En poste depuis 2005, «Umuhuza » (Le rassembleur en kirundi) Pierre Nkurunziza a multiplié les gestes en faveur de la mouvance monarchiste. Postes gouvernementaux, possibilité de référendum sur la question du retour du mwami, adoption de l’ancienne devise royale et la ville royale de Gitega, de nouveau consacrée capitale, agrémentée d’un palais, l'attitude du président burundais divise les monarchistes qui ont toutefois annoncé qu’ils soutiendraient son dauphin à la prochaine élection présidentielle.
« Imana, Umwami, Uburundi » (Dieu, Roi et Burundi) est désormais inscrite sur tous les frontons des bâtiments de la république du Burundi et autres monuments nationaux de ce pays de l’Afrique des Grands Lacs. Le retour de la devise royale a surpris tout le monde en mai 2019 et interloqué les burundais qui se sont demandés à quel nouveau jeu jouait leur dirigeant controversé. Unique dans l’histoire de l’Afrique, la nouvelle constitution adoptée en 2018, prévoit la possibilité d’un référendum sur la question du retour de la monarchie, abolie au cours d’un coup d’état. A l’aube des indépendances, la plupart de ces nouvelles démocraties ont sombré dans les luttes ethniques et les putschs succèdent aux putschs sur le continent. Le Burundi n’échappe pas à la règle. Le colonel Michel Micombero destitue le roi Mwambutsa IV en juillet 1966 puis 5 mois plus tard, le fils de celui-ci, Ntare V, qu’il avait pourtant contribué à mettre au pouvoir. Sur le trône, la dynastie Ganwa des Ntare prend le chemin de l’exil, laissant derrière elle un pays qui se noie dans les massacres interethniques entre hutus et tutsis. Elle-même sera la victime de la vindicte militaire. Trahi par son voisin zairois et ougandais, le roi a tenté de revenir dans son pays. Arrêté, mis en résidence surveillée, il est assassiné au cours d’une tentative de coup d'état, le 29 avril 1972. Un meurtre particulièrement violent que les burundais n’ont jamais oublié. Le corps du Mwami n’a d'ailleurs jamais été retrouvé.
Le Burundi doit « renouer avec ses valeurs du temps de la royauté avant les ravages de la colonisation et des modifications d’un président putschiste » explique le porte-parole de la présidence burundais. Derrière ce lobby monarchiste qui explique ce regain pour la royauté dans ce pays africain, un homme, Umuganwa mwezi Guillaume Ruzoviyo. A 64 ans, il n’a rien perdu de sa superbe. La verbe éclatante, il est également un membre de la maison royale burundaise. Lorsque le régime militaire est contraint de s’ouvrir au multipartisme, il s’engouffre dans la brèche et avec un ancien compagnon du roi Charles Ntare V, Mathias Hitimana, il fonde le Parti de la Réconciliation du Peuple (PRP). L’idée monarchique est de nouveau sur la table des négociations interethniques, à Arusha. Reconnu officiellement, le PRP obtient même un strapontin ministériel avant de prendre les armes. Le mouvement se divise, Ruzoviyo fonde à son tour le Parti monarchiste parlementaire du Burundi- Abagenderabanga (2005) tandis que le prince Godefroid Kamatari, neveu de Mwambutsa IV, fonde le mouvement Abahuza.
Les anciens frères d’armes sont devenus depuis des ennemis. Abahuza a été dissous en 2014 après d’une vote d’une loi dite «d’organisation des partis ». Le mouvement avait pourtant présenté face à l’ancien rebelle reconverti en politique, Pierre Nkurunziza, son porte-drapeau international, la mannequin et princesse Esther Kamatari, lors d'une présidentielle. En vain. Ambassadeur du Burundi en Russie (2010-2015), Guillaume Ruzoviyo est depuis 2 ans, membre-président du Conseil national pour l’unité et la réconciliation, une officine gouvernementale. En juin 2018, il n’avait pas hésité à mettre en garde la France de toute ingérence dans les affaires internes de son pays, après un incident diplomatique. Son parti est désormais membre de la COPA, qui réunit plusieurs mouvements politiques, dont le score n'a pas dépassé pas les 5% aux dernières élections locales. Le 1er avril dernier, Guillaume Ruzoviyo a approuvé la décision de la COPA de soutenir la candidature du général Evariste Ndayishimiye, secrétaire général du parti CNDD-FDD et demandé aux monarchistes du PMP de «respecter scrupuleusement cette consigne de vote » en faveur du dauphin du Président Nkurunziza.
Opposante déclarée au régime en place, Esther Kamatari, ne cesse de dénoncer les crimes et assassinats que le régime aurait orchestré pour se maintenir au pouvoir. Cette ancienne conseillère municipale de Boulogne-Billancourt et égérie de Dior accuse aussi le président de manipuler les monarchistes à son propre profit. « Pierre Nkurunziza souhaite établir une monarchie dont il serait le roi. Son régime a voulu rapatrier la dépouille de mon oncle du cimetière suisse où il repose pour l’inhumer au Burundi. Pierre Nkurunziza voulait s’oindre avec de la poudre issue de ses ossements afin de devenir son héritier. J’ajoute que si Pierre Nkurunziza devient le roi du Burundi, alors, moi, qu’est-ce que je deviens ? » avait déclaré la princesse lors d’une interview au journal « La Croix » en mai 2018, non sans une certaine ironie. La monarchie peut-elle revenir au Burundi ? La question se pose et a même intrigué la presse allemande qui regarde toujours cette ancienne coloniale (avant d’en être chassés par les Belges durant la première guerre mondiale) avec bienveillance. La famille royale est tout aussi divisée que les monarchistes (parmi lesquels on compte la chanteuse, Khadja Nin, connue pour son clip « Sambolera »).
Face à Esther Kamatari , sa cousine, la princesse Rosa Paula Iribagiza Mwambutsa, ancienne députée du CNDD-FDD (2005-2010) et qui reste une fidèle du gouvernement. La seule que reconnaît, comme prétendante au trône du Burundi, le gouvernement actuel. Ce dernier invite tous les ans, la famille royale et le PMP aux commémorations organisées en hommage au prince Louis Rwagasoré, premier ministre, fils du roi Mwambutsa IV et père de l’indépendance, assassiné un midi d’octobre 1961, par un colon. Tout le destin d’une nation qui ne cesse de s’écrire en lettres de sang et qui se cherche encore son roi.
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