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Buckingham Palace refuse de rendre le corps du prince Alemayehu

Réclamée par Addis-Abeba, le palais de Buckingham a refusé de donner suite à la demande de l’Ethiopie de restitution de la dépouille du prince Alemayehu reposant au château de Windsor. Fils du Négus Théodoros II, il avait été emmené à Londres par les Britanniques après le suicide du souverain et n’a  jamais revu son pays de naissance.  

Il est à peine âgé de 7 ans lorsqu’il débarque à Londres, capitale du Royaume-Uni. Le prince Alemayehu à le regard qui se perd dans cet univers qu’il doit désormais appréhender. Il est loin de son Abyssinie natale, future Éthiopie, qui a été le théâtre de violents affrontements entre les armées du Négus Théodoros II et celles de l’Empire britannique. Véritable réformateur, l’Empereur avait connu une ascension fulgurante vers les marches d’un trône millénaire. Confronté à des rébellions internes et à des incursions turco-égyptiennes, le Négus avait réclamé l’aide des Britanniques et de la reine Victoria dont on lui avait assuré qu’elle était une « protectrice des chrétiens ». Agacé par l’attitude des Anglais qui préfèrent fermer les yeux et considèrent les Ottomans comme des alliés, le Négus Théodoros II va commettre l’irréparable. En janvier 1864, il emprisonne les diplomates britanniques présents dans le pays, à la forteresse de Meqdela. Il faut attendre trois ans avant que le Royaume-Uni ne se décide à mettre fin à ces interminables négociations, à intervenir militairement et acculer l’Empereur dans sa forteresse. Théodoros II finira par se suicider le 13 avril 1868. 

Le prince Alemayehu @Wikicommons

Un prince captif des Britanniques, enjeu national de l'Éthiopie

Captif des Anglais, le prince Alemayehu n’a pas le choix. Il doit suivre les vainqueurs de son père dans un voyage qui sera sans retour. Il perdra d’ailleurs sa mère, l’impératrice Tiruwork Wube, un mois après. Orphelin, abandonné, c’est la reine Victoria qui va prendre en charge son éducation. Elle le scolarise d’abord à Lockers Park School  puis à Cheltenham avant de le faire intégrer l'école de formation des officiers du Collège militaire royal de Sandhurst en 1878. Le prince s’est refermé sur lui-même, devient très solitaire et contracte bientôt une pleurésie. Il succombe le 14 novembre 1879. La souveraine britannique lui organisera de véritables funérailles royales avant de l’inhumer au château de Windsor où il demeure encore aujourd’hui. C’est à ce titre que le gouvernement éthiopien a réclamé le retour de ses restes dans son pays natal. « Nous voulons que sa dépouille revienne en tant que famille et en tant qu'Éthiopien parce que ce n'est pas le pays dans lequel il est né » a déclaré l'un des membres de sa famille, Fasil Minas, à la BBC. « Ce n’est pas correct qu'il soit toujours enterré au Royaume-Uni » a-t-il ajouté. Une demande qui a reçu une fin de non-recevoir par le Palais de Buckingham. Dans une déclaration datée du 22 mai 2023, un porte-parole du palais de Buckingham a affirmé que retirer sa dépouille pourrait affecter d'autres personnes enterrées dans les catacombes de la chapelle Saint-Georges du château de Windsor. « Il est très peu probable qu'il soit possible d'exhumer les restes sans perturber le lieu de repos d'un nombre important d'autres personnes à proximité » a faussement déclaré le palais royal. Le communiqué ajoute même que les autorités de la chapelle sont sensibles à la nécessité d'honorer la mémoire du prince Alemayehu, mais qu'elles ont également « la responsabilité de préserver la dignité du défunt » et que la maison royale avait « accepté les demandes des délégations éthiopiennes de visiter » la chapelle où repose le prince Alemayehu.

Le refus de Buckingham Palace consterne la maison impériale

Une décision qui a consterné les membres de la maison impériale. « C’est comme si je le connaissais. Il a été déplacé d'Ethiopie, d'Afrique, et est resté là-bas comme s'il n'avait jamais eu de maison » a déclaré la princesse Abebech Kasa  une autre de ses parents à la BBC. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une demande de rapatriement des restes du prince est faite par les autorités éthiopiennes. En 2007, le présidente de l'époque, Girma Wolde-Giorgis, avait envoyé une demande officielle à la reine Elizabeth II pour que le corps soit renvoyé vers son pays natal, mais ses efforts se sont avérés vains. Récemment, c’est le poète Lemn Sissay qui avait ajouté sa voix au concert de celles des autres qui réclament son retour, regrettant que le prince ait été vu « comme un simple objet de curiosité ».  « Nous voulons qu'il revienne. Nous ne voulons pas qu'il reste dans un pays étranger » affirme Abebech Kasa. « Il a eu une vie triste. Quand je pense à lui, je pleure. S'ils acceptent de rendre sa dépouille, je me dirais qu’il est finalement revenu vivant chez lui » ajoute t-elle.

Une affaire qui pourrait d'ailleurs tourner au contentieux politique. Après la bataille, les Britanniques avaient pillé des milliers d'objets culturels et religieux, des couronnes en or, des manuscrits, des colliers et des robes impériales. Les historiens et témoins de l'époque rapportent que des dizaines d'éléphants et des centaines de mulets avaient été nécessaires pour emporter les trésors, qui sont aujourd'hui dispersés dans les musées et bibliothèques européens, ainsi qu’au sein de collections privées. Un important patrimoine que réclame également l’Éthiopie.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 23/05/2023

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