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Incertitudes autour du retour du prince héritier en Libye

Le retour annoncé du prétendant au trône de Libye semble être désormais entaché d'incertitudes. Des sources proches du prince Mohammed El-Senoussis, pointent du doigt une manœuvre politique orchestrée par le gouvernement, rendant ainsi impossible sa venue à Tripoli. Les coulisses de cette situation complexe révèlent des enjeux politiques et des obstacles imprévus qui remettent en question la possibilité d’un rétablissement de la monarchie dans cette partie de l'Afrique du Nord.

L’information avait été reprise par de nombreux médias locaux et internationaux. Encore ces derniers jours. Dans le cadre du Dialogue national mis en place sous l’égide du Premier ministre, le gouvernement libyen avait annoncé l’imminence du retour à Tripoli du prince Mohammed El-Senoussis. Parallèlement, il avait exprimé la possibilité de soutenir son accession à la tête du pays si une telle idée rencontrait un consensus général. Un revirement politique qui intervient plus de cinquante ans après le renversement de la monarchie en septembre 1969, orchestré par un coup d'État mené par le colonel Mu’Ummar Kadhafi. L'annonce de ce possible retour a pourtant pris au dépourvu l'ensemble des acteurs politiques participant à cette conférence, conçue dans l'optique de mettre fin à la guerre civile qui perdure depuis 2011. 

Prince Mohammed El senoussi @compte offciel

Le prince héritier au coeur d'intrigues politiques malgré lui ? 

Très rapidement de nombreuses voix se sont élevées, pointant du doigt une éventuelle manœuvre politique orchestrée par le Premier ministre. Plusieurs experts avancent l'hypothèse qu'Abdelhamid Dbeibah, nommé en 2021 à la tête du gouvernement par le Forum de dialogue politique libyen, pourrait chercher à renforcer sa position politique en soutenant le retour de la monarchie. Cette stratégie lui permettrait de contrecarrer les ambitions présidentielles de personnalités majeures telles que le Maréchal Khalifa Haftar, considéré comme le véritable détenteur du pouvoir, et Seif al-Islam Kadhafi, le fils de l'ancien dirigeant, bien qu'il ait été déclaré inéligible à ce type d'élection. Cette démarche de restauration monarchique bénéficie pourtant du soutien de divers pays, dont la Jordanie, le Qatar, et la branche libyenne des Frères musulmans. Mostapha Abdeljalil, ancien Président du Conseil national de transition de Libye entre 2011 et 2012, cité par Radio France International, a été jusqu'à affirmer que " la seule solution pour la Libye aujourd'hui est le retour au régime royaliste ". 

 

 

Un démenti de son retour par ses proches

Initialement prévu entre le 9 et le 17 février 2024, l'enthousiasme suscité par le retour du prince Mohamed El-Senoussi pourrait subir un sérieux coup d'arrêt. Des sources proches du prince ont informé le quotidien Libya Herald que les informations circulant ici et là, suggérant que l'héritier aurait été invité par le gouvernement libyen à revenir dans le pays, sont " à 100 % fausses ". Selon elles, ces déclarations ont été " propagées dans l'espace public par Abdelhamid Dbeibah et ses alliés " qui cherchent à s'approprier à leur propre compte " les avancées notables réalisées par le prince dans le cadre du dialogue national en cours ". Il est à noter que ces derniers mois, le prince Mohammed El-Senoussi a intensifié ses entretiens avec divers leaders politiques et chefs de tribus. Cependant, rien n'a filtré de ces rencontres ni des enjeux discutés. 

 

 

Une idée qui fait son chemin en Libye

Sur le terrain, le petit-neveu du défunt roi Idriss Ier est soutenu par le Mouvement pour le Retour de la Légitimité Constitutionnelle en Libye, bien que l'influence de ce parti demeure relativement mineure sur l'échiquier politique national. Il bénéficie également de l'appui de divers chefs de partis politiques. En juillet 2015, plusieurs membres de l'Autorité de Rédaction Constitutionnelle (CDA), chargée de la rédaction d'une nouvelle constitution, avaient signé une pétition exigeant le rétablissement de la Constitution de 1951 et du régime monarchique. Ils argumentaient que cette démarche constituait la seule solution viable à la crise persistante en Libye. L'idée du retour de la monarchie avait également trouvé écho en 2014 lorsque le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Abdelaziz, avait déclaré dans une interview accordée à Al-Hayat que le rétablissement de la monarchie était la "seule solution pour garantir l'unité en Libye ". Depuis lors, d'autres appels en faveur du retour de la monarchie ont été émis, y compris lors d'une conférence en 2017, bien que ces voix se soient souvent perdues dans le tumulte des affrontements quotidiens entre les milices rivales cherchant à prendre le contrôle du pays.

 

 

Une forte opposition au retour de la monarchie

La question du retour du prince Mohammed El-Senoussi est actuellement en suspens. Jusqu'à présent, aucune communication officielle n'a émané de son site officiel concernant cette éventualité. Il semble incertain qu'il se rende à Tripoli aux dates initialement données, voire dans les semaines qui suivent. D’autant que le maréchal Haftar, qui dispose d’une force armée considérable (proche de Moscou, il a vainement tenté de s’emparer de la capitale entre 2019 et 2020), a déjà fait part de son opposition à un retour de la monarchie passé. Dans une déclaration à Jeune Afrique en 2018, le maréchal Haftar avait souligné que bien que les partisans de la monarchie puissent compter sur des personnalités de valeur, ce système était dépassé depuis longtemps. Il avait ajouté que des pays, tels que le Royaume-Uni, cherchent à insuffler de la vie à ce projet, mais qu'ils ne jouissent d'aucune crédibilité en Libye. 

Ces récents développements soulignent l'ampleur des enjeux politiques complexes qui entourent la scène libyenne en constante mutation, victime de diverses influences étrangères. Face à ce qui ressemble à une tentative de redéfinir l'équilibre du pouvoir en Libye, chacun tente de tirer son éplique du jeu, monarchistes compris, afin de conserver ou s'emparer du pouvoir dans un pays riche de son pétrole.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 30/01/2024

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