Georg Friedrich von Preußen et sa Blitzkrieg judiciaire

Georg friedrich ferdinand prinz von preussen die weltEn conflit depuis des années avec le gouvernement fédéral allemand, le chef de la maison impériale des Hohenzollern réclame une compensation financière pour les expropriations immobilières dont les membres de sa famille ont été les victimes après 1945. Alors que sa famille est accusée d'avoir pleinement participé à la montée du nazisme, le prince Georg Friedrich von Preußen a lancé une véritable Blitzkrieg judiciaire contre tout journaliste ou historien qu’il poursuit en diffamation. Afin de les aider à se défendre, une association a mis en ligne un site internet, baptisé FragDenStaat («demandez à l’état»), chargé de récolter des fonds qui doivent leur permettre de financer leur droit à la liberté d’expression.

Georg Friedrich von Preußen est le descendant du Kaiser Guillaume II. Admirés ou détestés, les Hohenzollern font actuellement l’objet d’un intense débat en Allemagne depuis les récentes révélations des négociations débutées en 2013 entre la maison impériale et l’état fédéral sur la question d’éventuelles compensations financières. Un montant qui se chiffrent en millions d’euros.  En effet, lorsqu'en  1945, les soviétiques pénètrent dans le Reich, ils occupent tous les palais des anciennes maisons royales ou princières d'Allemagnes, contraintes de fuir devant le rouleau compresseur stalinien. Expropriés, des milliers d’objets ayant appartenu aux Hohenzollern se retrouvent dans les musées des deux côtés du mur de Berlin. Aujourd’hui, le prince réclame leur restitution. Historiens et journalistes se sont rapidement lancés dans une vaste enquête afin de déterminer qu’elle a été l’aide apportée, politique ou pécuniaire, par les Honenzollern dans la montée du nazisme.

Site officiel de la maison imperiale des hohenzollernFace à ses contradicteurs, le prétendant au trône emploie un bataillon prussien d’avocats afin de répondre aux accusations de collaboration au nazisme. Si celles-ci étaient prouvées, les Hohenzollern pourraient voir leurs demandes être déboutées. Le prince a déjà mis en avant sur son site personnel, ses propres contre-arguments et n’hésite pas plus à poursuivre au tribunal tous ceux qui contestent ses droits à recouvrer «ce qui lui appartient légitimement». 47 plaintes ont été déposées par Georg Friedrich von Preußen dans ce qui ressemble vaguement à une Blitzkrieg judiciaire contre des journalistes et des historiens. Des pressions juridiques dont se plaignent les concernés qui regrettent que la maison impériale les empêchent de faire leur travail de mémoire.«Beaucoup de personnes poursuivies n'ont pas les moyens de se défendre» explique Arne Semsrott, journaliste-activiste et initiateur de « FragDenStaat», ce site chargé de récolter des dons pour aider tous ceux qui sont victimes de la vindicte impériale. Les procès se multipliant, les coûts restant importants, il a décidé d’ouvrir une cagnotte en ligne («Le fond du prince») qui connaît un certain succès. «Tout citoyen a le droit de se défendre contre ceux qui tentent de déformer l’histoire, y compris Georg Friedrich von Preußen» a rétorqué le porte-parole de la maison impériale pour justifier les nombreux procès en cours. 

Le prince guillaume de hohenzollern et adolf hitlerLes demandes des Hohenzollern sont loin de faire l’unanimité. Le débat sur cette question au Bundestag a été houleux. La droite (CDU-CSU) et l’extrême droite (AfD) se sont affrontées aux sociaux-démocrates du SPD et les verts qui s’opposent, dans ce contexte de tensions, à la moindre signature avec les descendants de Guillaume II. Une campagne a même été menée contre cet héritier au trône avec (entre autres) la publication des  lettres adressées par le Kronprinz Guillaume au chancelier Adolf Hitler. «Dieu vous protège, vous et notre patrie allemande ! Sieg Heil!». Lorsque le, fils de l'empereur apprend en juin 1940 la victoire des troupes nazies contre les Pays-Bas, la Belgique et la France, il n’a pas hésité à adresser une lettre au quartier général  du Führer, le félicitant dans des termes grandiloquents, rendant hommage» à la «bravoure incomparable des troupes allemandes» et à «leur armement de première classe» qui a permis la victoire sur ces pays» sous  sa «direction brillante». 

Georg friedrich von preussen getty«Nous ne resterons pas les bras croisés, car la loi s'applique également aux princes».  Entre les histoiriens, les journalistes et le prince, c’est une véritable guerre ouverte qui a éclaté. L’initiative a reçu, ces derniers jours, le soutien de l'Union allemande des journalistes qui ne décolère pas après le Hohenzollern. L’association des historiens allemands (VhD) a regretté «le manque d’échanges» avec le prétendant au trône qui apparait très fermé et l’accuse d’avoir remis au goût du jour une version moderne du «crime de lèse-majesté». «Une atteinte à la loi de la liberté d’expression» comme le précise Martin Sabrow, directeur du Centre Leibniz de recherche en histoire contemporaine à Potsdam.  Interrogé par le magazine «Die Spiegel», qui a subi lui aussi les foudres des Hohenzollern, Arne Semsrott s’attend à une réplique des avocats du prince Georg Friedrich von Preußen qui entend réhabiliter le nom de sa famille, quoique cela en coûte.

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Date de dernière mise à jour : 24/06/2020

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