La rencontre est inédite. En marge d’un événement qui a rassemblé plusieurs personnes issues de divers horizons le 20 mai dernier, le prince Ermias Sahle-Selassié, Président du Conseil de la Couronne d'Ethiopie, a eu un bref entretien avec le Pape François. Au menu de ces quelques minutes privilégiées entre le successeur de Saint-Pierre et le descendant du roi Salomon, les activités caritatives du petit-fils du Négus, les liens religieux entre le Vatican et le « toit de l‘Afrique » et les tensions ethniques qui déchirent le pays du mythique « prêtre Jean ».
Légende ou réalité, le royaume du prêtre Jean a toujours alimenté tous les fantasmes. C’est au milieu du XIIème siècle, dans une chronique allemande, qu’apparaît pour la première fois et de manière officielle la figure de ce souverain, qui sera attestée par la suite par plusieurs explorateurs européens comme Marco Polo. A une époque où les latins cherchent encore des symboles christiques, ce monarque africain devient l’objet d’un mythe qui se poursuit encore. Nul ne sait où il vit mais chacun affirme connaître l’histoire de sa vie. On le cherche en vain jusqu’au jour où une expédition portugaise aborde les côtes éthiopiennes en 1494. Parmi l’équipage, le diplomate Pêro da Covilhã, porteur d’une lettre au roi Jean. On l’amène alors devant le Négus Constantin II qui le reçoit et lui raconte une histoire fascinante, celle des amours du roi Salomon et de la reine de Saba dont il est un des fruits. Il faudra peu de temps avant que le Saint–Siège n’établisse des relations avec cet empire aux racines chrétiennes qui abriterait l‘Arche d’Alliance, secrètement et jalousement gardée par des prêtres. Des liens étroits entre le Vatican et l'Ethiopie qui ont permis au prince Ermias Sahle-Selassié d’avoir un entretien privilégié avec le Pape François, le 20 mai dernier.
« Tout en restant étranger aux implications politiques, comme il ressort de la mission même de l’Eglise, Nous ne pouvons pas ne pas être profondément inquiet et ému par les souffrances des victimes du conflit en cours. A cette occasion, Nous renouvelons notre appel insistant, qu’étant donnée l’urgente nécessité qui menace la vie de milliers et de milliers de personnes innocentes, on donne la priorité au problème de l’aide humanitaire et de la possibilité pratique de porter celle-ci à temps au peuple qui meurt de faim et de misère ». Lorsqu’il débarque en 1968 à Addis Abeba, la capitale de l’Ethiopie, le Pape Paul VI trouve un empire en pleine ébullition et en fin de vie. Son message au dernier Lion de Judah sonnera comme une prophétie à Haïlé Sélassié qui garde un masque impassible face au successeur de Saint-Pierre. L’entretien sera cordial mais le Négus en gardera un goût amer. Parmi les membres de la famille impériale, à peine 8 ans, le prince Ermias Sahle-Selassié, aujourd’hui Président du Conseil de la Couronne d'Ethiopie. Un demi-siècle plus tard, la situation n’a pas changé à la seule exception que le régime communiste qui a renversé la monarchie en 1975 est tombé à son tour et que les relations se sont réchauffée entre le Saint-Siège et l’Église orthodoxe tewahedo éthiopienne, dirigée actuellement par l’Abune Mathias. Le prince goûte le moment comme le Pape, tous deux masques sur le visage, règles sanitaires obligent en raison de la pandémie de coronavirus. Ils évoqueront très brièvement ces liens entre les deux religions que tout sépare comme rassemble.
« Alors que j'exhorte à rejeter la tentation du conflit armé, j'invite tout le monde à la prière et au respect fraternel, au dialogue et à la résolution pacifique des désaccords ». Les mots du Pape François au Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix, ont été sans appels mais suivis de peu d’effets et font étrangement échos à ceux de Paul VI. Le pays a renoué avec ses démons ethniques et au bord de la sécession. Figure montante de la maison impériale, le prince Ermias Sahle-Selassie a également appelé ses compatriotes à faire preuve d’unité et à raviver un esprit de cohésion. Pourtant, si le sujet a été également abordé comme le laisse entendre le communiqué officiel du Conseil de a Couronne d’Ethiopie, l’échange s’est surtout porté sur « leur engagement mutuel à lancer une nouvelle initiative caritative en Éthiopie à travers la fondation du Pape: Scholas Occurrentes et la Fondation PVBLIC » précise le communiqué. « Elle se concentrera sur le développement de l’éducation à donner aux enfants des communautés éthiopiennes » a affirmé le prince Ermias Sahle-Selassié qui s’est félicité de cet entretien et pour lequel il n’a pas souhaité donné plus de détails.
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