« Ma famille a consacré sa vie, au fil des siècles à agrandir cette collection, présente sur ce qui est un site du patrimoine mondial et qui valorise notre identité. Dom Pedro Ier et Dom Pedro II se sont donnés beaucoup de mal pour maintenir cette institution. Ce changement d'objectif n'a aucun sens. Je me battrai donc contre ». Le projet de rénovation du Musée national de l'université fédérale de Rio de Janeiro, détruite par un violent incendie en 2018, a mis en colère le prince Dom Joãozinho. Dans un entretien au quotidien « Folha de São Paulo », le descendant de Dom Pedro II, le dernier souverain du Brésil renversé par un coup d’état en 1889, a fait part de son opposition totale aux transformations idéologiques proposées par le gouvernement et de son mécontentement qui a de nouveau révélé au grand jour les tensions qui persistent toujours entre les deux branches rivales de la dynastie d'Orléans–Bragance.
Au lendemain de l’incendie qui a ravagé le Musée national de l'université fédérale de Rio de Janeiro (MA-UFRJ) le 2 septembre 2018, il avait été l’un des premiers à se rendre sur place afin de constater les dégâts. Dom João Henrique d’Orléans-Bragance, plus connu sous le nom de Dom Joãozinho, a eu connaissance du projet de rénovation mis en place par les ministères de l’Education et des Affaires étrangères. Dans un entretien au quotidien « Folha de São Paulo », ce membre de la branche des Petrópolis, n’a pas mâché ses mots et fait part de sa vive opposition aux transformations architecturales et idéologiques prévues de cet ancien palais de la maison impériale des Orléans-Bragance et dont le suivi des travaux est piloté par le prince Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance, son cousin député, issu de la branche rivale au trône des Vassouras. Un prince qui s'est attiré plus d'une fois les foudres du Petrópolis qui ne partage pas ses convictions politiques.
« Ce projet est totalement déplacé » fulmine l’arrière-petit-fils de Dom Pedro II qui est un photographe renommé et un homme d’affaires averti. La soixantaine assumée, le sourire aux lèvres et le charme en plus, Dom João Henrique d’Orléans-Bragance n’entend pas cautionner des rénovations qui serviront la propagande monarchiste du président Jair Bolsonaro et dont la fin des travaux doit coïncider avec les festivités du bicentenaire de l’empire. « J'imagine que cette idée est à l’initiative du ministère des Affaires étrangères qui n’a pas la moindre idée de ce que représente ce musée » pointe du doigt le prince. « Ils veulent rendre hommage à ma famille, mais ce n’est pas ce qu’il faut faire, plutôt rendre un hommage au Brésil. Ma famille s'est toujours battue pour le Brésil, pour notre diversité culturelle, ethnique et géographique. C'est le devoir que notre famille a toujours observé » précise Dom Joãozinho. Le prince Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance, lui, voit les choses autrement, estime que le musée a perdu depuis longtemps sa valeur historique, tel que son cousin l’entrevoit encore, et entend redonner ses seules lettres de noblesse au palais familial. il a d'ailleurs reçu le soutien de l’ancien ministre de l’éducation , Abraham Weintraub, un monarchiste qui avait écrit sur twitter que « la république était illégitime » au Brésil.
Le débat fait rage d’autant que le président Bolsonaro vient subitement d’écarter du gouvernement Ernesto Araújo, ministre des Affaires étrangères (un poste qui vient de nouveau de passer sous le nez du prince Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance de l’aveu même du dirigeant brésilien), un monarchiste proche des Vassouras et qui avait remis les clefs du projet à l'Institut du patrimoine historique et artistique national (Iphan), dirigé par Olav Schrader. Ce dernier se défend d’ailleurs d’en faire un musée à la seule gloire de la monarchie défunte. « Personne ne va enlever le palais son caractère de musée national. Ce serait une violence envers le musée. Ce que nous voulons, c'est qu’il redevienne un musée d'histoire naturelle et d'anthropologie, durable et accessible, favorisant l'appréciation du patrimoine scientifique et culturel et, à travers les yeux de la science, inviter les gens à réfléchir sur le monde qui nous entoure » affirme péniblement celui qui est lié étroitement au mouvement monarchiste conservateur « Brasil Real ». « Ce sont des inventions folles et fantaisistes » prétend Olav Schrader qui a confirmé que le Portugal, d'Autriche et d'Allemagne allaient participer au financement de reconstruction du musée.
Dans son combat, le prince João Henrique d’Orléans-Bragance a été rejoint par l'Académie brésilienne des sciences (ABC) et l'Académie brésilienne des lettres (ABL) qui se sont également prononcées contre ce projet, à travers un communiqué signé conjointement par les présidents Luiz Davidovich (ABC) et Marco Lucchesi (ABL). « Il est urgent de restaurer le Musée national tel qu’il était à son origine, le plus grand musée d'histoire naturelle et d'anthropologie du Brésil, qui depuis sa fondation a contribué à la promotion du progrès social et économique dans le pays grâce à la diffusion de l'éducation, de la culture et des scienes » ont écrit les deux universitaires. « Cette proposition est un affront à l'histoire et à la société. Le ministère des Affaires étrangères devrait se préoccuper de l'achat de vaccins » renchéri Alexander Kellner, doyen de l'UFRJ, qui juge le plan de rénovation comme étant « révisionniste et tyrannique ». « Partout dans le monde, les musées monarchiques attirent chaque année des millions de touristes du monde entier. Et une monarchie européenne installée sous les tropiques est un argument incroyable » a répondu tout aussi sèchement Claudio Castro, président de l'Association des ambassadeurs du tourisme à Rio (ABEMTUR-RJ), associé au projet. Une polémique inattendue qui divise les monarchistes sur la toile et ravive les plaies d'un conflit dynastique persistant alors que depuis trois ans, de fortes rumeurs de restauration de la monarchie ne cessent de planer au-dessus du Brésil.
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