Manvendra Singh Gohil, le prince rose au sang bleu

Manvendra singh gohil 1En 2006, il a choqué toute l’Inde en révélant publiquement son homosexualité. Héritier au trône d’une principauté située dans le Gujarat, Manvendra Singh Gohil est l’actuel porte-parole de la communauté gay dans son pays. Le 27 juin, aux côtés de la princesse hérititère Marie du Danemark, il est intervenu au cours d’une conférence en ligne afin de défendre les droits des homosexuel(le)s dans le monde et célébrer virtuellement le 50ème anniversaire de la marche des Fiertés (Gay Pride) dont les festivités ont été annulées en raison du Covid-19.  A la mort de son père, il sera le premier «gay-royal» à monter sur le trône de Rajpipla.

Le 6 septembre 2018, l’Inde fait les titres de la presse internationale en annonçant la suppression d’un article de son code pénal qui interdisait depuis plus d'un siècle toute relation sexuelle entre personnes de même sexe. Derrière cette dépénalisation, le combat de toute une décennie pour le prince Manvendra Singh Gohil. Ce fringant quinquagénaire est l’héritier au trône de la principauté de Rajpipla et le porte –parole de la communauté gay d’Inde. En révélant publiquement son homosexualité en 2006, le prince a osé briser un tabou dans cette Inde qui rejette majoritairement cette pratique sexuelle depuis l’arrivée des britanniques en Asie. En 1861, la vice-royauté décide de promulguer l’article 377 qui introduit le crime de sodomie et qui est étendu à tout le Raj britannique.  Dans un pays qui a inventé le Kamasutra et dont certains palais sont constellés de statues érotico-gays, l’introduction de cette loi n’a pas manqué de curcuma. Une victoire pour ce «prince rose» au sang bleu qui se veut optimiste quant à l'avenir des gays dans le monde.

Palais de vadiaSa vie est un conte de fée dès le berceau et son futur tout tracé, le tout sous l’œil sacré de Vishnou. Il est le seul fils  de Shri Raghubir Singhji Rajendrasinghj, prince héritier de Rajpipla, un état situé dans le Gujarat indien. Les origines de sa dynastie remontent au XIVème siècle et sous la colonisation, cette principauté fait figure de modèle en introduisant le principe de gratuité de l’école, en se dotant d’infrastructures modernes et se permettant même d’avoir le taux d’imposition le plus bas de toutes les monarchies indiennes. Un de ses souverains aura même le privilège d’assister à Londres au couronnement du roi Georges V et la principauté contribuera à l’effort de guerre en fournissant trois Spitfires (dont un nommé Windsor) aux britanniques afin qu’ils puissent repousser les assauts des japonais. Lors de l’indépendance, la principauté accepte de rejoindre l’Inde en formation et conserve son statut. C’est en 1971 que sa vie prend un autre tournant. Le gouvernement d’Indira Gandhi met fin aux privilèges de ces princes indiens qu’elle abhorre et la famille de Manvendra Singh Gohil décide de se reconvertir dans le tourisme de luxe. Eduqué à la Bombay scottish school, le prince suit les cours inhérents à son titre et cache sa différence tant bien que mal.

Manvendra singh gohil invite a l oprah winfrey showComme dans toutes les familles royales indiennes, ce sera un mariage arrangé en 1991. «Je pensais qu'après le mariage tout irait bien, qu'avec une femme, j'aurais des enfants et deviendrais «normal» et ensuite que je serais en paix avec moi-même. Je luttais en fin de compte contre ce que j’étais en fin de compte. Je ne l'ai jamais su et personne ne m'a dit que j'étais gay et [que] cela en soi était normal et ça ne changerait pas. Je regrette énormément d'avoir ruiné sa vie (son épouse-ndlr)» expliquera le prince Manvendra Singh Gohil, invité à participer l’Oprah Winfrey Show, en 2014. «C’était physiquement impossible !». Un an de mariage à peine avec Chandrika Kumari qui «fut une catastrophe et qui ne fut jamais consommé» de l’aveu même de cet héritier qui a vu les portes de ses pairs se fermer les unes après les autres après un coming-out quelque peu forcé.

Marche des fiertes en inde«C’était difficile d’être gay dans ma famille. Les villageois nous vénèrent, nous sommes leurs modèles» déclare le prince au magazine Vanity Fair qui révèle que ses parents tentent de le cacher, une fois la vérité connue. Dans la principauté, on ira même jusqu’à brûler des effigies le représentant quand son nom n’est pas voué aux flammes de Shiva. Ses parents l’envoient tour à tour chez un psychiatre ou un leader religieux qui lui conseille de manger de la viande pour soigner «sa maladie». Il finit par s’isoler dans un ashram. «C'est là que j'ai compris que j'étais bien homosexuel mais c'est grâce à ma rencontre avec Ashok Row Kavi, l'un des premiers activistes gays en Inde, que j'ai réussi à me défaire de la culpabilité » poursuit le prince qui décide alors de se battre contre les préjugés qui dominent en Inde contre la communauté gay.

Le orince manvendra singh gohil 1Doucement, il s’impose, réussit à donner une première conférence sur les droits LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuel(e)s et transexuel(es)) dans une université qui va attirer pas moins de 500 personnes et fonde en 2000 le Lakshya Trust. Une association dédiée à l’éducation et la prévention contre le HIV et qui a reçu une récompense en 2006 pour son travail effectué au quotidien. Le prince Manvendra Singh Gohil a depuis peu ouvert son palais, transformé en refuge pour les jeunes gays chassés de chez eux. «Je veux donner aux gens un soutien social et financier, pour qu'ils puissent faire leur coming-out, sans qu'ils affectés de la sorte. Ils bénéficieront de leur propre système de sécurité sociale. Leur déshéritement n'y changera rien» explique Manvendra Singh Gohil qui vit aujourd’hui le parfait amour avec un citoyen américain, DeAndré Richardson, épousé en 2013 et titré duc de Hanumanteshwar à cette occasion.

Reconnu internationalement et personnage incontournable de la communauté gay, le prince Manvendra Singh Gohil a été invité à participer et intervenir à la Global Pride virtuelle organisée sur le net afin de remplacer les festivités prévues pour le 50èm anniversaire de la marche des Fiertés, annulées pour raisons sanitaires. A ses côtés, une pléiade de stars et la princesse Marie du Danemark. L’épouse du prince héritier Frederrik a profité de l’événement pour annoncer que la monarchie danoise avait décidé d’accueillir la prochaine «pride universelle» à Copenhague, en 2021.  Une monarchie qui en appelle à une autre puisque la princesse héritière de Suède, Victoria Bernadotte, a été désignée cette année pour être la marraine de la «Gay pride» de Stockholm.  Des royautés majoritairement engagées aujourd’hui dans la reconnaissance, le soutien à la cause homosexuelle et dans le combat contre l’homophobie (comme au Royaume-Uni, en Espagne ou aux Pays-Bas). «Je suis le premier à avoir fait mon coming-out mais au sein de la royauté, nous savons tous qui est gay ou lesbienne » dit malicieusement le prince qui souhaite désormais adopter un enfant afin que celui-ci puisse lui succéder sur le trône de Rajpipla. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 06/07/2020

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