Gyanendra du Népal : le roi qui n’a jamais dit son dernier mot
Gyanendra du Népal : le roi qui n’a jamais dit son dernier mot
Plongé dans une crise politique après la chute du Premier ministre KP Sharma Oli, le Népal voit réapparaître la voix de son dernier roi, Gyanendra Shah. À l’occasion de la fête de Dashain, l’ancien souverain a adressé un message empreint de gravité et d’espérance, appelant à l’unité nationale et à un renouveau moral face aux dérives de la République.
À l’occasion de la grande fête de Dashain, l’ancien roi Gyanendra Shah a publié, dimanche 29 septembre 2025, un message solennel qui résonne comme un rappel de son rôle symbolique dans une nation en quête de stabilité. Ses vœux interviennent dans un climat politique incertain, marqué par la démission forcée du Premier ministre communiste KP Sharma Oli après des manifestations massives qui ont secoué le pays ces dernières semaines, sociale, identitaire et économique.
Le roi déchu qui plane toujours sur la scène politique
Dernier monarque du Népal, Gyanendra Shah a régné à deux reprises, de 1950 à 1951 et surtout de 2001 à 2008, après le massacre tragique du palais royal qui emporta son frère, le roi Birendra, et l’ensemble de la famille royale directe. Mais son exercice autoritaire du pouvoir et l’incapacité de la monarchie à résoudre la guerre civile contre les maoïstes ont acceléré sa chute. En 2008, l’Assemblée constituante a proclamé la République et abolit la monarchie, mettant un terme à trois siècles de règne dynastique.
Depuis, l’ancien souverain de 78 ans vit en retrait de la vie officielle, mais il conserve une influence diffuse au sein de la société népalaise, notamment parmi les monarchisted du Rastriya Prajatantra Party (RPP), certains milieux conservateurs (parmi lequel le Congrès Népalais), et une jeunesse lassée par la corruption des partis. Depuis des mois, de nombreuses manifestations ont été organisées en sa faveur, rassemblant des centaines de milliers de Népalais, régulièrement réprimées par le pouvoir en place . À l’extérieur, des cercles politiques indiens, proches du Bharatiya Janata Party (BJP), ont parfois affiché leur sympathie envers un retour symbolique du roi, perçu comme un facteur de stabilité dans un Népal tiraillé entre l’influence chinoise et indienne.
Un plaidoyer pour l’unité et la reconstruction
Dans son message de Dashain, Gyanendra Shah a d’abord insisté sur le contexte douloureux qui traverse le pays. « La nation est actuellement plongée dans un profond deuil. Nous sommes donc contraints de célébrer cette fête uniquement dans le cadre familial et culturel », a-t-il déclaré, précisant qu’il n’offrirait pas cette année de Tika et de Jamara à grande échelle comme le voulait la tradition royale.
Ce retrait symbolique, le deuxième consécutif depuis la pandémie, traduit sa volonté d’incarner une figure morale dans une nation fracturée. Le message royal a ensuite pris la forme d’un véritable manifeste patriotique. Gyanendra Shah a rappelé « les sacrifices consentis par les ancêtres du Népal pour protéger l’unité, l’intégrité et la souveraineté de la nation », fondement selon lui d’une identité menacée. « Il est nécessaire de reconstruire un Népal intégré, capable de tracer sa propre voie, sans se laisser piéger par une quelconque dépendance ou un cycle géopolitique », a-t-il averti, dans une allusion claire aux rivalités d’influence entre Pékin et New Delhi.
À plusieurs reprises, il a insisté sur l’urgence d’une réforme de la gouvernance : « Il est nécessaire d’aller de l’avant en améliorant rapidement notre système étatique et en adoptant des pratiques de gestion dynamiques, en tenant compte des sentiments de la population. ». Conscient du désenchantement massif des jeunes face à la classe politique, Gyanendra Shah a voulu s’adresser directement à eux : « La jeune génération est le fondement de notre avenir. Seuls l’esprit patriotique, l’énergie et la pensée novatrice qui lui sont inhérents peuvent mener la nation sur la voie de la force, de la prospérité et de l’autonomie. ».
Il a également mis en garde contre la dérive destructrice de la vie politique : « Nos actions politiques ont trop souvent été axées sur la destruction. Désormais, nos programmes doivent tendre non pas vers la destruction, mais vers l’amélioration. », a ajouté le roi Gyanendra.
Un retour de la monarchie à l’horizon ?
Ces mots, prononcés dans un contexte de vide politique après la chute du gouvernement Oli, une classe politique surprise par la violence du mouvement, ont immédiatement relancé les spéculations sur un possible retour de la monarchie comme sa nomination comme Premier ministre, un temps évoqué par les médias locaux. Sans proposer explicitement une restauration (dont la forme n'est pas clairement définie), Gyanendra Shah, qui se refait une virginité, cherche toujours à se positionner comme une voix morale et nationale face à des partis décrédibilisés.
Le message se conclut sur une note d’espoir : « Ce qui est arrivé est arrivé. Ce qui n’était pas censé arriver est arrivé. Que la nouvelle génération d’aujourd’hui – et les temps nouveaux à venir – avancent avec espoir, foi et confiance. ». Dans la foulée, le secrétariat du monarque déchu a annoncé qu’il cessera d'utiliser la formule « Sa Majesté le roi » dans ses communiqués et utilisera désormais l'appellation « ancien roi du Népal », en guise d’apaisement avec les autorités actuelles et les partis d'opposition, notamment ceux issus du marxisme-léninisme et du communisme qui accusent le souverain d'être un élément récurrent de destabilisation.
Si son avenir politique demeure incertain, Gyanendra Shah, dix-sept ans après son abdication, reste une figure que beaucoup de Népalais regardent à nouveau, à l’heure où leur République semble incapable de répondre à leurs aspirations.