«Le retour à la monarchie constitutionnelle est la seule solution qui peut permettre à la Libye de sortir de ce conflit». Désormais la proie d’une guerre d’influence entre une Turquie hégémonique (qui soutient le gouvernement d’union nationale) et l’Egypte (qui menace désormais d’intervenir militairement afin de soutenir le maréchal Haftar, auto-proclamé dirigeant de la Libye), plusieurs voix internationales réclament ou exigent la fin de ce conflit qui secoue cette partie de l’Afrique du Nord. Maintes fois présentée comme une alternative, avec la crainte d’un conflit général qui plongerait le pays de la dynastie Senoussis dans un chaos comparable à celui qui prévaut au Yémen, l’option monarchique est de nouveau évoquée dans la presse nord-africaine. La paix va-t-elle passer par le retour de la monarchie renversée en 1969 ?
Un nouveau coup d’épée dans l’eau ? A l’origine du soulèvement contre le colonel Mouammar Kadhafi en 2011, les islamos-monarchistes ont fini par perdre les territoires qu’ils contrôlaient comme celui de la Cyrénaïque, berceau de la maison royales des Senoussis. Faute d’avoir été accompagnée dans sa reconstruction par l’Europe ou les Etats-Unis à la fin de la première guerre civile, la Libye a rapidement sombré dans l’anarchie et aux mains de différents seigneurs de la guerre qui se sont partagés un pays riche en pétrole. Héritier de la couronne, le prince Mohammed El Senoussis avait pourtant été reçu au parlement européen. En vain, Bruxelles avait finalement préféré au petit-neveu du roi Idriss Ier, un ancien cacique du régime à la tête de la Libye. L’apparition du salafisme aux portes de l'Europe, dans un état livré à lui-même, que se partagent 3 différents gouvernements et qui s’excommunient tour à tour, a plongé de nouveau l’ancienne Jamahiriya arabe libyenne dans la guerre civile, il y a 6 ans. La restauration de la monarchie avait été de nouveau évoquée en mars 2014 par le ministre libyen des affaires étrangères lors du sommet de la ligue des Etats arabes. «Je suis prêt pour régner» annonce rapidement le prince Mohammed El Senoussis qui se déclare pour l’adoption d’une monarchie constitutionnelle. Un décret est même voté dans la foulée, restituant la nationalité aux membres de la famille royale et la restituton de leurs biens, les tribus se prononcent en faveur du retour du roi. Même la presse internationale prend l’affaire au sérieux et on se prend à rêver au retour du roi. Le nouvel homme fort, général à la retraite et ancien kadhafiste, le maréchal Khalifa Haftar va doucher les espoirs de tous les libyens et de la communauté internationale. Il n’entend pas placer sur son trône, le descendant d’une maison placée à la tête du pays en 1951 par les anglo-américains, expliquait-il en 2019 au magazine «Jeune Afrique».
En dépit de différents accords de paix et autres cessez-le-feu signés entre les différents protagonistes, sous l’égide de la France, la guerre perdure et menace désormais de dégénérer dans un vaste conflit impliquant la Turquie qui ne cache pas sa volonté de récupérer cet ancien territoire de l’empire ottoman et l’Egypte qui ne souhaite pas avoir un gouvernement islamico-turc à ses portes. A 57 ans, le prince Mohammed El Senoussis se déclare toujours prêt «à servir son pays». «Face au danger et à l’escalade, la situation doit évoluer mais une paix durable ne peut se construire sans tenir compte des aspirations du peuple libyen. Il y a maintenant un sentiment général que la Libye doit trouver d’urgence un autre moyen de stabiliser le pays. Pour sauver la Libye du chaos, nous préconisons la solution d’un retour à la monarchie» propose Ghazi Ben Ahmed, Président de l’ONG «Mediterranean Development Initiative». Aujourd’hui, l’héritier du trône, c’est Mohammed Senoussi, le petit-neveu d’Idriss 1er, très discret dans les médias, l’homme, qui vit à Londres, a laissé entendre qu’il accepterait cette charge si ses compatriotes le lui demandaient. La Libye n’a pas besoin d’un homme à poigne, mais un homme de consensus national, qui règne sans gouverner. C’est ce qu’espèrent aussi certains Libyens. La ré-instauration de la Constitution de 1951. Et donc, du roi» renchérit-il, tout en affirmant que la Tunisie et la Grèce sont favorables à cette idée.
?Le quotidien «Al Mukhtar al Arabi» a publié un long article sur le sujet dans la suite des déclarations de Ghazi Ben Ahmed. Selon le journal qui a interrogé un des leaders monarchistes du Mouvement pour le retour de la Légitimité constitutionnelle, Al -Amin Al-Shtiwi, ce dernier déclare que le retour du prince «serait perçu comme un message de paix » pour la communauté internationale. «Le prince héritier est populaire parmi les composantes sociales libyennes, et il n'a pris parti dans ce conflit, ce qui le rend acceptable pour tout le monde» poursuit-il. Un autre responsable du mouvement monarchiste, soutenu par des députés du parlement et qui a ouvert plusieurs succursales dans tout le pays, Ashraf Boudouara, affirme que «la Libye doit revenir à la constitution reconnue devant les Nations Unies, celle de 1951. Le retour à la monarchie constitutionnelle est la seule solution qui peut permettre à la Libye de sortir de ce conflit» poursuit-il.
«Le retour à la monarchie doit se faire à travers un pacte national global qui apportera la stabilité et la tranquillité qui permettra de réaliser les aspirations du peuple libyen» a déclaré récemment le prince Mohammed El Senoussis que l’on entend à peine pourtant. Le vote par le parlement égyptien d’une possible intervention militaire a posé la question du retour de la monarchie dans les journaux du Caire. Interrogé par le «Sassa Post», le prince déclare toutefois laisser le choix aux libyens : «Le peuple libyen choisira son système démocratique le plus approprié, qu'il s'agisse d'une monarchie constitutionnelle ou d'une république» explique t-il. «C'est la seule feuille de route pour une solution politique de sortie de crise» surenchérit Ashraf Boudouara, également interviewé.
Le prince Mohammed El Senoussis a-t-il vraiment des chances ? «Le temps d'une monarchie constitutionnelle est révolu, les pays ne reviennent pas en arrière, et l'avenir doit être sous un système républicain» affirme le militant et journaliste Saad al-Ubaidi. Un avis que partage Tarik Abdul Jalil, correspondant de guerre bahreïnie qui déclare que «M. Mohammed Al-Senussi a très peu de chances» de monter sur son trône. Si l’Algérie semble étudier également cette option, rien ne plaide pourtant en faveur de l’héritier du trône, contesté dans ses droits par un autre de ses cousins. Pour les opposants au retour de la monarchie, la «figure du prince ne rassemblera pas car il vit éloigné du pays, au Royaume-Uni et n’a aucune expérience politique».
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