Le prétendant au trône de Polynésie condamné par la justice

Joinville PomareC’est un habitué des tribunaux de justice. Le prince Joinville Pomaré, actuel prétendant au trône de Polynésie, bien que contesté par la majorité des membres de sa famille, devrait passer les prochains mois qui arrivent dans les geôles de la République.  Pour ses partisans, Hinoiariki Pomare-a-tu (ou Pomaré IX) est la victime d’un acharnement et d’un complot colonialiste, orchestré par la métropole afin d’empêcher les polynésiens de retrouver leur indépendance perdue en 1880.

Pomare v en costume d apparat                   En annonçant son souhait de se faire introniser publiquement comme souverain de Tahiti en septembre 2009, le prince Joinville Pomaré avait créé la surprise en Polynésie française. Un Territoire d’Outre-mer (TOM) qui ne garde pas un souvenir impérissable du dernier monarque de Tahiti. Manipulable, tous se souviennent que Pomaré V a cédé son territoire aux français en 1880, pour une pension à vie, des médailles et une caisse d’alcools en tout genre. Son fils, Teri?itapunui P?mare (1846-1888), président de la Haute-cour tahitienne avait même contresigné l’acte de cession de l’île à la France. La Polynésie annexée à la République française, la famille royale va progressivement se fondre dans ce décor de carte postale et se faire quelque peu oublier.

«Garçon charmant qui ne manque pas d’intelligence et de charisme», réputé de gauche, Joinville Pomaré tire son prénom, du titre accordé par le roi Louis-Philippe Ier d’Orléans à un de ses fils et porté traditionnellement par un des rameau Pomaré. Le prince, qui croit pourtant en son destin royal et qui avait eu les honneurs du magazine «Point de Vue», fait pourtant plus parler de lui à travers les différents procès qu’il doit affronter que par ses actions politiques en faveur de la monarchie. Il a milité au sein du mouvement «Ai’ a Api» (Nouvelle Patrie) mais c’est de la lutte contre le colon blanc «qui occupe les terres des polynésiens» dont ce prétendant au trône a fait son principal crédo. Le 4 février 2019, avec une dizaine de ses partisans et loin du tumulte politique de la métropole, le prince investit l’ancien centre de commandement de la marine nationale, situé à Papeete. La gendarmerie est rapidement intervenue afin d’éviter un bis-répétita d’Ouvea, du nom de cette grotte prise d’assaut en 1988 lors d’un affrontement entre indépendantistes kanaks et fonctionnaires de l’état. Mais ici, point d’otages, point de morts, points d’armes même si le prince ne cache pas sa proximité avec les indépendantistes d’Oscar Temaru, l’ancien « x fois » président de la Polynésie, également membre de la famille royale. Il aura fallu 2 heures aux gendarmes de l’île pour expulser pacifiquement le prince et ses fidèles de ce lieu, supposé accueillir l’Institut d’archives et de documentation sur la mémoire nucléaire en Polynésie.

Sacre de pomare ix«Dans les traités signés en 1842 par la reine Pomare IV et dans celui de 1880 signé par le roi Pomare V, les souverains demandaient à ce que la propriété foncière soit jugée par des autochtones. Ce n’était donc pas à la France de s’en occuper, ni même au code civil. Pourtant, 175 ans après, nous sommes confrontés à une justice qui n’est pas la nôtre, que nous disons coloniale, qui a dépossédé notre peuple de ses terres». Lors d’une conférence menée tambour battant, il y a 3 ans, le prince Joinville Pomaré, barbichette blanche apparente, avait critiqué l’attitude coloniale persistante de la France sur «Fenua» (Terre en polynésien) et lui reprochait ses nombreux essais nucléaires qui ont détruit une partie du patrimoine sous-marin en Polynésie. «La France a des devoirs dans ce pays (...). Elle a dérangé notre société, elle a tout cassé » renchérissait, encore  etil y a peu, le prince Joinville Pomaré, ancien leader du défunt Parti Pomaré.

