Le sultan de Sokoto réclame la démission du gouvernement fédéral

Sa ad abubakar iv«Le terrorisme n'a pas sa place dans l'islam». Haute autorité traditionnelle et monarchique de la république fédérale du Nigeria, le sultan Alhaji Sa’ad Abubakar lV n’a pas caché son irritation vis-à-vis d'Abuja, la capitale, qui se montre incapable de stopper les actions terroristes du groupe islamique Boko Haram. Dans une déclaration publique lue ce 17 juin, ce monarque révéré a pointé du doigt la responsabilité de certains membres du gouvernement, y compris le président Buhari lui-même, avant de réclamer leurs démissions respectives. Entre le descendant d’Ousmane Dan Fodio et le gouvernement, le torchon brûle de plus en plus.

C’est la plus haute autorité traditionnelle du Nigeria, ce géant pétrolier de l’Afrique de l’Ouest. Le 20ème sultan de Sokoto est le descendant du djihadiste Ousmane Dan Fodio qui fonde un empire peul au cours du XIXème siècle. Comparable à l’empire Ottoman, ses principales richesses vont reposer sur l’esclavage et le commerce en tout genre. Mais cette monarchie héréditaire va rapidement se heurter au rouleau compresseur britannique qui lui impose un protectorat en 1903 comme un nouveau souverain. Le règne de Muhammadu Attahiru II (1903-1915), sans pouvoirs,  sera rejeté par ses sujets plus attirés (déjà) par les prédications d’une secte mahdiste. C’est durant la décolonisation que le sultan de Sokoto, alors Siddiq Abubakar III (1903–1988), va retrouver ses regalias. Fait chevalier par les britanniques en 1944, il va se battre toute sa vie pour préserver l’unité fragile d’un pays que se partagent plus de 350 ethnies différentes et dont les frontières ont été décidées par un gouverneur anglais après une folle nuit d’amour avec une journaliste. Lors du coup d’état sanglant de 1966, prélude à la guerre du Biafra, l’une des plus médiatisées du XXème siècle, il va marquer par sa capacité à fédérer autour de lui. Un talent que l’on retrouve d’ailleurs chez son fils, actuel dirigeant du sultanat.

Depuis 2002, le groupe islamique Boko Haram fait régner la terreur au Nigeria. Enlèvements, assassinats, attentats, les djihadistes entendent imposer leur sectarisme religieux sur l’ensemble de la république qui a pourtant instauré la sharia dans certains de ses états. Les monarques traditionnels du Nigeria restent une épine dans le pied de cette secte qui souhaite les déposer. Le dernier massacre perpétré par les djihadistes a autant soulevé l’indignation d’Alhaji Sa’ad Abubakar lV que cet événement a été passé sous silence par les médias internationaux. Plus de 60 personnes tuées, dont une fillette de 4 ans, des villages réduits en cendre. Trop, c’est trop. «Le massacre répété de personnes, ainsi que des  maisons et du bétail brûlés dans les États de Borno, Katsina, Sokoto, Zamfara, Niger et même dans d'autres États tels qu'Adamawa, Kaduna et Taraba, devraient donner aux gouvernements et à ses fonctionnaires aux niveaux fédéral et étatique des nuits blanches » a déclaré le monarque en colère. «Ce sont des «actions vigoureuses qui auraient dû être mise en place par le gouvernement fédéral et non de simples avertissements et des condamnations verbales adressés aux auteurs des actes de meurtre » a poursuivit le sultan qui n’a jamais été aussi irrité. «En toute honnêteté, tous les responsables de cette gabegie devraient démissionner honorablement, comme cela se fait souvent dans d'autres pays» a réclamé le souverain qui vise également le président Muhammadu Buhari.

Palais de sokoto«Le plus pathétique dans cette histoire est que même les conclusions des commissions administratives normales d'enquête ne sont pas prises en compte. Aucune commission d'enquête approfondie n’a été mandatée où les citoyens se présenteraient et exprimeraient leurs sentiments vis-à-vis de cette situation» a renchéri le sultan qui est en conflit ouvert depuis plusieurs mois avec le gouvernement fédéral, prenant le risque de se voir destitué pour sédition comme son alter égo de Kano en mars dernier. Pis, il accuse les autorités de son état de laisser cette guerre (civile) perdurer dans un seul but lucratif. Principal mal du pays, la corruption a gangrené l’ensemble de la république fédérale se plaint Sa’ad Abubakar IV qui règne sur pas moins de 55% de la population nigériane.

«Ne vous y trompez pas, l'insécurité qui menace les États du Nord-Ouest et certains des États du Centre-Nord sont plus ou moins une extension de Boko Haram (…), une tragédie de trop pour le Nigéria. ! » a averti le sultan de Sokoto, lui-même ancien officier militaire. «Comment les auteurs de ces massacres ont-ils pu accéder aux armes, malgré la fermeture des frontières nigérianes ?»  demande avec pertinence le monarque qui réclame à la République fédérale, la diligence d’une enquête, une forte intervention militaire et le retour immédiat au respect de la dignité humaine.  «Le terrorisme n'a pas sa place dans l'islam », avait déclaré en 2014 Sa’ad Abubakar IV qui a dû également faire amende honorable après des propos controversés récents sur les chrétiens de son pays. Un souverain devenu le fer de lance de la résistance à Boko Haram, qui a appelé plus d’une fois ses coreligionnaires à l’unité face au terrorisme qui frappe quotidiennement sa nation et face à un gouvernement dépassé par la situation .

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 21/06/2020

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