Le roi du Lesotho exige de ses sujets « qu’ils changent immédiatement de comportement». Né prince, David Mohato Bereng Seeiso, le roi Letsie III est le monarque constitutionnel du Lesotho depuis 1995. Ce petit royaume enclavé au sein de l’Afrique du Sud doit son existence aux zoulous. Afin de faire face aux impies (régiments) de l’empereur Shaka, le roi Moshoeshoe Ier unit toutes les tribus sothos sous son sceptre. Mais les fréquentes intrusions de boers dans son royaume contraignent le roi à accepter un protectorat britannique. C’est en 1966 que le Lesotho obtient finalement son indépendance. Letsie III est l’héritier d’une monarchie troublée par les conflits politiques en tout genre et autres coup d’états qui ont émaillé son histoire. Et le dernier épisode en date a prodigieusement irrité le souverain qui a décidé de lancer un avertissement à ses sujets. Et a fait mouche.
Le mohair est une laine que l’on tire de la chèvre angora. Le royaume est le deuxième producteur mondial de ce qui reste avant tout un produit de luxe. Hors, l’année dernière le parlement a accepté de faire voter une législation obligeant les agriculteurs à vendre cette laine à une entreprise chinoise, soupçonnée aujourd’hui de sous-payer les sothos. Des manifestations ont éclaté à Maseru, la capitale, obligeant le gouvernement, déjà contesté depuis des mois, du premier ministre Tom Thabane à suspendre la loi de régulation avant de décider de son abrogation. Mais fin novembre, le parlement n’a pas suivi, prétextant que le texte n’était pas fini d’être écrit. Les débats très vifs se sont terminés en pugilat général entre députés. Les cravates des costumes trois pièces ont servi d’étrangloirs naturels, des coups ont été changés entre députés, et chacun a lancé des poubelles ou des micros à l’autre. La ministre de l’agriculture et un député ont fait les frais de cette bataille rangée qui a donné une triste image de ce petit royaume.
Alors que s’achevait la réunion des chefs d’états de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), le roi est monté au créneau. Il en va de la réputation de sa monarchie, déjà entachée par un récent putsch qui a temporairement renversé l’actuel chef de gouvernement ou par des règlements de comptes entre officiers militaires en pleine rue. Dans un discours aux basothos, le roi Letsie III a plaidé pour un changement de comportement et d’attitudes alors que la monarchie surfe sur la vague des réformes. Le déplorable spectacle offert aux médias internationaux a provoqué l’ire royale. « Vous devez travailler côte à côte » a ordonné le roi, vague allusion aux tentatives de reversement parlementaires dont fait l’objet son premier ministre. « Le roi Moshoeshoe II a quitté ce pays en paix et nous voulons aussi le voir en paix » a rappelé, lui –même et en écho au souverain, Tom Thabane. Face aux dirigeants de la SADC qui écoutaient religieusement, le premier ministre a fait amende honorable devant le roi Letsie III : « Nous sommes maintenant confiants et nous pouvons voir que nous arriverons là où nous voulions aller ». « Nous espérons qu'un jour le Lesotho sera un pays de paix et de tranquillité » a conclu le chef du gouvernement après s’être incliné devant le souverain.
Bien que son rôle soit purement cérémoniel et qu’il a émis le souhait de retrouver ses prérogatives absolues, le roi Letsie III est un souverain révéré. Et qui reste sous l’étroite surveillance de l’Afrique du Sud voisine qui est intervenue plus d’une fois pour rétablir l’ordre. Durant son séjour, le président Cyril Ramaphosa a demandé que les « sothos mettent leurs divergences de côté et s’attellent aux réformes nécessaires pour le bien du royaume ». Un dossier que l’actuel occupant de Pretoria connaît. Lors du putsch de 2014, il avait été nommé médiateur dans cette crise. Avec succès.
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Punlié le 12/16/2019