Les descendants des rois incas

Blason de la maison royale IncaLe 24 juin 1572, les conquistadors du vice-roi du Pérou, Francisco Álvarez de Toledo, s’emparent de Vilcabamba. Capitale de l’état néo-inca du même nom, cette ville était le dernier symbole de résistance du Tahuantinsuyo, l’empire des quatre provinces. Capturé et emprisonné, le sapa (empereur) Túpac Amaru sera rapidement exécuté par les espagnols. La «Casa real incaica» ne disparaît pas pour autant. Que sont donc devenus les descendants du fils du Soleil ?

Son corps sera démembré et les morceaux enterrés à sept endroits différents de son royaume. Sa tête serait même encore enterrée sous l’actuel palais présidentiel péruvien. Près de quarante ans après la mort d’Atahualpa, la conquête de l’empire inca s’achève avec l’assassinat de son neveu Túpac Amaru Ier, sa femme et ses enfants. Les membres de la maison royale Inca sont alors dispersés à travers toute l’Amérique du Sud tandis qu’une prophétie dite de « l’Inkarri » commence se répandre chez tous les anciens sujets du Sapa. La légende affirme qu’un jour l’Inca reviendra pour se venger et rendre leurs libertés aux indiens. Et c’est bien ce que craint Madrid, un soulèvement de ces derniers et une restauration de la monarchie défunte. Il faudra pourtant attendre deux siècles avant qu’un descendant de la maison royale ne prenne les armes.

Le cacique José Gabriel Condorcanqui Noguera, dit Túpac Amaru II, va mener ses troupes à l’assaut de la vice-royauté. Une rébellion de deux ans, entre 1780 et 1782, qui sera une des plus meurtrières de l’histoire du continent sud-américain et qui amorce les futures guerres d’indépendance à venir. Trahi, il connaîtra à 43 ans le même sort que ses ancêtres. C’est encore à un prince inca que l’on pensera lorsque l’Argentine décide prendre son destin entre ses mains. En 1816, les monarchistes imaginent un royaume inca que l’on donnerait au prince Dionysios Inca Yupanqui, colonel dans l’armée espagnole. «Le Plan Inca » aura une durée de vie éphémère, victime de ses divisions internes et de diverses factions qui souhaitaient un Bragance ou un Bourbon-Parme à la tête d’une royauté qui finalement cédera sa place à une république fédérale.

Choquequirao plaza«Qui n'a jamais rêvé de ces mondes souterrains, de ces mers lointaines peuplées de légendes, ou d'une richesse soudaine qui se conquérait au détour d'un chemin de la Cordillère des Andes ? Qui n'a jamais rêvé voir le soleil souverain guider ses pas au coeur du pays Inca vers la richesse et l'histoire des Mystérieuses Cités d'Or ? »  Ce refrain a bercé des générations d’enfants et d’adolescents qui ont suivi les aventures animées d’Esteban, Zia et Tao, chacun rêvant de les imiter, d’affronter les olmèques ou de rencontrer les rois incas cachés dans leur « El Dorado ». Aujourd’hui que sont devenus les descendants de tous ces princes sont le seul nom et l’histoire alimentent tous les fantasmes possibles dans notre subconscient ?
La « Casa real incaica » s’est subdivisée en cinq branches royales au cours du temps, toutes issues de différents empereurs. La princesse Maxima des Pays-Bas, le président chilien Sebastián Piñera ou même l’auteur Mario Vargas Llosa sont des descendants directs du premier inca Manco Capac, fondateur de la dynastie au XIIIème siècle.

Dans les veines de la reine des Pays-Bas, le sang du Sapa Tupac Yupanqui qui a dirigé l’empire du soleil entre 1471 et 1493. Un règne qui fut marqué par des troubles de succession au trône et une autre prophétie affirmant que celui qui lui succéderait, serait le dernier à diriger les incas. L’Histoire allait lui donner raison. D’ailleurs Tupac Yupanqui devait lui-même mourir assassiné, probablement empoisonné par un complot organisé par les aristocrates de sa cour. Les descendants de cet empereur se mettront sous la protection des espagnols et les seconderont lors de la prise de Cuzco, la capitale. Une revanche familiale qui a permis à la première branche royale d’essaimer en toute tranquillité et de donner des personnages illustres comme Nicolás de Araníbar Fernández Cornejo qui fut le premier président du parlement du Pérou, le marquis Jorge Mario Pedro Vargas Llosa ou encore le président bolivien Hernán Siles Zuazo (1956-1960; 1982-1985). Pour ne citer que ceux-là. Les amours d’une nièce de l’empereur avec le capitaine conquistadors, García Díaz de Castro donneront également trois autres sous-rameaux (Medina y Ramírez de Montalvo, rado y Medina et Garmendia Alurralde) qui ont toujours des descendants.

