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Michihisa Kitashirakawa, le prince secret de la défaite japonaise

Août 1945. Alors que le Japon s’effondre, des militaires nationalistes envisagent de déposer l’empereur Hirohito pour placer un enfant de sept ans, le prince Michihisa Kitashirakawa, sur le trône du Chrysanthème. Retour sur un épisode méconnu de l'histoire impériale japonaise.

Nous sommes le 6 août 1945 lorsque le bombardier américain B-29 Enola Gay largue « Little Boy » sur Hiroshima, ville située sur la côte nord de la mer intérieure de Seto. Il faudra encore neuf jours pour que le Japon de l’empereur Hirohito (1901-1989) accepte de déposer les armes au prix d’un humiliant traité. Durant quelques jours, loin des négociations diplomatiques, les plus radicaux concoctent un plan : déposer le souverain Shōwa et le remplacer par un prince de sa famille avec la complicité de membres de la maison impériale.

Sauver l'Empire à tout prix 

L’objet des attentions des comploteurs est le petit prince Michihisa Kitashirakawa, alors âgé de 7 ans. Il est issu d’une lignée prestigieuse marquée par la tragédie. Son grand-père, le prince Naruhisa (1887-1923), fut élève à l’école militaire de Saint-Cyr, officier téméraire, mort dans un accident de la route dont les circonstances restent encore inexpliquées de nos jours. Son père, brillant officier, le prince Kitashirakawanomiya, meurt également lors d’un exercice aéronaval en 1940. Au moment de la capitulation, le prince Michihisa est réfugié dans une demeure près du mont Tsurugi, dans la préfecture de Tokushima, avec sa grand-mère et trois dames d’honneur, hébergé dans la propriété d’un homme d’affaires proche de sa famille. Il est loin d’imaginer ce que d’autres projettent pour lui.

Sans le savoir, le prince Michihisa bénéficie de l’opération « Préservation de la lignée impériale », consistant à cacher les potentiels héritiers du trône d’une maison millénaire et divine au cas où les Américains tenteraient de déposer Hirohito ou de l’éliminer en cas d’occupation totale de l’Empire du Soleil Levant. Selon le prince impérial Takamatsu, capitaine de la marine : « Nous avions plusieurs plans et pensions pouvoir en choisir un si nécessaire. », affirme cet ultime témoin des événements. Dans la réalité, le choix du membre de la famille impériale à cacher n’a été fait qu’à la dernière minute (une princesse impériale avait également été envisagée), décision prise par des officiers de l’école navale de Nakano.

Dr. à Gche : Le prince Naruhisa , la princesse Fusako, les princes Kitashirakawanomiya et Michihisa @wikicommons

Un complot ultra-nationaliste, un souverain sauvé par les Américains

Tout doit aller vite. Les événements s’enchaînent. Dans la nuit du 14 au 15 août, un autre groupe mené par le major Kenji Hatanaka tente un coup d’État en occupant le palais impérial, refusant toute idée de reddition. Si l’empereur n’est pas directement visé, les putschistes peinent à rallier les militaires sous leur bannière et doivent se rendre après plusieurs heures d'incertitudes. Hatanaka se suicide d’une balle afin d’échapper à une inculpation pour haute trahison. Cet épisode va retarder les plans des autres conspirateurs.

Ce n’est que le 17 août que le plan visant à placer le prince Michihisa Kitashirakawa est déclenché. Le colonel Minoru Genda réunit autour de lui un groupe de 23 hommes qui jurent de protéger l’Empire et de ne rien révéler du complot, prêts à donner leur vie pour le trône du Chrysanthème. Parmi eux, la princesse Fusako Kitashirakawa (1890-1974), qui n’hésite pas à les soutenir. On trouve aussi sa sœur cadette, Nobuko, a épousé le prince Yasuhiko Asaka (1887-1981), grand coordinateur du massacre et du « viol » de Nankin en 1937, un oncle d’Hirohito. Un noyau de radicaux pétris de nationalisme et qui entend préserver le sang des Meiji. Tout est organisé pour assurer une vie confortable au prince Michihisa, nourri grâce à des rations prélevées sur celles des diplomates japonais. Afin de préserver le secret de la cachette de l’héritier, on n’hésite pas à sacrifier U Ba Maw, ex-chef du gouvernement de Birmanie, mis en place par les Japonais durant l'occupation de cette colonie anglaise. Réfugié dans le même village que le prince Michihisa, il est attiré à Tokyo par les comploteurs puis livré aux autorités britanniques par ses anciens protecteurs.

Pourtant, la destitution d’Hirohito ne viendra jamais. Commandant suprême des forces alliées, le général Douglas MacArthur rencontre l’empereur le 27 septembre 1945. Il lui assure que ni le souverain ni les membres de sa famille ne seront inquiétés et qu’ils seront exonérés de toute poursuite criminelle devant le tribunal de Tokyo. Les Américains comprennent qu’ils ont besoin de la figure impériale pour faire accepter leur présence aux Japonais, partagés entre résignation et résistance. Peu à peu, les comploteurs renoncent à leur plan. Seul compte l’Empereur et la survie du régime, appelé à se doter d’une nouvelle constitution. Tout comme celle d’Asaka, la lignée du prince Michihisa Kitashirakawa sera exclue de la succession impériale en octobre 1947. Le jeune homme revient à Tokyo et poursuit une vie loin de la cour, diplômé de la faculté de sciences politiques et économiques de l’université Gakushūin. Il décède en 2018, ne laissant que des filles.

Minoru Genda deviendra chef de la Force aérienne d’autodéfense japonaise en 1959 avant d’entamer une carrière de parlementaire ultranationaliste au sein du Parti libéral-démocrate, actuellement à la tête du pays. Ironie de l’histoire, Genda meurt un 15 août, jour anniversaire de la défaite qu’il n’avait jamais acceptée. Il ne reste aujourd’hui plus aucun survivant de ce complot romantique. Un groupe officiellement dissous en...1981.

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Date de dernière mise à jour : 17/08/2025