La crise du covid-19 au Brésil va-t-il mettre fin aux espoirs des monarchistes ? C’est toute la question que l’on peut désormais se poser. Le comportement et les déclarations outrancières du président Jair Bolsonaro face à la pandémie mondiale, l’échec de l’organisation d’un référendum sur la monarchie, l’enquête sur l’affaire des « fake news » visant plusieurs députés monarchistes (dont le prince impérial Luiz-Philippe d’Orléans–Bragance) et les prises de positions controversées d’un de ses prétendants au trône ont ébranlé le front monarchiste qui montre d'importants signes de division interne.
«Dom Luiz Gastão de Orleans e Bragança [actuel prétendant au trône du Brésil-nlr] est une personne authentique avec un très grand cœur qui a le souci du bien commun mais le Brésil n’est pas prêt à retrouver sa monarchie. Désormais, la priorité est la réélection du président». Interrogée le 22 mai dernier, la députée monarchiste Carla Zambelli a traduit l’atmosphère électrique qui règne actuellement au sein de la mouvance monarchiste brésilienne. De nombreuses fois dans la rue et aux côtés de ses princes, l’élection de Jair Boslonaro en octobre 2018 avait pourtant permis aux partisans du monarchisme brésilien de passer de l’ombre la lumière et d’éclore. Avec des ministres favorables au retour de l’empire défunt, aboli en 1889 au cours d’un coup d’état, la constitution d’un petit groupe parlementaire de plusieurs députés royalistes dont le prince Luiz-Philippe d’Orléans–Bragance, figure de la maison impériale, un prétendant au trône reçu en grandes pompes au sein de l’assemblée, tous les jâlons d’une restauration semblaient avoir été enfin posés dans ce pays d’Amérique du Sud. La pandémie du Covid-19 a provoqué une crise et mis un coup de frein au regain apparent du royalisme dans le pays du «roi Pelé» et de Ronaldinho. Osons le dire ouvertement, le front monarchiste vient d’exploser.
«Il faut séparer de toute urgence l’idéologie bolsonariste du monarchisme» peut-on lire sur la page Facebook de la Liga azul monarquista brasileira qui compte 20 000 abonnés. Dans une tribune publiée au lendemain de l’interview de Carla Zambelli, la Liga azul monarquista brasileira a pointé du doigt la responsabilité du prince Dom Bertrand d’Orléans-Bragance qui s’est fait l’écho de thèses complotistes sur le covid-19, largement répandues dans le gouvernement populiste du président Jair Bolsonaro. «Nous vivons l'une des plus grandes crises politiques de notre histoire, et à un moment comme celui-ci, où la République est extrêmement fragilisée, plutôt que nous, monarchistes, proposions de restaurer la restauration de la monarchie comme alternative viable, nous continuons à nous accrocher à des politiciens corrompus, participons à des luttes de clans et nous nous laissons aveugler par une personne qui se prend pour Dieu. Comment peut-on se qualifier de monarchiste et soutenir un gouvernement liberticide ou soutenir l’idée même d’un coup d’état pour garder un homme au pouvoir ?» demande le mouvement monarchiste qui a pourtant été un important contributeur logistique sur les réseaux sociaux à la victoire de l’actuel président.
La semaine dernière, l’ouverture d’une enquête dans l’affaire des «fake news» a secoué le monde monarchiste. Parmi les noms cités figurent les monarchistes bolsonaristes Carla Zambelli et le prince Luiz-Philippe d’Orléans–Bragance qui ont tous deux affirmé que cette action judiciaire était «illégale et inconstitutionnelle». Ils sont accusés d’avoir participés à la mise en place d’«un cabinet de la haine consacré à la dissémination de fausses informations» et d’avoir orchestré des «attaques contre plusieurs personnes dont des juges de la cour suprême, contre les autorités et les institutions» peut-on lire dans El Pais Brasil. Le gouvernement crie à la «persécution politique». «Si le Brésil veut établir un modèle politique stable et représentatif, il doit se demander avant quelle sorte d’idées partisanes régissent le Tribunal fédéral suprême aujourd'hui, dominé par les progressistes [ici la gauche brésilienne-ndlr]» a dénoncé dans un tweet, le prince impérial qui a reçu le soutien de la Confederação Monárquica do Brasil, un transfuge du Liga azul monarquista brasileira et ouvertement pro-vassouras, du nom de la branche la plus conservatrice de la maison impériale.
Une division dynastique et politique qui n’aide pas les monarchistes à percer ou émerger dans le pays. Si on estime que 30% de la population est favorable à un retour d’un empereur sur le trône, les idées des Vassouras ont effrayé plus d’un brésilien. Les déclarations du prince dom Bertrand d’Orléans-Bragance sur la communauté homosexuelle, très présente dans le pays, sur le réchauffement climatique qu’il remet en cause, sa défense des propriétaires terriens face aux «sans-terres», ses doutes sur l’origine du covid-19 (alors que la maison impériale a été durement touchée par le coronavirus), ses convictions ultra-religieuses et son soutien public au président populiste Bolsonaro ont provoqué une hémorragie au sein du monarchisme brésilien. Pis, le rejet par le Sénat de toute perspective de référendum sur la question monarchique, l’année dernière, a semé des doutes au sein de cette mouvance qui avait pris le dessus sur sa rivale, les Petrópolis, plus libérale mais quasi absente du débat depuis la mort de son prétendant emblématique en 2007, le prince dom Pedro-Gastao d’Orléans-Bragance.
Du côté des monarchistes bolsonaristes on continue pourtant de plébisciter le président élu en pleine tourmente avec la gestion du covid-19 dont il nie farouchement les effets désastreux sur la population brésilienne et qui souffle le chaud et le frois sur ses réelles intentions de restaurer l'empire après lui. On évoque encore cette «marée monarchiste portée par le discours historique de 2013, prononcé par dom Bertrand d’Orléans-Bragance et dont la personnalité pourrait largement influencer la droite conservatrice». Un prince impérial, candidat en 2022 ? C’est l’idée qui se répand dans la mouvance monarchiste bolsonariste qui souhaiterait que le prince Luiz-Philippe d’Orléans–Bragance, vu par beaucoup comme un rival à l’actuel dirigeant du Brésil et qui a été récemment au centre d’un complot interne au sein du Parti Social –Libéral (PSL), se présente à la prochaine élection présidentielle. Une cabale anti-monarchique qui a d’ailleurs provoqué le départ de Bolsonaro du PSL qui l’avait porté à la tête du pays pour fonder avec le prince un nouveau mouvement, l’Alliance du Brésil.
«Le monarchisme est pluriel et si nous ne nous éloignons pas rapidement des querelles politiciennes, que nous continuions à soutenir une idéologie qui devient minoritaire au détriment de notre propre indépendance, nous pourrons alors dire adieu définitivement à nos espoirs de retour monarchie » affirme la Liga azul monarquista brasileira qui ne décolère pas sur les réseaux sociaux et qui regrette cette vision «archaïque et rétrograde du monarchisme» que distillent encore certains membres de la maison impériale du Brésil. Comme d'autres !
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