l’Europe, le Népal se confine doucement afin de ralentir la propagation du covid-19. Monarque déchu en 2008, le roi Gyanendra Shah s’est rendu au chevet de son pays. Derrière sa contribution financière à « l’effort de guerre contre cet ennemi invisible », un véritable coup politique qui a été un succès, à l’heure où on évoque son retour sur le trône pour la troisième fois consécutive.
« Nous avons donné au Fonds Himani 10 millions de roupies [250 000 euros-ndlr] pour aider le fonds d'infection, de prévention, de contrôle et de traitement du coronavirus corona mis en place par le gouvernement népalais » peut-on lire dans le communiqué du souverain. Le coronavirus va-t-il permettre au roi Gyanendra Shah de revenir au pouvoir ? C’est la question que l’on peut se poser tant l’action du monarque, considéré comme un demi-dieu par les plus religieux des hindouistes, a fait grincer des dents la coalition marxiste au pouvoir. Avec ce don inattendu, le descendant du roi Prithivî Nârâyan Shâh a créé la surprise et démontré une nouvelle sa capacité à déstabiliser le gouvernement du premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli. Ce dernier a bien été obligé d’accepter ce cadeau empoisonné de celui qu’elle ne cesse d’appeler «Shah » comme on appelait « Capet », Louis XVI durant la révolution française.
Confiné depuis le 30 mars, le pays aux neiges éternelles a fermé ses portes au tourisme afin de ralentir la propagation du virus et menace directement la principale source de revenus d’un Népal qui n’en finit pas de multiplier les crises économiques, sociales et politiques depuis la proclamation de la république. « Nous savons tous que le confinement est une nécessité obligatoire et je vous demande de ne blâmer personne pour cela » poursuit le roi qui a réalisé, ici, un de ses meilleurs coups de communications, quelques semaines après l’annonce la fusion de tous les partis monarchistes népalais et une visite remarquée en Inde, reçu en grandes pompes par des politiques du BJP, le parti nationaliste qui dirige le pays du Mahatma Gandhi. Ton neutre, apaisant, de roi absolu, Gyanendra Shah s’est mué en « père de la nation » fédérateur dans son communiqué et fait l’unanimité dans la presse locale.
« Avec la popularité et cette confiance retrouvée envers l'ancien roi du Népal, Gyanendra Shah, de nombreux Népalais se demandent s'ils ne vont pas de nouveau citoyens d'un royaume. Les publications et les rumeurs sur les réseaux sociaux montrent que les gens n'ont pas encore oublié la monarchie. » Le portail numéro 1 d’informations népalaises, en langue de Shakespeare, a même été jusqu’à poser la question d’un retour envisageable de la monarchie. Soutien affiché des Rana, cette famille de premiers ministres héréditaires, buzz dans une discothèque de Katmandou où il a été vu dansé et acclamé, son tour du pays a été un succès drainant des milliers de personnes derrière lui. Les nombreuses publications sur le sujet se sont multipliées alors que les prochaines élections législatives pourraient être fatales à la coalition marxiste. Une coalition qui n’a pas hésité à menacer à diverses reprises d’embastiller le roi s’il continuait à agir comme « s’il était encore en place ». La politique népalaise est pourtant très versatile et a autant ramené les monarchistes aux plus hautes fonctions par trois fois qu’elle les a chassé du gouvernement. Rien n’est donc acquis notamment avec la Chine voisine qui n’a aucun intérêt de voir Gyanendra ceindre une nouvelle fois la couronne des Bir Bikram et le Népal retomber dans l’escarcelle de New Delhi. La capitale indienne qui a entamé des pourparlers discrets avec des membres du Congrès du Népal, le principal parti d’opposition, afin de les sonder sur l’éventuel retour du roi ou la montée sur le trône de son petit-fils de 17 ans, le prince Hridayendra Shah.
Saluant le travail déjà accompli par le gouvernement, le roi Gyanendra Shah a exprimé son soutien « aux médecins, infirmières et autres agents de santé qui combattent à l'épidémie jour comme nuit, ainsi qu'à tout le personnel de sécurité, y compris l'armée népalaise, la police népalaise et l'armée, ainsi aux journalistes qui ont contribué à informer la population à temps ». « Soyons unis » a déclaré le septuagénaire souverain qui a réalisé ici un magistral coup de communication.
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