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Mohammed VI : « Ni vainqueur ni vaincu » dans le dossier du Sahara

À l’occasion de la Fête du Trône, le souverain marocain a prononcé un discours ambitieux et rassembleur. Entre bilan socio-économique et main tendue à l’Algérie, Mohammed VI affirme son rôle de garant de la stabilité du royaume et de l’unité maghrébine.

Chaque année, le 29 juillet, le Maroc célèbre avec ferveur la Fête du Trône. Un moment symbolique qui, au-delà de la commémoration de l’accession au pouvoir de Mohammed VI en 1999, incarne la perpétuation du pacte d’allégeance entre le monarque et son peuple. Cette édition 2025 n’a pas dérogé à la règle : dans un discours solennel, le souverain a livré une vision claire de son règne, du futur du royaume, et surtout d’un Maghreb qu’il appelle, une fois encore, à réconcilier.

Un Maroc en marche, entre stabilité et ambition

D’emblée, le roi s’est félicité du chemin parcouru depuis son accession au trône, soulignant le cap maintenu dans la construction d’un « Maroc avancé, uni et solidaire ». Malgré les soubresauts du contexte international, les sécheresses répétées et les défis climatiques, l’économie marocaine a su, selon ses mots, préserver un rythme de croissance « conséquent et régulier ». Signe de cette dynamique : le développement spectaculaire de secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique ou les énergies renouvelables, qui positionnent aujourd’hui le Maroc comme un acteur économique crédible et attractif.

À ce progrès industriel s’ajoute une nette amélioration des indicateurs sociaux. Le roi a mis en avant le recul de la pauvreté multidimensionnelle (de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024) et le passage du Maroc dans la catégorie des pays à « développement humain élevé ». Une avancée qui ne saurait faire oublier les inégalités persistantes, notamment en zones rurales. Mohammed VI a donc appelé à une « mise à niveau globale » des territoires et au lancement de programmes de développement fondés sur les spécificités régionales et la justice sociale.

Main tendue à l’Algérie : entre constance et regrets

Mais c’est dans la dernière partie de son allocution que le roi a touché une corde sensible : celle de la relation avec l’Algérie. Dans un ton mesuré mais ferme, il a réaffirmé sa « position claire et constante » : « le peuple algérien est un peuple frère », lié au Maroc par « des attaches humaines et historiques séculaires ». À plusieurs reprises déjà, Mohammed VI avait exprimé sa volonté d’apaiser les tensions. Cette année encore, il a renouvelé son appel à un « dialogue franc et responsable », dans l’espoir d’ouvrir un nouveau chapitre bilatéral.

Le geste n’est pas anodin. Depuis la rupture unilatérale des relations diplomatiques par Alger en août 2021, les tensions entre les deux voisins n’ont cessé de s’intensifier. À l’origine du différend : le contentieux du Sahara occidental, dont le Maroc revendique la souveraineté intégrale, alors que l’Algérie soutient le Front Polisario, parti indépendantiste du Sahara. Mais au-delà de cette question, d’autres facteurs compliquent la donne : fermeture des frontières terrestres depuis 1994, divergences géopolitiques, concurrence en Afrique et sur les plans militaire et énergétique.

Le roi n’a pas éludé le sujet, affirmant sa fierté du soutien international croissant à la proposition d’autonomie marocaine pour le Sahara. Il a notamment salué les positions du Royaume-Uni et du Portugal, qu’il considère comme des soutiens à la solution réaliste et pacifique défendue par Rabat. « Ces positions favorables au bon droit et à la légitimité nous inspirent honneur et fierté », a-t-il déclaré, tout en soulignant sa volonté d’un compromis « où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu ».

L’Union du Maghreb, horizon commun ou mirage diplomatique ?

Au-delà de la question algéro-marocaine, Mohammed VI a placé l’avenir du Maghreb au cœur de son discours. Il a rappelé son attachement à l’Union du Maghreb Arabe, cette entité gelée depuis les années 1990, qu’il estime impossible sans une entente entre Rabat et Alger. Un message adressé à la fois à l’intérieur comme à l’extérieur, alors que les bouleversements en Libye et les reconfigurations géopolitiques en Afrique redessinent les cartes régionales.

La « politique de la main tendue », leitmotiv du roi depuis plusieurs années, semble aujourd’hui relever autant du calcul stratégique que de la conviction personnelle. Dans un contexte international polarisé, Rabat entend se positionner comme un acteur stable, modéré et attractif, à la fois pour ses partenaires africains, arabes, européens et transatlantiques.

Loin de se limiter à un exercice convenu de communication monarchique, ce discours du Trône 2025 aura illustré l’un des traits marquants du règne de Mohammed VI : sa capacité à conjuguer ancrage traditionnel et modernité politique. Entre les impératifs de développement intérieur, les ambitions diplomatiques continentales et le désir de réconciliation avec l’Algérie, le souverain se veut l’incarnation d’un Maroc tourné vers l’avenir, mais conscient de ses blessures encore vives. Reste à savoir si cette main tendue recevra un jour un écho favorable de l’autre côté de la frontière. Car l’histoire du Maghreb s’écrira, inéluctablement, à deux.

Copyright@Frederic de Natal

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Date de dernière mise à jour : 31/07/2025