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Princesse royale, épouse de dictateur, Yadana Nat-Mei est décédée

Yadana nat meiPrincesse royale, épouse de dictateur, Yadana Nat-Mei est décédée, le 1er décembre dernier. Inconnue du grand public, elle était  pourtant l’arrière-petite-fille du prince Kanaung Mitha dont le nom reste indissociable de l’histoire de la Birmanie. Elevée en princesse royale, héritière d’une monarchie victime d'un fratricide et emportée par le rouleau compresseur britannique, Yadana Nat-Mei a été aussi l’épouse éphémère du dictateur Ne Win, obsédé par l’ancien décorum royal. Un mariage qui fut aussi bref que retentissant. Un destin hors du commun qui va mener la dernière princesse de Rangoon vers Hollywood et placer ses pas  jusque sur les chemins de l’Italie florentine où elle a fini sa vie dans la peau d’une modeste cuisinière.

Yadana nat mei et sa mere hteiktin ma lat« Elle n’est pas décédée du Covid-19. Elle parlait à un ami et soudain, elle s’est écroulée ». Le 1er décembre, le journal de la BBC (en langue birmane) a annoncé le décès de June Rose Bellamy à l’âge de 88 ans. Elle avait ouvert à Florence, en plein cœur de la Toscane italienne, une école de cuisine qui était réputée. La veille dame avait le sourire facile, ne parlait jamais de sa vie d'antan, demeurait pour tous cette excellente cuisinière où on se pressait pour prendre des cours. Mais sous cette adorable grand-mère se cachait Yadana Nat-Mei, une véritable princesse royale qui avait hérité de la beauté de sa mère, Hteiktin  Ma Lat (1894-1965), qui avait fait tourner la tête au Kronprinz Guillaume de Hohenzollern, le fils du dernier Kaiser d’Allemagne. Fiancée du roi de Sikkim, elle n’eut pas le temps de régner. Il mourut mystérieusement quelques mois avant leur mariage en 1914. Veuve éplorée, Hteiktin  Ma Lat se réfugia dans les bras d’un australien, un éleveur de chevaux et un passionné d’orchidées. De cet amour , qui crée le scandale, va naître Yadana Nat-Mei, la « déesse des neufs joyaux ». La jeune fille ne connaîtra pas les ors de la monarchie bien que dans son sang coule celui du prince Kanaug Mitha, son arrière-grand-père, héritier au trône de Birmanie.

« Idole du peuple », le prince Kanaung Mitha est lui-même entouré de diverses légendes. Ses tentatives de moderniser le pays en envoyant des jeunes birmans étudier en Europe va se heurter aux plus traditionnalistes des membres de la maison royale qui s’agacent de son aura grandissante. Poèmes et chansons d’amour sont mêmes écrits à son propos. Une popularité qui lui vaut la jalousie de ses frères qui en août 1866 tentent un coup d’état et le font assassiner lors d’une session parlementaire avec trois de ses fils. Mortellement blessé, il réunit ses derniers efforts, armes à la main, tient tête à ses meurtriers et sauve ainsi la vie du roi Mindon Min qui en gardera une expérience traumatisante. Le corps de son fils, 46 ans,  livré aux flammes mortuaires permet à un nouveau personnage de prendre de l’essor, la reine Hsinbyumashin. Affaibli, le roi  laisse gouverner cette femme ambitieuse qui ordonne rapidement le massacre de plus de 100 enfants potentiellement proches du trône afin de permettre à sa fille et son gendre (et beau-fils), Thibaw,   de monter sur le trône en 1878. Il sera le dernier monarque de Birmanie.

