Les monarchistes défilent à Prague

Couronne tcheque«Sociální sonda Hospodá?ských novin ke 100. výro?í rozpadu Rakouska-Uherska ukázala, že 46 % lidí si myslí, že vznik ?SR byla chyba a kdyby z?stala monarchie, byli bychom na tom dnes lépe. 39 % by podpo?ilo obnovení Rakouska-Uherska i v sou?asnosti.»  (« Le journal "Hospodá?ské noviny" a publié, à l'occasion du 100ème anniversaire de l'éclatement de l'Autriche-Hongrie, un sondage qui affirme que 46% des personnes interrogées pensent que la naissance de la Tchécoslovaquie fut une erreur et que ils avaient gardé une monarchie, les tchèques vivraient mieux aujourd'hui. 39% soutiendraient même la restauration de l'Autriche-Hongrie à ce jour. »).  Hospodá?ských novin (2018)

La question tchèque a longtemps agité l’empire austro-hongrois.  Dominés par une administration à la fois hongroise et germanique, ce n’est qu’en 1907 que les tchèques commencent véritablement à jouer un rôle au sein de l’empire de François-Joseph Ier, grâce notamment à une série de lois jugées timides. L’alliance de la noblesse conservatrice avec -ce que l’histoire va appeler-« les anciens tchèques » tentent alors d’imposer au gouvernement dualiste, la reconstitution du royaume de Bohème, comprenant la Moravie et la Silésie. En dépit de l’opposition germano-hongroise qui tente de diminuer l’influence des slaves du sud au sein de l’empire.  Et  si les archiducs héritiers Rodolphe puis François-Ferdinand esquisseront de leur vivant, des projets d’associations des tchèques au gouvernement mais qui seront contrariés par leurs décès tragiques,  il sera déjà trop tard pour l’empereur Charles Ier d’Autriche lorsqu’il ceint en 1916 la couronne de Saint-wenceslas. La première guerre mondiale cède aux sirènes du nationalisme tchèque et slovaque, Prague va succomber à l’appel de la république, le 28 octobre 2018.  Un siècle plus tard que sont donc devenus les partisans de l’empire austro-hongrois en république tchèque ?

Monarchistes tchequesIl faut attendre la chute du mur de Berlin pour que le monarchisme refasse surface en république Tchèque. En 1988 l’écrivain dissident Petr Placák appelle publiquement à la reconstitution du royaume tchèque au cours d’un manifeste et lance les premiers jalons du futur mouvement « La couronne tchèque » (Koruna ?eská -monarchistická strana ?ech, Moravy a Slezska)  qui verra le jour le 25 novembre 1990.  Son alliance avec le très conservateur Parti chrétien-démocrate (1990-1996) lui permet rapidement d’avoir une assise nationale sans toutefois pouvoir percer au sein d’élections. L’ancien Premier ministre Milos Zeman qualifiera alors le mouvement royaliste  «de parti qui rentre à peine dans un ascenseur».  Le monarchisme tchèque avait-il réellement disparu à la fin de la première guerre mondiale.

Le rejet des Habsbourg-Lorraine est tel que le mouvement monarchiste tchèque de l’entre-deux-guerres a du mal à s’imposer. Ses grandes figures comme le comte Otto von Czernin (1875-1962), frère du ministre éponyme,  se préoccupèrent plus de sauver leurs terres d’une éventuelle expropriation que de tenter de restaurer la monarchie. Quitte à flirter plus tard avec le parti nazi puis à la libération de faire allégeance à l’idée européenne de l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine. Que dire du prince Karel VI zu  und von Schwarzenberg (1911-1986) qui adhéra au mouvement fasciste « Le Drapeau » par rejet de cette république mais se déclara fervent patriote au moment de l’invasion allemande avant de devenir un résistant célèbre qui participa au soulèvement de ?imelice en mai 1945.  Et si les enfants tchèques de l’archiduc François-Ferdinand assassiné à Sarajevo en 1914, les Hohenberg, dirigent de front les activités royalistes (on retrouve les monarchistes aux côtés des Russes Blancs comme des Hongrois lors des deux tentatives de restauration de la monarchie par Charles Ier de Mars et Octobre 1921), l’annexion de l’Autriche et la Tchécoslovaquie les menèrent vers des camps de déportation.

Président de la république depuis 1935, Edouard Benes avait déclaré à Prague un an auparavant : « Plutôt Hitler que les Habsbourg ! », mettant un véto à la restauration de la monarchie impériale qui se dessinait alors à Vienne comme rempart aux visées expansionnistes de l’Allemagne nazie. Le rouleau compresseur soviétique ne fera pas plus de concessions à la noblesse tchèque. Leurs propriétés comme celles appartenant à la maison princière des Lobkowicz ou celles des  Schwarzenberg  (le prince Karel est limogé de ses fonctions de maire en 1946) sont saisies et les nobles forcés de quitter le pays.

Sous la présidence de Milan Schelinger (1999-2003), une crise interne éclate au sein du parti monarchiste (KC) qui voit la démission de plusieurs de ses cadres et force le mouvement à se restructurer en véritable parti politique (mai 2003). Sa participation aux élections  législatives de 2006 est un échec. A peine 7293 voix, soit 0.13 % sur l’ensemble du pays. Un score qu’il dépasse rarement mais qui reste en constante légère hausse avec 0.24% en 2010 ou en 2012 avec 0.79%  Le mouvement expliquera cette défaite par sa faible représentation aux élections régionales du au prix trop élevé de la caution imposée à tous candidats.

