Le prince João-Henrique est en colère !

Les perspectives de restauration de la monarchie ont réveillé les vieilles dissensions dynastiques qui divisent la maison impériale des Orléans-Bragance depuis 1908. En découvrant la dernière interview du prince Dom Bertrand d’Orléans-Bragance, parue dimanche dans le journal l’«Estado de San Paulo », le prince João–Henrique d’Orléans-Bragance a appelé le ban et l’arrière-ban de la branche Petrópolis afin de rappeler aux brésiliens qu’elle était la ligne politique de la maison impériale.  Et de la repositionner dans la course au trône qui se profile alors que la question pourrait bien être posée en 2022,  date qui coïncide à la fois au bicentenaire de la fondation du Brésil et de la proclamation de l’empire,  lors d’un référendum  dont nul ne peut encore dessiner les contours.  Dans une interview-choc, celui qui est surnommé affectueusement par les brésiliens « Dom Joãozinho » s’indigne des propos politiques tenus par son cousin et donne sa vision de la monarchie de demain.

Gettyimages 538312816 1024x1024La charge est à la hauteur de sa colère. Rarement, le prince João-Henrique ne s’était montré aussi agacé par la branche des Vassouras. « Dom Bertrand ne représente ni la famille ni les valeurs que nous avons depuis Dom Pedro I ! » affirme-t-il dans le même journal qui a consacré un article complet à celui qui est second dans l’ordre de la succession impériale au Brésil. Version Vassouras. Depuis le mariage non autorisé du prince du Grão-Pará, Dom Pedro de Alcântara d’Orléans-Bragance (1875-1940) avec la comtesse tchèque Élisabeth  Dobrzensky de Dobrzenicz (1875-1951), la question dynastique agite la mouvance monarchiste brésilienne.  Contraint de renoncer à ses droits en faveur de son frère, Dom Luiz (1878-1920), c’est le fils du prince du Grão-Pará, Dom Pedro de Alcântara Gastão (1913-2007)  qui était revenu sur cette décision en rappelant que la constitution de 1824 n’obligeait pas les membres dynastes de la maison impériale à épouser des princesses issues de la même extraction. Et au Brésil, la branche des Petrópolis est aux Orléans ce que les Vassouras sont à la Légitimité en France. Une rivalité qui avait considérablement nuit au référendum de 1993, chacun des prétendants accusant l’autre d’être le responsable de l’échec de la tentative de la restauration de la monarchie.  Et si, il est vrai que depuis la mort du prince Dom Pedro de Alcântara Gastão, qui incarnait toute l’élégance tropicale et aristocratique du Brésil, les Petrópolis n’ont plus fait l’actualité, laissant la branche rivale s’emparer du terrain politique laissé vacant, leurs partisans se sont tournés vers le prince João-Henrique. Défenseur des minorités en tout genre, des indiens aux homosexuel(le)s, le fringant sexagénaire héritier, portant encore la barbe poivre et sel, écologiste assumé,  est toujours aussi populaire parmi ses concitoyens. « Il est du devoir de la famille impériale de suivre tous les changements quelqu’ils soient du Brésil »  afin de mieux s’adapter aux besoins des brésiliens explique « Dom Joãozinho » au journaliste.

On l’a vu dans la rue aux côtés des manifestants anti-corruptions ou au chevet du musée impérial réduit en cendres par un incendie en 2018, il n’a rien perdu de cette rage adolescente qui a toujours animé ce prince soucieux du bien-être de son pays et qu’il a immortalisé à travers diverses œuvres photographiques.  Quelle est sa vision de l’actualité au Brésil  ou même dans le monde ? « Force est de constater que les populations sont déçues par la politique de manière générale. Cela a généré de nombreux doutes parmi elles (…),  permettant ainsi à un certain nombre de personnes qui ne sont issues du sérail politique d’accéder au pouvoir comme Donald Trump aux Etats-Unis, Emmanuel Macron en France, la droite radicale en Pologne ou en Hongrie, Recep Erdogan en Hongrie et même … Bolsonaro au Brésil ». 

Le prince ne cache pas son amertume sur ce processus qui a aidé ces « droites populistes intolérantes » de monter sur les premières du podium, regrettant d’ailleurs  que l’actuel gouvernement passe son temps « à délibérer sur la dépénalisation des armes à feu ou sur l’importance des sièges –bébés dans les voitures ».  Ce n’est pas pour autant que  « Dom Joãozinho » donne un blanc–seing à l’opposition présidentielle, rappelant qu’il y a autant de « radicaux chez le parti des Travailleurs que dans le parti de Bolsonaro ».  « Les deux sont autant dangereux pour la démocratie qu’elles empêchent tout débat de s’installer paisiblement» critique le fils du prince João d’Orléans-Bragance (1916-2005)  et de Fatima Scherifa Chirine (1923-1990), un couple qui fut de son vivant très proche du prince Henri d’Orléans et de son épouse Isabelle d’Orléans-Bragance. Le prince s’inquiète de l’évolution de la démocratie au Brésil alors que même la Cour suprême est sous le coup d’attaques de la part du gouvernement. Toutefois, il nie que le pays glisse vers la dictature comme on peut le lire ci et là car « nous avons des institutions fortes et une opinion qui reste attachée aux principes de démocratie » ajoute « Dom Joãozinho »  qui ne prétend  par ailleurs à aucune couronne.

Le prince joao henrique manifeste contre le gouvernement roussefRevenant sur les récentes prises de positions de son cousin, Dom Bertrand, le prince João-Henrique maintient ses positions et se répète : il a « rejoint le groupe Tradition, Famille et Propriété (TFP-ndlr), une branche fondamentaliste de la religion catholique qui a été condamnée par l’église,  il y a plusieurs décennies. Il ne représente aucunement les valeurs familiales mises en place par Dom Pedro Ier, Dom Pedro II et la princesse (Rédemptrice-ndlr) Isabelle » s’irrite le prince « Dom Joãozinho » .

Pour ce prince décontracte, surfeur aguerri, la branche Vassouras « ne respecte en rien les valeurs de la liberté d’opinion, de religion ou même de multipartisme (…) » explique-t-il à l’« Estadoa  de San Paulo». « Dom Pedro II était respecté des libéraux et des conservateurs parce qu’il ne prenait jamais parti et qu’il s’est toujours battu pour que la constitution soit respectée » continue-t-il avant d’ajouter que la monarchie fut «l’une des périodes de grande stabilité institutionnelle au Brésil ». Et si la monarchie devait revenir demain, que serait-elle du point de vue de « Dom Joãozinho » ?  « La famille impériale a le devoir historique de servir le pays et d’accompagner tous les changements sociaux comme culturels » qui touchent le Brésil ! «Un état moderne se doit d’être laïc et il se doit de respecter toutes les religions sans discriminations. Forcer les peuples à se convertir est un crime !» continue de taper du poing sur la table le prince qui repositionne ainsi sa branche dans la course au trône. « Le chef de l’état n’a pas à être de gauche ou de droite, ni être au service d’une idéologie quelconque » conclut le prince qui vient assurément de faire la leçon de morale à Don Bertrand d’Orléans –Bragance. Alors « viva o Imperador ? ». Reste  désormais à savoir cette interview a convaincu les partisans de la branche Petrópolis dont « Dom Joãozinho »  est un des plus prestigieux membres et certainement l’un des plus accessibles de tous.   

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 12/06/2019

Date de dernière mise à jour : 03/04/2020

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