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Une monarchie traditionnelle restaurée dans l'archipel des Fidji

Ratu Tevita Mara a été intronisé grand chef de Lau lors d'une cérémonie organisée sur les îles isolées de Nayau et Lakeba. Un sacre qui marque le retour d'une dynastie et celui potentiel d'un futur dirigeant politique dans l’archipel des Fidji marqué par des affrontements ethno-communautaristes récurrents.

Loin des médias occidentaux, c’est une cérémonie haute en couleur et d’une grande importance qui s’est déroulée dans l’archipel des Fidji. Ratu Tevita, également chef de Mataqali Vuanirewa, village de Tubou, a été intronisé comme nouveau chef de Lau, Sau Ni Vanua Ko Lau, Tui Nayau et Tui Lau.

Un monarque traditionnel qui a des liens avec la Maison royale du Tonga

Pour cette occasion, le roi Tupou VI du Tonga et son épouse on fait le déplacement pour assister au couronnement de ce prince avec lequel il partage des liens personnels et familiaux, « Les relations entre les familles royales tongiennes et l'aristocratie fidjienne remontent à des siècles », a d’ailleurs expliqué la Tuita est la nièce du monarque tongien, interrogée à ce propos par Radio New Zeland (RNZ).

« Ces liens s'incarnent dans un groupe ou clan de seigneurs héréditaires appelés "Ha'a Fale Fisi" ou "Maison des Fidji », poursuit-elle. « Ils sont les descendants de Tapu'osi (chef du village de Waciwaci à Lakeba) et de Sinaitakala Lotunofo (fille aînée des Tu'i Tonga) », résume la princesse du Tonga qui a également fait le déplacement sur Lau est un archipel de l'est des Fidji. Tuita souligne d’ailleurs l'importance de comprendre l'histoire familiale pour l'identité du Pacifique, soulignant l'importance des réunions et des obligations familiales dans le maintien de ces relations. « Nous nous déplaçons (lorsque les moyens le permettent) pour assister à des funérailles, des mariages et des réunions de famille, car c'est une obligation et un privilège de la nourrir et de cultiver  pour laquelle nous éprouvons un sentiment d'appartenance.», assure la princesse.

Une dynastie politique controversée entre monarchie et république

Ratu Tevita Mara est loin d’être un inconnu pour les Tongiens comme les Fidjiens. Outre son ascendance royale, il appartient à une longue lignée de politiciens qui ont contribué à faire la pluie et le beau temps aux Fidji. Il est le fils de la chef suprême de Burebasaga, Ro Adi Lady Lala Mara, et de Ratu Sir Kamisese Mara (1920-2004).  Ce dernier a été l’artisans du compromis entre Fidjiens et Indiens importés aux Fidji à la fin du XIXe siècle par les Britanniques pour cultiver les champs de canne à sucre, coton et de coprah. En 1946, le nombre d’Indiens dépassent celui des autochtones, faisant craindre aux Fidjiens la perte de leur pouvoir séculaire. Des tensions raciales éclatent assez rapidement entre les deux communautés, contraignant Londres à accorder au Parlement autant de sièges aux Indo-Fidjiens et Fidiens de souche (22 chacun) et 8 pour la minorité européenne, maître d’une île sur laquelle Napoléon III avait, un temps, jeté son dévolu. 

En mai 1987, le lieutenant-colonel Sitiveni Rabuka organise un coup d’état afin de défendre les droits des Fidjiens de souche et renverse le Premier ministre Timoci Uluivuda Bavadra, dont le gouvernement est jugé trop favorable aux indo-fidjiens. Le renversement des institutions prend de court Londres. Buckingham Palace refuse même au dirigeant des Fidji un rendez-vous avec la reine Elizabeth II. Si un premier accord de gouvernement d’union nationale est trouvé, il ne satisfait pas l’officier qui opère un second pustch en septembre suivant. Il abroge la constitution, abolit la monarchie et proclame la République. A la tête d’un gouvernement ethno-nationaliste, il finit par remettre le pouvoir Ratu Sir Kamisese Mara, chargé de négocier la fin des liens entre les Fidji et le Royaume-Uni. En octobre 1970, la monarchie britannique acta la fin de son institution dans l’archipel appelé à connaître d’autres soubresauts raciaux, de départs massifs des indiens dans les années 1990.

Un destin national ? 

Ratu Tevita Mara a suivi un parcours militaire alors que son père occupe la fonctionde Président de la République (1993-2000). En 2006, il participe au putsch organisé par l’amiral Ratu Josaia Voreqe Bainimarama (Premier ministre de 2007 à 2022) et intégré le gouverment, Inculpé pour tentative de mutinerie en 2011, il s’enfuit au Tongo où il est nommé conseiller du souverain. Il ne sera autorisé à revenir qu’en 2023 après que Sitiveni Rabuka ai été renommé Premier ministre à nouveau. Les deux hommes partagent les mêmes sentiments à l’égard de la communauté indo-fidjienne. Pour certains experts locaux, le nouveau souverain de Lau est potentiellement un futur chef de gouvernement en devenir. Steven Ratuva estime que son statut de monarque et son influence lui ouvriront la voie vers la politique. « Par le passé, les chefs se présentaient aux élections, car cela leur conférait davantage de statut et de pouvoir », explique cet éminent professeur à l'Université de Canterbury.

« Je ne suis pas sûr qu'il se présenterait lui-même, c'est un homme assez humble qui aura des responsabilités en tant que dirigeant provincial. Mais il est probable qu'il soit approché par au moins deux partis politiques : le Parti de l'Alliance populaire de Rabuka et du parti conservateur-chrétien Sodelpa. », ajoute-t-il, tous deux en faveur de la protection des droits des Fidjiens de souche.

L’intronisation de Ratu Tevita Mara marque bien plus qu’un retour aux traditions : elle ouvre la voie à un possible retour des grandes dynasties dans la vie politique fidjienne. Dans un pays encore marqué par les tensions ethniques, son ascension pourrait raviver le nationalisme autochtone ou, au contraire, offrir une chance de réconciliation durable sous sa couronne.

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Date de dernière mise à jour : 15/07/2025