Depuis la mort du roi Goodwill Zwelithini, c’est un violent « Game of thrones » qui se joue au sein de la maison royale des zoulous. Diverses branches de cette dynastie, fondée par l’Empereur Shaka, se disputent âprement le trône d’une royauté qui a profondément changé le visage de l’Afrique australe au cours du XIXème siècle. Une lutte pour la couronne de Léopard dont semble avoir été peut-être victime la Grande régente Mantfombi Dlamini décédée dans des circonstances mystérieuses. L’enjeu est de taille pour le futur vainqueur de cette joute qui aura l’assurance d’être à la tête d’un puissant pouvoir et de s’assoir sur une fortune considérable qui attise toutes les convoitises.
La reine Mantfombi Shiyiwe Dlamini Zulu a-t-elle été la victime d’un « Game of thrones » qui se joue dans les antichambres du palais royal ? Nommée Grande régente de la monarchie zouloue, il y a un mois, elle a été subitement admise en urgence dans un hôpital de Johannesburg le 27 avril avant de s’éteindre deux jours plus tard. Depuis, la presse sud-africaine ne cesse d’ergoter sur les raisons de cette mort inexpliquée et qui révèle une réalité plus froide et cynique, celle d’une lutte féroce engagée par les partisans des deux différentes branches de la maison royale pour la succession trône. Et l’enjeu est de taille pour le futur vainqueur de cette joute puisqu’une fois couronné, il sera à la tête d’une nation de dix millions de sujets et deviendra le symbole d’un pouvoir capable de rivaliser avec le gouvernement fédéral de Pretoria comme de le menacer politiquement.
Des millions d’hectares de terres, des fermes, des palais, du bétail en quantité et une rente de 4 millions d’euros annuels. La fortune de la monarchie est considérable. Depuis le décès du roi Goodwill Zwelithini, deux princes des 28 enfants du monarque se disputent le trône. Favori en titre, le prince Misuzulu est le fils de la Grande régente. Face à lui, le prince Phumuzuzulu qui est le fils de la reine Buhle Kamathe. En filigrane de cette querelle, un autre drame a éclaté au sein de la famille royale. La reine Sibongile Dlamini (mère du prince -héritier Lethukuthula Zulu retrouvé mort dans des conditions non élucidées), a déposé plainte devant la cour de justice de Pietermaritzburg afin de faire entendre sa voix et faire reconnaître ses droits comme seule légitime épouse du roi; Elle revendique la moitié du patrimoine royal et fonde sa demande sur le Mariage Act de 1961 qui interdit formellement la polygamie. Ses deux filles (les princesses Ntando et Ntombizosuthu) affirment même que le testament du roi est un faux et que sa signature a été contrefaite. De fait, il paraît donc impossible que les deux autres prétendants puissent, l’un ou l’autre, accéder au trône.
« L'histoire nous a appris que dans le meilleur des cas, les questions de succession dans le royaume zoulou ont tendance à faire ressortir le pire des gens alors qu'ils se positionnent pour protéger leurs intérêts». « Un trône vacant trop longtemps pourrait avoir des graves conséquences » renchérit l’avocat chargé de l’exécution du testament, Jerome Ngwenya, et qui s’inquiète de l’avenir de l’Ingonyama Trust dont le gouvernement fédéral souhaite la disparition, frein à sa réforme agraire. Ce n’est pas la première fois que la monarchie zouloue est secouée par de tels imbroglios qui menacent de dégénérer en guerre civile. Les assassinats sont monnaie courant au sein de cette royauté née dans le sang d’une fratrie décapitée par l’empereur Shaka. Le « Napoléon noir » a fondé un empire basé sur l’art de la guerre et qui ne laisse pas de places aux faibles. Une à unes, les tribus voisines sont annexées ou doivent s’enfuir loin de leurs terres ancestrales. Le « Mfecane » (déplacement) fera plus de deux millions de victimes au cours d’un règne qui se veut autoritaire. En 1828, il est assassiné par son frère Dingane kaSenzangakhona qui s’arroge le pouvoir. Ses nombreuses guerres avec les boers poussent ces derniers à s’allier à son frère Mpande qui fera tuer le souverain en fuite en 1840. Trois décennies plus tard, Mpande est destitué par son fils Cetshwayo, un souverain qui reste associé à la mort du fils de Napoléon III et à la bataille d’Isandlawana, synonyme d’humiliation nationale pour les britanniques. Même la mort du roi Cyprian Zulu en 1968 reste entourée de mystères.
Le premier ministre Mangosuthu Buthelezi a démenti toutes rumeurs d’empoisonnement. « Lorsque j’ai annoncé le décès de Sa Majesté la régente, j’ai parlé en zoulou, expliquant que les médecins n’avaient pas voulu l’opérer à cause de toxines dans son foie. Cela nécessitait juste qu’elle bénéficie un traitement antibiotique dans l'espoir de réduire l'infection. Les toxines ne sont pas la même chose que le poison », a-t-il déclaré lundi dernier. Oncle du roi Goodwill Zwelithini, il est d’ailleurs lui-même vu comme un potentiel candidat au trône. Accusation qu’il balaye, affirmant qu’il fera respecter la volonté du monarque, à savoir assurer la montée sur le trône du prince Misuzulu. Etudiant à Jacksonville (Floride) en Sciences politiques internationales, l’héritier (dont le nom signifie « renforcer les Zoulous ») se veut résolument tourner vers l’avenir et entend s’imposer. Lors des funérailles de sa mère, le prince de 47 ans s’est livré à une imposante démonstration de force en marchant avec ses impis (régiments ») ne laissant aucun doute sur ses intentions de ceindre la couronne du Léopard.
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