Interview du prince Pahlavi

Dernier fils du shah Mohammad Reza Pahlavi, héritier déchu du trône iranien, le prince Reza Pahlavi affirme que le « massacre » qui est organisé actuellement dans son pays est la preuve  à la fois,  de la cruauté et du désespoir du régime établi après la révolution iranienne. Le prince Pahlavi, qui a toujours revendiqué l’avènement d’une démocratie laïque afin de remplacer le système actuel, s'est entretenu avec le magazine Newsweek à Washington, D.C., ville où il vit en exil depuis 1979, année où la famille impériale a dû fuir l'Iran. Le prince héritier a déclaré que l'agitation actuelle qui prévaut dans son pays était la preuve d'une colère généralisée contre le gouvernement de Téhéran, pour laquelle il n'y a qu'une seule solution évidente.

 

Interview 1-Comment peut-on caractériser les émeutes qui se succèdent actuellement en Iran ?

Ces protestations sont avant tout motivées par le désir populaire de mettre fin au régime qui dirige le pays. Il est probable que le vecteur déclencheur de cette récente vague de manifestations de rue ait été l'augmentation de 200% du prix du carburant, mais cet argument ne reflète pas l'essence de leurs aspirations. Les manifestations sont clairement un rejet du régime en place et expriment le désir de mettre fin à 40 ans d'oppression cléricale. Pour le vérifier, il suffit d'écouter ce que mes compatriotes, qui sont descendus dans la rue, scandent. Ils ne réclament pas réformes ou marquent leur rejet de l’augmentation du prix du carburant. Non,  ils crient: «Nous ne voulons pas d'une République islamique!», «Khamenei, quitte ce pays!». Des centaines d'entre eux ont déjà donné leur vie pour la victoire et la  liberté.

- La brutalité avec laquelle les forces de sécurité ont réagi révèlent-elles la mentalité des personnes qui sont au pouvoir ?

Depuis 40 ans, nous savons que les priorités de ce régime sont de se protéger et d'étendre son pouvoir et son contrôle.  Et, bien sûr, devenir riche. Ce massacre [on parle d’un millier de personnes tuées lors des dernières émeutes-ndlr] ne devrait pas surprendre. En fait, c'est la seule chose à attendre d'un régime qui se sent menacé. Cependant, nous avons également remarqué que certains régiments issus des forces de sécurité  ont commencé à se mutiner et en conséquence, la République islamique a été contrainte de faire appel à des étrangers pour réprimer les manifestations. Cela montre que le régime fera tout ce qu'il faut pour se protéger, y compris préparer un génocide. Et pourtant, les gens continuent de se battre et résister. Je me dois de transmettre ce message au monde de leur part: «Nous méritons plus que cela. Pourquoi nous abandonnent-ils ? »

-Qu'est-ce qui devrait remplacer le régime iranien actuel si celui-ci est renversé ?

Depuis quatre décennies, je défends inlassablement l’instauration d’un système laïc et démocratique. Et pas seulement parce que ce système est la seule chose qui garantit les droits de l'homme, le bien-être et le bonheur des Iraniens, mais parce que je suis certain que c’est ce que veut - et exige - l'écrasante majorité du peuple iranien. La génération actuelle, plus que toute autre, est consciente que les sociétés libérales et libres sont la norme dans tous pays souverains. Les jeunes iraniens veulent les mêmes opportunités que le reste du monde à savoir celui de librement choisir leur gouvernement.

 

- Des responsables américains ont fait pression pour l’intervention de groupes controversés tels que l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran. Qu'en pensez-vous et existe-t-il une opposition légitime et représentative ? 

Ce n'est pas une question d'opinion, mais de vérités fondamentales. Notre aspiration nationale est d'avoir une démocratie laïque dans laquelle le peuple iranien déciderait de  quels groupes, partis ou individus restent assez pertinents et constructifs pour l'avenir de notre nation. L'avenir de l'Iran n'a pas à être décidé par les conseillers de certains dirigeants étrangers, mais par les Iraniens eux-mêmes.

- Souhaitez-vous retourner en Iran et participer à un processus politique afin d’établir un nouveau système de gouvernement ?

Je suis le défenseur du peuple iranien. Ma seule aspiration est de soutenir le retour à dignité de mes compatriotes et ce mouvement pour la liberté qui traverse le pays. Je n'ambitionne pas d’obtenir pour moi –même un quelconque pouvoir. Cela dit, je suis impatient de retourner en Iran et je serai toujours disposé à collaborer avec le peuple pour défendre ses droits fondamentaux et inaliénables contre toute puissance, étrangère ou nationale. Je veux pouvoir faire tout ce qui est possible pour moi d’aider au bien-être de mon pays .

-Pensez-vous que le peuple iranien accepterait de revenir au système monarchique ?