VahineJoinville Pomaré agace profondément les membres de la maison royale qui rappelle que c’est un enfant adopté et que bien avant lui, il y’a d’autres princes et princesses qui sont plus aptes à monter sur le trône royal. «Se désolidarisant des mises en scènes organisées par le sieur Joinville Pomaré, obsédé dans sa quête d'une indécente auto-glorification», la maison royale fait front commun contre celui qui se déclare le prétendant et a annoncé qu’elle «révoquait purement et simplement toute convention, mandat, ou procuration qui aurait pu être signés par celui-ci». «Notre droit en tant que peuple autochtone n'est pas reconnu. On ne peut plus croire un État qui sera juge et partie. Rien ne changera. À un moment donné, il faut prendre le taureau par les cornes» rétorque le prétendant qui réclame la création d’un sénat coutumier dont il serait le président.

Concrètement, existe-t-il vraiment un réel sentiment monarchique dans cet archipel qui a vécu la mutinerie du Bounty et accueilli le peintre Gauguin ? Si la famille royale «garde une relative autorité dans l’archipel» (la princesse Yvannah Lolita Tetuanui Marereva Pomare est l’actuelle 8ème adjointe à la mairie de Pirae), les perspectives de restauration de la monarchie ne font vraiment pas l’unanimité sur ces plages de sables blancs qui bordent les eaux cristallines de «Fénua». Une idée qui reste moquée par la quasi majorité des tahitiens eux-mêmes qui connaissent à peine l’histoire de leurs 5 souverains. En avril 2019 un nouveau mouvement monarchiste a toutefois fait son apparition avec un autre prétendant. Baptisé le mouvement du «Royaume polynésien d’Atooi», son « souverain », Ali’i Nui Aleka Aipoalani, serait en exil à Hawaï et serait lié aux mouvements royalistes qui pullulent dans cet état des Etats-Unis et qui tentent actuellement de fédérer toutes les mouvances monarchiques du Pacifique dans une sorte de confédération. Selon Radio 1ère et la radio RNZ en Nouvelle –Zélande qui ont a relayé très sérieusement l’information, le mouvement entend «parler d’égal à égal avec l’État français pour que ce dernier reconnaisse la légitimité de ce gouvernement». La quinzaine de membres de ce «gouvernement» royal a même affirmé qu’un déplacement était prévu à l’ONU pour «dévoiler tout le mal que la France fait aux Polynésiens», appelant leurs concitoyens à boycotter les élections européennes. Poetai Ho’e, premier ministre autoproclamé, d’ailleurs, considère que «si aujourd’hui plusieurs mouvements comme le leur voient le jour [une précédente tentative du genre avait eu lieu en 2006-ndlr] c’est tout simplement « un échec de l’Etat français qui n’élève pas ses enfants dans la paix mais leur dit ce qu’il faut faire».

Tombeau du roi pomare vDernier baroud d’honneur ? Le 16 juin dernier, le prince Joinville Pomaré a rejoint une manifestation organisée par l’ancien président Oscar Temaru, également sous le coup d’une enquête par la justice. Mais pour une toute autre affaire indépendante de celle pour laquelle il a été jugé. Condamné, pour abus de confiance, faux et usage de faux, à un an d’emprisonnement, 5 millions de francs d’amende, 5 ans d’inéligibilité et 5 ans d’interdiction d’exercer une fonction publique, la décision du tribunal  dans «l’affaire Radio bleue» pourrait mettre fin aux prétentions du prince Pomaré IX ; Pour ses soutiens, Joinville Pomaré est la victime d’un complot colonialiste et d’un acharnement orchestré par la métropole afin d’empêcher les polynésiens de retrouver leur indépendance perdue. N’est pas roi qui veut en République.

Copyright@Frederic de Natal

 

Date de dernière mise à jour : 06/07/2020

Ajouter un commentaire