La monarchie absolue au Lesotho, solution à l'instabilité chronique ?

Le roi Letsie III et la reine-mèreDernière monarchie d’Afrique australe avec l’Eswatini, le royaume du Lesotho a été marqué par des vagues d'instabilité politique depuis la proclamation de son indépendance en 1966. Coups d’état, mutineries, conflits électoraux, opposants exilés ou assassinés, scandales de corruption, rien ne semble épargner cet état enclavé en Afrique du Sud. Plusieurs voix réclament désormais que le roi Letsie III reprenne entièrement ses regalia limités par une constitution, seule solution pour remettre de l’ordre au sein de l’institution royale. Une idée à laquelle est favorable le monarque sotho. 

Billet de banque sotho avec le portrait des rois du LesothoC’est un débat qui agite la classe politique depuis des mois et qui pourrait aboutir à une réforme drastique de la constitution limitant les pouvoirs du roi Letsie III. Monté sur le trône pour la seconde fois en 1995, après la mort accidentelle de son père, le souverain ne peut agir que « sur avis » du Premier ministre, du Cabinet ou du Conseil d'État. Plus d'une fois, il a dû faire face à de nombreuses crises qui ont menacé de faire vaciller cette monarchie, veille de plusieurs siècles. Ancienne colonie britannique qui a pris son indépendance dans les années 1960, le Lesotho a vécu tantôt sous la férule de politiciens ambitieux, tantôt sous celle d’officiers militaires corrompus (6 putsch réussis). La dernière tentative de coup d’état en 2014 (qui a fait plusieurs morts dont le chef d’état-major de l’armée assassiné) et le scandale qui a fait chuter le Premier ministre (Thomas Thabane a été acusé et reconnu coupable en 2017 d’avoir organisé avec sa nouvelle épouse le meurtre de sa précédente conjointe) ont considérablement terni l’image de l’institution royale. Une affaire de trop pour le roi qui ne veut plus jamais voir le type de spectacle désolant que le parlement sotho a offert au monde en décembre 2019. Lors d’une session parlementaire, un débat avait fini en pugilat général, filmé par les caméras de l’Assemblée nationale et largement partagé sur les réseaux sociaux.

Letsie III en costume traditionnelPour les partis politiques, il est désormais urgent que le monarque sotho, très populaire parmi ses sujets, retrouve une partie de ses prérogatives afin de permettre au régime de rester pérenne. Y compris un contrôle sur l’armée devenu désormais un état dans l’état. La question du pouvoir des chefs traditionnels est aussi au cœur de cette réforme, le tout étant intrinsèquement lié aux yeux des sothos qui plébiscitent leur régime monarchique. D’ailleurs de l’avis unanime, nul ne songe à l’établissement d’une république puisque selon la logique locale, « la démocratie ayant échoué, une royauté aux pouvoirs renforcés offre une meilleure alternative, un contrepoids certain aux dérives politiciennes ».  Pour d’autres, cette réforme doit être pensée avec la plus grande prudence. « Un monarque doté de pouvoirs absolus pourrait devenir aussi dangereux que des politiciens ambitieux » fait-on remarquer. Les événements dans l’Eswatini voisin incitent certains parlementaires à ne pas se précipiter, craignant une dérive de l’autorité royale. Ils sont une minorité mais entendent bien défendre le maintien de la constitution actuelle qui date de 1993.

« La monarchie est ancrée dans la société mais n'a pas de rôle significatif. C'est contre-intuitif et coûteux. Les contribuables paient une grosse facture pour une institution qui n'a pas de rôle significatif à contrôler les excès des élus. Les réformistes doivent trouver un équilibre entre monarchie constitutionnelle et pouvoir fort » analyse dans un long éditorial le webzine « The Conversation » et qui semble abdonder dans le sens du souverain. Il y a 3 ans, interrogé par la chaîne Al Jazeera, Letsie III n’avait pas caché qu’il souhaitait le retour de la monarchie absolue. Un juste retour des choses puisque la constitution donne déjà au Premier ministre des pouvoirs très élargis. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 11/09/2021

Ajouter un commentaire