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Pomaré IV, la « reine Victoria des mers du Sud »

On ne compte plus les expositions et hommages rendus chaque année à la reine Pomaré IV. Symbole de l’esprit de résistance de tout un peuple, celle qui est considérée comme la « reine Victoria des mers du Sud », Pomaré IV de Tahiti est mise à l’honneur ce soir sur France Télévision. Souveraine d’une monarchie convoitée par les Britanniques et les Français, baignée par de multiples lagons, elle va devoir s’imposer dans un monde qui s’efface doucement devant elle.

C’est le 28 février 1813 que la princesse Aimata Vahine-o-Punuateraʻitua voit le jour à Tahiti. Elle est le rejeton d’une dynastie qui règne sur cette île de la Polynésie depuis 1788. Le royaume a été unifié par son grand-père, Pomaré Ier (1753-1803). Depuis longtemps, l’île aux multiples lagons cristallins commerce avec les Européens. C’est ici que Christian Fletcher, officier en second du Bounty, va organiser sa célèbre mutinerie contre le capitaine William Bligh. Un événement immortalisé par Hollywood dans le film « Les révoltés du Bounty » dans lequel l’acteur Marlon Brando joue un de ses meilleurs rôles. Lors de l’avènement de son père en 1791, c’est une flopée de missionnaires qui se présentent devant le fondateur de la dynastie (Pomaré Ier) qui a été assez malin pour abdiquer et gouverner dans l'olbre en conservant la régence jusqu’à sa mort en 1803.

L'influence des protestants sur le royaume de Tahiti

Un an avant la naissance d’Aimata, Pomaré II se convertit au protestantisme et, avec l’aide de ses nouveaux alliés qui le conseillent, entreprend de transformer la monarchie en une institution absolue, féodale et protégée par une aristocratie militarisée. Il met fin à la traditionnelle nudité et impose le port de vêtements couvrant tout le corps, interdit les danses, les tatouages ou les parures de fleurs. « Grand, fortement charpenté sans être corpulent, il était d’une stature imposante, mesurant plus de six pieds. [...] Son teint n’était pas sombre, mais plutôt hâlé ; ses traits paraissaient lourds, encore que ses yeux brillassent d’intelligence [...] », ce monarque est autant un mystique qu’il est la proie des démons de l’alcool qui finissent par le tuer en 1821. Trop jeune pour régner, son fils Pomaré III est placé sous la tutelle d’une régence. Mais de santé trop fragile, le jeune roi meurt six ans plus tard de la dysenterie alors qu’il n’est encore qu'enfant. Contre la coutume qui veut que ce soit un mâle qui monte sur le trône, les missionnaires décident de faire couronner la princesse Aimata qui prend le nom de Pomaré IV.

La France intervient sur Tahiti

C’est quasiment un coup d’État perpétré par les Pères blancs qui souhaitent imposer une constitution à Tahiti et la diriger de facto. Dès le début, la princesse fait preuve d’une indépendance à laquelle ne s'attendaient pas les pasteurs protestants. Très proche de la secte des Mamaia (mouvement syncrétique), elle finit pourtant par rentrer dans le rang, menacée par les nobles qui ont abandonné les croyances ancestrales. Leur ascendance est telle que la monarchie de Pomaré IV ne tarde pas à être menacée. Elle est contrainte de demander de l’aide à l’Angleterre sur les conseils deu pasteur George Pritchard (1796-1883) qui implore le Premier ministre, Lord Palmerston, de faire de Tahiti un protectorat. Londres refuse, ne voyant pas l’intérêt stratégique offert par cette île en dépit des rapports élogieux rédigés par un certain Charles Darwin en 1835. Parallèlement, la France commence à s’imposer dans le Pacifique et avec eux les missionnaires catholiques qui tentent de convertir les tahitiens. Repoussés sur ordre de Pomaré IV, elle finit par leur interdire tout accès à Tahiti. Une décision qui va servir à Louis-Philippe Ier, roi des Français, pour intervenir militairement sur l’île. 

La Victoria des mers du Sud

On connaît la description de la reine à cette époque. « Elle est assez haute de stature pour une femme, mais elle est fort grosse et massive ; de très beaux yeux, cependant, la relèvent... La première fois que je l’ai vue, je ne me serais pas douté qu’elle était la Reine de ces lieux. Elle était vêtue absolument de la même manière et des mêmes étoffes de coton que les Tahitiennes les plus vulgaires. Ses jambes, ses pieds étaient nus... Vêtue d’une simple chemise, elle allait avec les autres femmes à bord des navires baleiniers qui mouillaient à Papeïte et, toute la journée, elle se baignait sans distinction avec elles. On la reconnaissait pourtant à une suite nombreuse de princesses, de dames d’honneur et de courtisanes qui l’accompagnent toujours » écrira d’elle un journaliste de passage. « Son port est plein de dignité. Elle est entièrement habillée à l’Européenne, et lors des cérémonies publiques, elle revêt des robes confectionnées avec les plus belles étoffes de Lyon. Elle ne comprend pas du tout la langue anglaise. Elle entend un peu le Français, mais ne le parle pas » dira quelques années Pierre Loti qui est en visite à Tahiti.

Un royaume vendu pour une Légion d'Honneur

Le royaume va se diviser entre pro-anglais et pro-français, hostiles à la souveraine et favorables au protectorat offert par Paris. Acculée, Pomaré IV accepte de signer un traité avec la France (1842) qui reconnaît la souveraineté de Tahiti. Le pouvoir royal est partagé entre une souveraine responsable des Affaires intérieures et une France qui s’arroge les Affaires étrangères et la défense comme la sécurité du royaume. Tahiti a été mis sous tutelle. Le pasteur Pritchard, furieux, va manipuler la reine et la convaincre de remplacer le drapeau du protectorat par celui de son royaume afin d’affirmer son indépendance (1843). Agacé, Louis-Philippe Ier ordonne à ses troupes d’annexer l’île, d’exiler la reine et son conseiller. C’est la guerre entre les deux nations. La Grande-Bretagne restera neutre, mais fera son possible pour ralentir discrètement les forces françaises qui finissent par s‘imposer après deux ans de conflit. Pomaré IV doit accepter son destin. Elle peut continuer à régner, mais dans les faits, c’est la France qui dirigera Tahiti. Pis, elle devient même une fonctionnaire de la République à venir puisque ses décisions devront être validées par le gouverneur en poste. En 1863, la France met fin à la prépondérance des missions protestantes et fait importer des milliers de chinois pour les faire travailler en Polynésie. Tahiti est devenue une satrapie de l’Empire colonial français.

La reine meurt en 1877 d’une crise cardiaque, laissant son royaume à son fils Pomaré V (1831-1891). Incapable, alcoolique, il finit par céder Tahiti à la France trois ans plus tard en échange de conserver ses titres, une rente viagère, les demeures de la famille royale et d’obtenir la Légion d’Honneur. Les descendants de Pomaré IV se sont progressivement effacés. Si certains ont continué à faire de la politique, encore de nos jours (ancien président de la Polynésie, Oscar Temaru est un membre de la dynastie Pomaré), peu de Polynésiens soutiennent le principe de restauration de la monarchie. Personnalité polynésienne, la princesse Yvannah Lolita Tetuanui Marereva Pomare (née en 1950) avait reconnu en 2017 qu’elle avait seulement appris la vie de son ancêtre qu’à l’école, mais se disait fière de ce que cette « grande dame avait accompli » pour Tahiti.

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