C’est au cours d’une guerre particulièrement fratricide que l’Inca Atahualpa arrive au pouvoir en 1532. L’empire est divisé entre deux tendances qui s’exterminent mutuellement pour la couronne. Cet affaiblissement du Tahuantinsuyu va profiter à Francisco Pizarro et son acolyte, Diégo de Almagro qui vont piéger Atahualpa au cours d’une scène restée mémorable. Le 16 novembre, près de la ville de Cajamarca, l’empereur arrive avec sa cour chamarrée, 30 000 soldats, porté sur un palanquin d’or. Le soleil est à son paroxysme, éclatant, flamboyant. Les plumes des tiares indiennes luisent à la lueur de l’astre solaire qui se reflète sur les cuirasses des conquistadors. Un prêtre s’avance alors vers l’Inca et lui demande d’abjurer ses dieux et de suivre la « parole du Dieu unique ». S’emparant du livre, il le porte à son oreille, regarde l’ecclésiastique en souriant et lui répond qu’il n’a rien entendu avant de jeter le livre saint à terre. Ce geste lui sera fatal.

Tupac Amaru IIC’est le signal qu’attendaient les espagnols, cachés dans les maisons. Ils tirent à tout va, effrayent les indiens qui n’ont jamais entendu le son des mousquets et dans la panique, abandonnent l’empereur à terre, assommé. Fait prisonnier, ses jours sont désormais comptés. Lorsqu’il apprend que l’Inca a ordonné la mise à mort de son concurrent, le prince Huascar, lui-même emprisonné, Pizarro comprend que le Sapa Atahualpa est encore très puissant. Les conquistadors se divisent sur la question de son avenir et les plus radicaux l’emportent. Atahualpa sera garrotté en novembre 1533 et remplacé par un empereur fantoche, son demi –frère Manco Capac II. Ce dernier sera assassiné en 1544 par le fils de Diégo de Almagro après un soulèvement raté.

Certains enfants d’Atahualpa sont mis au couvent suite à une promesse faîte par Pizarro de les épargner et ses filles seront mariées à des conquistadors d’après les récits de Frère Martín de Murúa. Le destin de cette lignée directe est assez méconnu. On pense qu’elle s’est éteinte au cours du XVIIème siècle. Toutefois, la branche issue du prince cuzcénien Cristóbal Paullu Inca (1518-1549), frère d’Atahualpa et de Huascar, a un rameau encore vivant et a été reconnu comme tel par décret de l’empereur Charles Quint (famille Obando Tito Atauchi, Paredes Obando Titu Atauchi Inca [qui compte parmi ses membres, l’économiste Antonio Maldonado Paredes] et Sahuaraura Tito Atauchi [qui fut un soutien armé à Tupac Amaru II]). Couronné empereur en 1537, Cristóbal Paullu Inca doit son trône à Diégo de Almagro qui est entré de force dans la capitale après avoir affronté les armées de celui qui est devenu son rival. Les indiens assistent médusés à cette guerre entre espagnols qui voient successivement l’assassinat de Almagro en 1538 puis de Pizarro en 1541 et enfin de Diégo de Almagro dit le jeune, décapité en 1542. Cette guerre civile permet aux descendants de l’empereur de recréer un empire quechua dans les Andes, à Vilcabamba, dont on peut encore avoir les ruines.

Tombeur de l’empire inca, Francisco Pizarro n’en a pas moins succombé au charme de la princesse Francisca Yupanqui Inca mais dont la lignée des marquis de la Conquista est désormais éteinte. Tout comme la branche Santiago de Oropesa qui a vu son dernier membre, mourir en 1740. Ou encore le rameau Betancur-Túpac Amaru disparu en 1932 et celle de Condorcanqui Túpac Amaru qui n’avait pas hésité à réclamer sa couronne devant la justice espagnole.

Les descendants des Sapa sont réunis actuellement au sein d’une association et un site recense tous les branches encore existantes, donnant régulièrement des nouvelles de chacun. Mais alors qui aujourd’hui serait le prétendant au trône de cet empire qui a peu de chances de renaître si ce n’est que dans l’imagination des passionnés ? La réponse à cette question est difficile à donner tant il y a de potentiels princes et princesses qui pourraient le réclamer. Aujourd’hui, les descendants des derniers incas, ces enfants du Soleil, vivent dans les quartiers de San Sebastina et de San Jeronimo de Cuzco. Largement oubliés, ils se sont fondus dans la population, assurant encore de leur présence discrète la préservation de la culture inca au cours de de cérémonies officielles où ils sont invités lors de festivités organisées par les mairies du pays (comme pour l'Inti Raymi).


copyright@Frederic de Natal

Publié le 28/03/2020

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