Sondage sur la monarchie en republique tchequeSi une partie des membres du mouvement soutient la candidature indépendante du sculpteur Emile Adamce lors de l’élection présidentielle de 2013 (une polémique éclatera lors de l’invalidation de candidate  royaliste Anna Kasna qui affirme bien avoir obtenu les signatures nécessaires pour se présenter mais qui auraient disparues  mystérieusement du tribunal), une autre souhaite rejoindre l’alliance Top09 ( « Tradition, responsabilité, prospérité ») formée en 2009 par le prince Karel VII zu und von Schwarzenberg, fils du précédent, très proche de l’archiduc Karl (IV de Bohème) de Habsbourg-Lorraine et ancien ministre des affaires étrangères (2007-2009). Certains n’hésitant pas à déposer un bulletin en faveur du prétendant impérial dans l’urne. Assez pour que la presse nationale se fasse l’écho des tergiversations au sein du mouvement monarchiste, que la jeune génération royaliste post-communiste regarde avec méfiance, mais qui sera couronnée d’un score obtenu dans la ville de Hlinná qui dépasse les 15%.

Le 29 novembre 2014, Vaclav Srb (né en 1958) qui occupait le poste de président du mouvement à la suite de Schelinger  et qui avait échoué il y a peu à se faire élire au poste de député européen (0.16%) décide de se retirer de ses fonctions (il n’a non plus dépassé les 1% aux élections sénatoriales de 2018). Le mouvement royaliste obtient toutefois cette année un élu au sénat sous les couleurs du  Parti civique démocratique (coalition KC/ODS)  dans  le district de Plze?-m?sto avec 54% des voix. Un succès inattendu qui permet aux monarchistes de se refaire une nouvelle place parmi les partis politiques nationaux.

Dirigé aujourd’hui par Petr Nohel, ancien secrétaire-général du mouvement, l’homme a 40 ans et souhaite donner un « coup de jeune «  au mouvement. « Je suis très heureux de pouvoir vivre dans un pays qui est relativement libre maintenant et où je peux exprimer ouvertement mon opinion » déclarait celui qui voue une aversion au communisme. C’est lui d’ailleurs qui va mener de front les négociations pour l’élaboration d’un programme « basé sur les racines antiques et chrétiennes, fondement indubitable de notre civilisation » avec le parti Top09 lors des élections législatives de 2017 afin de faire barrage à l’homme d’affaire populiste  Andrej Babis.

Karl de habsbourg lorraine et le prince karel von schwarzenberg?Néanmoins, il ne sera placé que 10ème sur une liste de cette coalition où  les monarchistes présenteront 15 candidats. Le parti échoue finalement à s’imposer dans l’élection avec seulement 5% des suffrages exprimés  et qui voit le triomphe d’Andrej Babis. Une alliance politique qui sera renouvelée lors de l’élection présidentielle qui suivra mais qui n’hésite pas à proposer à ses adhérents (entre 500 et 1000) de mettre encore une fois dans l’urne un bulletin en faveur de l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine. Un prétendant qui maintient des liens, « diplomatiques » avec le mouvement monarchiste, « une dynastie qui reste encore l’objet d’une certaine diabolisation de la part de certains politiciens » regrettait Vaclav Srb, interrogé lors de la traditionnelle marche monarchiste du 28 octobre qui a rassemblé une petite centaine de personnes.

« Nous ne sommes certainement pas en faveur d’un changement de l’état par une révolution, mais nous préférons résonner en terme d’évolution. Bien que nous soyons monarchistes, nous respectons pleinement le statut juridique actuel de notre pays, une étape transitionnelle » déclare Petr Nohel lors d’une interview en octobre 2017. Avant d’ajouter : «  Nous nous efforçons donc tout d'abord de modifier  le mode de pensée de la société tchèque afin de pouvoir introduire très sérieusement un débat sur une éventuelle restauration de la monarchie ». De quelle forme ? Parlementaire pour la majorité des monarchistes et plébiscitée par 10% des tchèques.

Alors que la république tchèque fête un siècle d’existence- « avons-nous des raisons de célébrer un tel événement !?»  rappelle le leader de Koruna ?eská au journal à Hospodá?ské noviny- un sondage publié à la veille des festivités du centenaire de la chute de la monarchie semble donner raison à la Couronne Tchèque.Logo de koruna ceska

Une Europe que le mouvement monarchiste ne condamne pas forcément souhaitant se mettre sur les pas du mouvement paneuropéen de l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine mais qui regarde avec intérêt  tout ce qui se passe au sein du groupe Visegrad. 28% des Tchèques souhaiteraient éventuellement aujourd’hui le retour de la monarchie dans le pays contre 13% qui affirmeraient être certains de voter oui lors d’un référendum (contre 32% de non et 19% probablement pas). 41% des sondés affirmant même que la situation économique tchèque se portait mieux sous l’empire quand 39% souhaiteraient le retour de l’empire austro-hongrois à condition qu’ils obtiennent enfin le statut qu’ils n’ont jamais eu du temps de François-Joseph Ier

Un siècle après les vieilles rancunes demeurent encore envers un héritage monarchique, partie intégrante de l’histoire de la Tchéco-Slovaquie, mais qui aujourd’hui bénéficie du renouveau monarchiste que l’on peut constater partout en Europe. Lors d’une élection municipale organisée à Pcheryl, le candidat royaliste de la coalition Klub angažovaných nestraník? - Koruna ?eská  (KAN-KC) a obtenu 49% des voix et a été élu maire. Tous les espoirs sont donc permis 15 ans après l’entrée en politique officielle des partisans de la monarchie dans la république tchèque. « La vérité vainc » martèle la devise du pays !

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 3/11/2018

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