Tout système de gouvernement fera l'objet d'intenses débats dans le cadre du processus constitutionnel qui suivra la chute du régime. Je m'intéresse à ce processus, à ces coutumes démocratiques et non au système de gouvernement qui pourrait exister à l'avenir. À l'exception de cette interruption de quatre décennies, notre nation a une longue tradition monarchique. Ainsi, comme on peut le constater, de nombreux Iraniens s’identifient avec notre histoire et notre culture, ressentent une affinité pour la monarchie. Cependant, en ce moment, nous ne parlons pas de monarchie ou de république, mais de reprendre notre nation des mains d'une force d'occupation anti-iranienne. Nous parlons simplement de retrouver notre droit à la démocratie.

Couronne-Que pensez-vous de la stratégie américaine qui consiste à mettre en place une importante une pression sur l'Iran ?

Le peuple iranien regrette que le comportement infâme, déstabilisateur et antagoniste de ce régime ait poussé nos voisins et le monde libre à déchaîner leur colère contre notre nation. Ces sanctions limitent ou réduisent les ressources nécessaires au régime pour entreprendre ses actions. Le peuple iranien les comprends et sait y fait face. Il faut savoir que le régime islamique lui-même exerce une pression sociale, politique et économique insupportable sur les Iraniens. Par conséquent, mon intérêt, et celui de tous les Iraniens, est de renverser le régime. Mes compatriotes ne sortent pas dans la rue pour chanter des slogans contre les sanctions. Leur colère que l’on peut percevoir dans de centaines de villes est dirigée contre le régime.

-Pensez-vous qu'il soit juste que le président Donald Trump se soit retiré de l'accord nucléaire signé  avec l'Iran ?

Je ne suis pas celui qui dira aux Américains comment gérer leur pays. Je ne m'intéresse qu'à l'Iran. Tout accord ou négociation avec ce régime est illégitime, simplement parce qu'il ignore les souhaits et les demandes du peuple. Ceux qui ont l'intention de trouver une issue en négociant avec le régime ne font que démontrer leur ignorance en ce qui concerne les aspirations et les sentiments réels des Iraniens.

-La ligne dure de Trump a fait baisser considérablement le niveau de vie des iraniens. Est-ce le prix à payer pour permettre le départ de l’ayatollah Khamenei ?

 La politique de maintien de statut quo envers ce régime n’a rien apporté de concret. Ces sanctions, le peuple iranien le comprend et l'accepte, dans la mesure où le régime est isolé des ressources qu'il utilise pour opprimer le peuple et exercer des pressions à l'étranger. Cependant, le facteur qui déterminera l'avenir de l'Iran est le peuple iranien, pas des politiques étrangères. Si une nation souhaite conclure des accords avec l’Iran, elle devra parler à ceux qui prendront des décisions concernant son avenir: à savoir le peuple, pas son régime. Pendant des décennies, j'ai insisté sur le fait que le rôle de l'Occident devait se concentrer sur un soutien au peuple iranien, qui lui permettra d’obtenir la victoire finale. J'en appelle à  la conscience de ceux qui  ne cessent de se vanter de défendre les valeurs de la liberté. Hors que font-ils aujourd’hui alors que nous avons le plus besoin d’eux ? Ils restent  silencieux.

-Pensez-vous que la Maison Blanche devrait changer sa stratégie contre l'Iran ?

Après 40 ans à essayer d'apaiser un régime illégitime, il me semble que le moment est venu d'essayer une stratégie différente. Il est nécessaire que le régime soit mis en marge des autres pays. La précédente présidence [américaine] a fait cette erreur et les conséquences ont été désastreuses pour les Iraniens et pour toute la région. Ce qu'il faut, c'est la participation du peuple iranien et de l'opposition à un processus de démocratique laïque. Par exemple, prenez les avoirs gelés du régime et rendez-les au peuple iranien, son propriétaire légitime. Utilisez [ces actifs] pour créer un fonds avec lequel mes compatriotes peuvent organiser des grèves de masse et mettre le régime à genoux par le biais d’une une désobéissance civile généralisée et pacifique. Pour sa part, le président [Trump] doit prendre des mesures pour promouvoir et protéger l'accès illimité à Internet et limiter la capacité du régime à faire de sa propre publicité alors qu’il étouffe l'accès à l'information à tous les iraniens.

-Avez-vous conseillé une stratégie à la présidence Trump ?

Toutes ces années, j'ai envoyé le même message aux dirigeants internationaux, y compris aux Américains. Mon message est simple: ils ne seront pas en mesure d'élaborer une politique sereine d’avenir s'ils continuent de traiter avec ce régime illégitime. Ils doivent reconnaître qu’il y a une demande de la part de la  population à obtenir des  changements fondamentaux et collaborer avec le peuple. Je continuerai de défendre ce message. Le problème n'est pas que le régime persiste dans son comportement, car il ne le changera jamais. Le problème est que le monde ne s’est toujours pas décidé à modifier son comportement, se contentant juste d'essayer de calmer le régime de Téhéran.

Copyright&traduction@Frederic de Natal

 

Paru le 03/01/2020

Date de dernière mise à jour : 01/04/2020

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