Naruhito en Mongolie : l’empreinte d’une mémoire, la promesse de la paix
Naruhito en Mongolie : l’empreinte d’une mémoire, la promesse de la paix
C'est une visite historique qui scelle la réconciliation entre deux nations que tout a opposé durant le dernier conflit mondial. Un déplacement officiel en Mongolie, l'Empereur Naruhito poursuit un long devoir de mémoire, credo de son règne.
En cette année marquant le 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Empereur japonais Naruhito poursuit son patient et délicat devoir de mémoire. Depuis dimanche 6 juillet 2025, le souverain nippon est en visite officielle pour une semaine en Mongolie, un voyage hautement symbolique qui mêle hommage, réflexion et diplomatie discrète. À ses côtés, l’Impératrice Masako incarne cette volonté de regarder l’histoire en face, sans détour ni oubli.
Le douloureux chapitre de la Seconde Guerre mondiale
Lorsque les Japonais occupent la Mandchourie en 1931, la Mongolie se retrouve soudainement menacée par l’armée du Kwantung qui entend bien occuper le pays de Gengis Khan. Poussé par le plus nationalistes radicaux de l’état-major, certains officiers se sont imaginés être l’avant-garde d’une croisade anti-communiste. Une vision d’annexion des terres de l’intérieur qui s’oppose pourtant à celle de l’Empereur Hiro Hito qui souhaiterait une meilleure implication de ses troupes sur les îles du Pacifique. Les tensions éclatent en 1938 entre les troupes soviéto-mongoles et celles nippo-mandchoues. La bataille du lac de Khassan sera un cuisant échec pour l’armée impériale mais également une victoire sans fard pour un Staline rouge de colère qui fera passer par les armes quelques-uns de ses officiers militaires, pourtant rescapés des grandes purges.
Tout au plus, les Japonais réussissent à mettre en place un régime fantoche en Mongolie intérieure (Chine) connu sous le nom de Mengjiang. Confié au prince pan-mongol Demchugdongrub (1902-1966), ce dernier va nouer des relations avec le Mandchoukouo de l’Empereur Pu Yi qui élève le dirigeant mongol au rang de « Prince de la Vertu Martiale du Premier Rang ». Le prince Demchugdongrub devra affronter les attaques des nationalistes chinjois du Kouamintang tout au long de son règne. Peu de temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’ancien collaborateur devient un héros après avoir promis de s’opposer aux communistes de Mao Zédong. En août 1949, il réussit à mettre en place un nouveau gouvernement qui ne durera que 4 mois. Arrêté, le au prince Demchugdongrub sera arrêté par les communistes et conduit dans un centre de rééductraion où il y restera jusqu’en 1963.
Entre 12 000 et 14 000 prisonniers Japonais ont été envoyés en Mongolie. Ces hommes, déracinés, durent travailler sur de vastes chantiers publics à Oulan-Bator, érigeant notamment le siège du gouvernement mongol, une université et un théâtre, vestiges encore visibles d’un passé douloureux. Dans la rudesse du climat et la pénurie alimentaire, près de 1 700 d’entre eux périrent et ne revirent jamais leur pays. Naruhito devrait leur rendre hommage lors d'une cérémonie.
Un pont entre l’histoire et l’avenir
En rencontrant le président mongol Ukhnaa Khurelsukh et son épouse, le couple impérial soulignent l’importance de relations apaisées et de la coopération entre Tokyo et Oulan-Bator. Le couple impérial assistera également à la cérémonie d’ouverture du Naadam, le festival traditionnel mongol où se mêlent lutte, tir à l’arc et courses de chevaux : un clin d’œil à cette culture nomade qui fascine l’Impératrice elle-même. Lors de la conférence de presse, organisée peu avant le départ, elle s’est dit impatiente de « découvrir en personne les vastes étendues sauvages » du pays. L’Empereur Naruhito, déjà venu en 2007 en tant que prince héritier, a choisi d’y revenir en souverain régnant pour poser un geste d’expiation au nom de son grand-père, Hirohito. Il l’a dit sans détour : « Nous ne devons jamais oublier la douleur et le chagrin du peuple. ».
Depuis la chute du régime communiste en 1989, la Mongolie a bâti une démocratie résiliente, cherchant à équilibrer les pressions économiques et politiques de Pékin et de Moscou avec le soutien solide des États-Unis et de leurs alliés en Asie, notamment le Japon et la Corée du Sud. « Le président Khurelsukh souligne que l'État, le gouvernement et le peuple mongols apprécient profondément et sont sincèrement reconnaissants du soutien indéfectible et sincère apporté par le gouvernement et le peuple japonais à la consolidation de la démocratie, à la promotion d'un développement social et économique durable et au renforcement des capacités des ressources humaines en Mongolie », a rapporté l'agence de presse officielle mongole Montsame, en guise de symbole de réconciliation entre les deux nations.
Par cette visite, Naruhito donne corps à la vocation de l’institution impériale japonaise : être gardienne d’une mémoire douloureuse sans céder à l’oubli, mais aussi semer les graines d’un dialogue renouvelé avec ses voisins.