Interview de l'avocat monarchiste Melhem Saad

Dom bertrand d orleans bragance harranguant la fouleImpassible, le regard fermé, l’empereur Dom Pedro II écoute les doléances des officiers dont les régiments ont encerclé le palais impérial. Aux premières heures du coup d’état, il n’est pas encore question d’un nouveau régime. Mais son impopularité parmi les brésiliens va contraindre ses auteurs à prendre des décisions radicales d’autant que le souverain refuse toutes les propositions qui lui sont présentées. Il devra abdiquer. Le 15 novembre 1889, Dom Pedro II et sa famille quittent le Brésil, la république est vite proclamée. «Rarement une révolution ne s'est déroulée de façon aussi calme » écrira en 1993 l’historienne Lisa Besouchet. Alors que l’on reparle d’un référendum pour la monarchie pour les 200 ans de la fondation du Brésil et que le dernier empereur reste l’un des 5 personnages favoris des brésiliens, l’idée monarchique est-elle une réalité au Brésil ? C’est l’avocat Melhem Saad, président du cercle monarchiste de de Sao Luis, qui tente de répondre aux questions du journal « O Imparcial ».

Pourquoi pensez-vous que la monarchie est la solution la plus viable pour le Brésil ?

L’histoire de notre pays a démontré que la monarchie brésilienne a été la forme de gouvernement la plus stable politiquement et institutionnellement parlant. Une période [1822-1889-ndlr] où la démocratie était une réalité. Aujourd’hui, des pays ont conservé leurs monarchies et on peut constater que ce système fonctionne encore très bien. Comme par exemple, le Canada, la Suède, l’Espagne, l’Australie, le Japon, l’Angleterre ou les Pays-Bas. Voyez quelle stabilité institutionnelle apporte la figure d’un monarque dans ces pays. Les problèmes auxquels doivent faire face les brésiliens aujourd’hui sont devenus pesant à gérer et ils ralentissent toute croissance. Si nous éliminons ces problèmes, le pays ne pourra aller que de l’avant. Le prince Dom Bertrand [second héritier au trône selon la ligne de succession Vassouras-ndlr] l’affirme, c’est un souhait des brésiliens de vouloir le retour du système impérial [le 25 octobre devant des milliers de personnes, le prince a pris la parole sur la célèbre avenue Paulista de Sao Paulo-nldr].

Vous affirmez que ces pays qui ont conservé un système de monarchie parlementaire ont un niveau de vie élevé. Secoué par de nombreux scandales de corruption, une fois la monarchie rétablie, le Brésil pourrait-il connaître le même indice de croissance ?

C’est une vérité. Si nous avions conservé notre stabilité institutionnelle avec un monarque à sa tête, le Brésil aurait connu une forte croissance économique. C’est justement le rôle du monarque d’agir sur cette question. Notre projet de restauration de la monarchie est liée également à une série de réformes importantes notamment dans le domaine parlementaire où nous souhaitons l’abolition du vote à la proportionnelle qui reste injuste

La période liée à la monarchie brésilienne est souvent critiquée. Comment faîtes-vous face à ces critiques ?

Il n’y a pas de système parfait. Que vous soyez en république, en monarchie ou même sous une dictature, vous avez toutes sortes de problèmes à affronter. La monarchie brésilienne a connu, par exemple, des problèmes frontaliers avec ses voisins. Je ne vois pas en quoi cela peut justifier que la monarchie ne puisse pas être restaurée au Brésil. Quelle meilleure preuve de modernisme, de progressisme politique que la décision de faire abolir l’esclavage dans notre pays [Loi d’or-ndlr].  Certes, cela nous a coûté le trône mais  nous savons tous que les brésiliens n’étaient pas foncièrement républicains. Seuls ceux qui étaient contre l’empereur sont devenus des « républicains de dernière minute ».

Manifestation de bresiliens monarchistesComment l’idée de retour de la monarchie est-elle perçue dans la société brésilienne ? Cela n’est-il pas vu comme quelque chose de passéiste.

Notre cercle monarchique a été fondé en 2012  avec seulement 30 personnes. Nous avons persévéré, participé à des émissions radios, cela n’a pas été facile. Au départ, on disait qu’il fallait nous interner dans un hôpital psychiatrique mais nous avons tenu bon. Vous savez, c’est un travail de longue haleine mais nous y avons cru. Et les résultats sont là. Désormais, ici, au Brésil, l’idée d’un retour de la monarchie est devenue acceptable. [20% des brésiliens seraient favorables au retour de la maison impériale selon un sondage de 2018-ndlr]

Vous organisez la « journée du drapeau », le 15 novembre. Hors cette journée coïncide à la proclamation de la République. Quel est donc le but de cette journée ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une manifestation dans laquelle nous crions des slogans monarchistes. C’est un événement festif où se mêlent toutes les générations autour d’un symbole fort, notre drapeau.

Considérez-vous que la proclamation de la république comporte des zones d’ombres qui ont été volontairement oubliées par les historiens ?

Oui ! On n’a eu de cesse de nous enseigner, que ce soit sous la dictature ou la république, que le coup d’état avait été accueilli favorablement par les classes populaires. On a toujours fait passer les monarchistes pour d’éternels vaincus. Hors ce n’est pas la vérité historique. Il y a heureusement aujourd’hui une relecture de cette journée notamment sur les rôles du maréchal Déodoro Da Fonseca [Président du brésil de 1889 à 1891-ndlr] ou du maréchal Floriano Peixoto [Président de 1891 à 1894-ndlr]. Un véritable complot organisé ! [ici, il fait allusion que les auteurs du putsch furent tous franc-maçons-ndlr]

Que pensent les monarchistes de l’élection à la tête du pays de Jair Bolsonaro ?

Le Brésil avait besoin d’un nouveau souffle politique. Si la monarchie avait été sauvegardée, elle aurait résolu la crise institutionnelle en décidant de la dissolution de l’assemblée nationale et l’empereur aurait convoqué de nouvelles élections. 13 ans de Parti des travailleurs, une gauche révolutionnaire qui ne laissera pas un bon souvenir même si certaines réformes ont été bonnes notamment pour les classes pauvres. Que les choses soient claires, nous ne sommes pas en faveur d’un tel ou un tel  mais si  nous avons été opposés au Parti des travailleurs, c’est dans le seul souci d’un renouveau pour notre pays. Ce changement, en dépit de l’intérim du président Michel Temer, s’est faîte de manière démocratique mais aucun président de la république ne saurait être considéré comme un sauveur. Lula da Silva n’a pas réussi à stabiliser le pays, je doute que Bolsonaro puisse réellement le faire.

Dom bertrand d orleans bragance parmi ses partisansLes médias ont récemment annoncé que le prince Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance, député, pourrait être le prochain des ministres des affaires étrangères. Est-ce une bonne chose qu’un membre de la maison impériale atteigne un tel niveau de responsabilités au sein du nouvel exécutif  ?

Le prince a été élu député fédéral. Ses propositions de réformes politiques et sociales sont conformes avec la pensée monarchiste, lui-même étant un partisan de la monarchie parlementaire. Sa candidature a beaucoup divisé les monarchistes mais il serait normal, car c’est aussi son rôle, de voir un membre de la famille impériale être nommé à un tel poste. Il faut reconnaître que son élection comme député a suscité un véritable engouement. Avec une telle personne, le Brésil ne peut que s’améliorer.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 22/11/2018

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