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Le roi des Abrons, un héros oublié de la résistance française

Il ne figure pas parmi les grands noms de la Résistance. Pourtant, le roi Kouadio Adjouman, souverain des Abrons, a fait basculer la Côte d'Ivoire  dans le camp de la France Libre et a été décoré de la Légion d'honneur. 

Une des nombreuses ethnies de Côte d’Ivoire, les Abrons se sont imposés en Afrique de l’Ouest au cours du XVIIe siècle. Ils ont progressivement constitué autour de la ville de Bondoukou, une puissante monarchie crainte par ses rivaux. Couronné en 1922, le roi Kouadio Adjouman est un monarque respecté par l’administration coloniale qui régit la colonie de Côte d’Ivoire dans laquelle son peuple vit. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, la droite colonialiste qui dirige le pays, décide de rejoindre le Régime de Vichy du Maréchal Pétain.

Le roi des Abrons et son drapeau de la France Libre

Le roi des Abrons rejoint le camp de la France libre 

Le souverain des Abrons ne l’entend pas de cette oreille. Les pouvoirs de ses prédécesseurs ayant été réduits par les colons, il conserve encore une aura morale sur ses sujets dont certains sont partis se battre en France afin de résister à l’invasion allemande. Des héros obscurs dont l’histoire n’a pas retenu le nom. Comme roi des Abrons, il entend rendre à ses guerriers, tout l’honneur qu’ils méritent. Il va réunir une véritable armée, 5000 soldats, avec laquelle il s’exile dans la colonie britannique de Gold Coast (actuel Ghana), en février 1942. Un geste interprété par les Britanniques comme un ralliement en leur faveur alors que le roi Kouadio Adjouman avait pourtant prêté allégeance à la France Libre du général Charles de Gaulle. Une situation qui se transforme en véritable incident diplomatique entre les Abrons et les officiers de Sa Gracieuse Majesté qui s’empressent de hisser leur drapeau sur la résidence du roi. À peine flottait-il sur le palais de fortune, que le prince Adingra, héritier au trône, le fait arracher de colère, conduisant à la mise en résidence surveillée du monarque et de son fils.

Remise de la Légion d'honneur au roi des Abrons

Décoré de la Légion d'Honneur

Loin de la Côte d’Ivoire, la demande de ralliement du roi des Abrons est transmise au général de Gaulle qui adresse ses félicitations à Kouadio Adjoumane. Elle est même relayée par les services d’information de la France Libre. « Le dimanche 22 février 1942, à Brazzaville, le n° 23 de France d’abord publie en page 2 un article intitulé : Koadio Adiomani, roi des Abrons, rallie la France Libre. » peut-on lire dans l'organe de la Résistance. Un succès.  Le général Marie Sicé, qui représente les intérêts en Afrique du général de Gaulle, est envoyé en Gold Coast afin de négocier avec les Abrons. Une rencontre qui va définir leur participation à l’effort de guerre. De nombreux guerriers s’engagent alors comme tirailleurs, le souverain ordonne qu’une Croix de Lorraine soit placée sur le drapeau tricolore qui ornait sa salle de trône et les Anglais, quelque peu humiliés, d’accepter finalement de relâcher les membres de la Maison royale. Le roi Kouadio Adjoumane suit les événements qui se succèdent en Côte d’Ivoire. La colonie finit par basculer à son tour et rallie la France Libre la même année de sa fuite. Pour autant, le souverain des Abrons ne peut rentrer immédiatement dans son royaume. Vichy ayant imposé une branche cadette à la tête du royaume, cette dernière n’entend pas céder sa place à celle qui est plus légitime, en dépit du changement d’administration coloniale. Il faudra attendre 1949 pour que le roi Kouadio Adjoumane, 89 ans, soit enfin rétabli sur « sa chaise authentique » et que son nom soit proposé à la Légion d’honneur.

« Kouadio Adjoumane, roi des Abrons, a été fait chevalier de la Légion d’honneur en grande pompe, à Bondoukou, au milieu de son peuple, le 25 novembre (1950-ndlr) dernier par le gouverneur Péchoux. J’assistais à la cérémonie à laquelle j’avais fait venir d’Abidjan un détachement de tirailleurs qui rendirent les honneurs », écrit le général Roger Gardet, témoin privilégié de cette cérémonie. Décédé en 1952 , aujourd’hui encore, le roi Kouadio Adjoumane reste une figure emblématique de la résistance et de l’honneur, un exemple de fidélité et de bravoure qui continue d’inspirer les générations futures.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 06/06/2024

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