Le royaume AmaXhosa du Cap-Oriental a un nouveau souverain. L’annonce de la montée sur le trône du prince Ahlangene Vulikhaya Sigcawu, vendredi dernier, a provoqué de vives réactions au sein de la maison royale. Une partie de la famille a dénoncé le choix du Conseil royal et prié le gouvernement du Président Cyril Ramaphosa de bien vouloir intervenir dans cette nouvelle guerre des trônes qui déchire la première ethnie d’Afrique du Sud.
« Après avoir regardé dans toutes les branches de la maison royale, nous nous sommes arrêtés sur celle la plus proche du trône et nous avons choisi le prince Ahlangene » a déclaré, le 16 octobre, Inkosi Ngubelizwe Sigcawu, président du Conseil de la maison royale des Sigwacu. C’est le nouveau roi des AmaXhosas de la province du Cap-Oriental. Ahlangene Vulikhaya Sigcawu est âgé de 51 ans et occupe le poste d’ambassadeur sud-africain au Malawi. Le gouvernement a déjà reçu la lettre du Conseil royal qui le désigne pour occuper ce trône vacant depuis 2019 et qui doit désormais entériner ce choix par une lettre de reconnaissance officielle. Le nouveau monarque a d’ailleurs déclaré qu’il était prêt à démissionner de ses fonctions actuelles pour prendre celles de souverain de la première ethnie noire d’Afrique du Sud. Pourtant cette nomination ne fait pas l’unanimité au sein de la maison royale et dont une partie de la famille conteste les droits du prince Ahlangene Vulikhaya Sigcawu.
Depuis le XVIIIème siècle, les Xhosas sont divisés en deux groupes distincts. Les Rarabe et les Gcaleka. Ces derniers sont considérés comme les aînés d’une population qui regroupe pas moins de 8 millions de personnes en Afrique du Sud. Et parmi lesquels le clan royal des Mandela, du nom du premier président noir de ce pays marqué par une histoire violente et des décennies de ségrégation raciale. Les Xhosas vont s’opposer régulièrement aux boers et aux anglais (guerres des frontières) qui grappillent doucement les terres de leurs royaumes. En 1835, le roi Hintsa est capturé par les britanniques et assassiné au cours d’une évasion, dans des circonstances qui restent toujours mystérieuses à ce jour. Il est toujours considéré comme un des martyrs de la cause xhosa, sa tête emmenée comme trophée à Londres, son corps démembré. Le retour de ses restes a d’ailleurs provoqué une vive controverse en 1996, comparables aux restes découverts des Romanov. Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, les AmaXhosas sont les victimes d’une prophète de 15 ans, Nongqawuse, la nièce d’un sangoma (sorcier) reconnu. Affirmant avoir entendu des voix, elle déclare que « la puissance des Xhosas sera à nouveau dans sa puissance après que les morts se soient relevés de leurs cendres, le bétail et les végétaux renouvelés, les blancs chassés ». Des milliers de têtes de bétails furent alors abattus, des villages entiers détruits et reconstruits et chacun attendit la date fatidique qui devait mener au réveil des guerriers. En vain. La prophète dut prendre la fuite en 1856, pourchassée, accusée d’avoir provoqué une vaste famine. Arrêtée, Nongqawuse est internée à Robben Island pour sa propre protection, ne pouvant empêcher l’annexion du royaume à la colonie du Cap. Le roi Sarili (de 1835 à 1892) , défait à de nombreuses reprises, ne put stopper le déclenchement d'une guerre civile et échoua à unifier les tribus sous son sceptre.
Les rois AmaXhosas ont toujours été respectés. Inféodés au bantoustan du Transkei, ils ont vu leurs pouvoirs régaliens être réduits à un simple rôle de chef traditionnel avant de les retrouver pleinement dès 1994. Preuve en est de leur importance, les funérailles du roi Zwelonke en novembre 2019, décédé subitement à 51 ans après treize années de règne. Tout le gouvernement, y compris des anciens présidents de la République, s'étaient déplacés pour rendre hommage au souverain. Des funérailles retransmises sur les chaînes de télévision nationales et le drapeau descendu de son mât en signe de deuil. «Un leader exceptionnel qui a servi son peuple avec un dévouement désintéressé» avait même déclaré le président Ramaphosa.
C’est le Lieutenant–général Derrick Mgwebi, chef traditionnel AmaXhosa qui est à l’initiative de la contestation et qui agirait au nom de la Maison royale d’AmaGcaleka. Le conseil royal a démenti l'existence d'une telle structure et le nouveau souverain a rapidement convoqué les 42 chefs qui sont sous sa juridiction afin qu'ils lui jurent fidélité. « Il y a un protocole qui règle la succession du royaume. Si vous ne suivez pas le protocole et que votre sortez juste un nom du chapeau, cela devient problématique » a expliqué Derrick Mgwebi, soutenu par le prince Xhanti Sigcawu. Et qui a demandé au président Ramaphosa et à la ministre Nkosazana Dlamini-Zuma de trancher sur ce conflit émergent. Mais pour le Conseil royal, il n y a aucun problème à régler. « Mgwebi n’a pas de droit à s’exprimer, n’étant pas un senior parmi les chefs traditionnels ni un membre de la maison royale. Certes, il était proche du roi Zwelonke mais cela ne lui autorise pas de faire ce qu'il veut comme il veut » a rétorqué le prince Ndabele Mtoto. « Il y a manifestement des gens qui cherche à déstabiliser notre famille » a regretté le roi Ahlangene Vulikhaya Sigcawu.
Copyright@Frederic de Natal