La princesse yadana nat meiLa guerre éclate et Rangoon est bientôt la proie de l’aviation japonaise. Il faut fuir vers l’Inde en 1942. Adolescente, la princesse Yadana Nat-Mei se découvre une passion dévorante pour l’écriture et gagne même un prix américain sponsorisé par le « New York Heral Ttribune ». Sa grâce, la finesse de ses traits issus de son métissage culture attirent tous les regards, y compris de producteurs de cinéma qui tentent de la persuader de les suivre. En 1954, elle fait une apparition dans «  La flamme pourpre » dont l’acteur principal est Gregory Peck et à qui elle donnera la réplique. Un succès éphémère car l’histoire va se charger de lui rappeler ses devoirs. Elle ne gardera pas un  excellent souvenir de cette expérience cinématographique qui la renvoie dans son pays. Elle déclarera  à propos de ce film: « C'était tellement Hollywood, c'était ridicule; c'était une insulte à tout ce qui était lié au passé de  la Birmanie ».  Elle avait épousé un jeune physicien italien avec qui elle avait eut deux fils, Michel et Maurice Postiglione. Un mariage en 1954 qui s’acheva par un divorce au début des années 1960 et qui fut secoué par le bref enlèvement de son époux, par de jeunes communistes birmans. Etrange scène surréaliste où ils lui annoncent, genoux pliés,  qu’ils n’ont rien contre elle et lui demandent très poliment comment se porte sa mère, la princesse Hteiktin  Ma Lat, avant de lui expliquer pourquoi ils ont décidé de jeter son dévolu sur son mari, Mario, qui représente les intérêts de l’Ouest.  

June rose bellamyYadana Nat-Mei est l’amie de Katie, l’épouse du général Ne Win qui s’est emparé du pouvoir en 1962. Un putsch qui a fait une victime de 17 ans, le fils du roi de Nyaung Shwe, alors président birman depuis la proclamation de la république en 1948. Lorsqu’elle apprend que sa mère a eu une attaque cardiaque, elle est  à Rome. Elle va faire jouer ses relations mais à peine embarquée, elle apprend que Hteiktin  Ma Lat a rendu l’âme. Elle ne partira finalement pas et décide de rester en Italie. Invitée à rencontrer Ne Win lors d’une réception alors que celui-ci en visite d’état, elle a la surprise d’apprendre que Katie est décédée. Le dirigeant lui fait une cour assidue, la persuade de retourner en Birmanie et elle cède à ses avances. De princesse royale, Yadana Nat-Mei devient épouse de dictateur en 1976. Nul ne doute que Ne Win fut attiré par sa prestance naturelle mais le mariage fut aussi très politique pour le militaire qui avait compris toute l’opportunité de légitimer son régime par une union avec ce sang royal. Elle se refusera toujours à critiquer le régime de Ne Win qui sera finalement abandonné par l’Europe, usée par cette présidence ou se mêlaient allégrement principes nationalistes, socialistes et bouddhistes.  Un mariage qui ne durera que …5 mois. Ulcérée et horrifiée par la tournure des évènements, la répression, les accès de colère du dictateur paranoïaque, elle s’enfuit, seule occupante d’un avion et sous les accusations publiques de son mari, dépité, qui annonce à la Birmanie qu’elle était en fait « espionne de la CIA ». « Il est mort seul, abandonné de tous et enterré par une personne qui a eu pitié de lui. Pour un bouddhiste, vous savez, c’est terrible. Je pense à mon grand-père qui n’a même pas eu droit à son nom sur sa tombe » dira toujours, compatissante à son égard, Yadana Nat-Mei devenue June Rose Bellamy, son nom d’auteur.

Yadana Nat-Mei n’a jamais rejeté ses racines. A des journalistes, elle racontait qu’elle parlait le birman de la cour royale avec sa mère jusqu’à son décès. Elle a toujours combattu le racisme dont elle faisait l’objet de la part des britanniques ou même des birmans avec toujours la même dignité. Ce petit bout de femme confessait que son départ de Birmanie avait été un «  péché d’orgueil » et se reprochait d’avoir abandonné ses compatriotes «  qui avaient placé tous leurs espoirs en elle ». Elle est retournée en  2010  en Birmanie avec ses deux fils, un voyage qui l’a replongé dans un passé qu’elle éludait entre deux préparations de plats et de cocktails qui émerveillaient tous ses invités de passage. En fermant définitivement les yeux sur un monde qui appartient désormais à un passé révolu, c’est tout un pan de l’histoire de la monarchie birmane qui est parti avec Yadana Nat-Mei, la dernière princesse de Rangoon, la « déesse des neufs joyaux »

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 22/12/2020

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