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Le Sultanat d'Oman

Le sultanat d’Oman se prépare-t-il à la mort de son dirigeant ? Depuis quelques heures, des milliers de messages ont envahi les réseaux sociaux de cette monarchie du Golfe persique, demandant à chacun de prier pour le rétablissement du sultan Qaboos ibn Said. Depuis son départ brutal de Belgique mi-décembre, une semaine après son arrivée, les spéculations sur l’état de santé du monarque, atteint d’un cancer, ont alimenté divers médias. Le sultanat retient désormais son souffle et attend, résigné, de tourner la page d’un demi-siècle de règne.

10 1C’est le 23 juillet 1970 que Qaboos ibn Said monte sur le trône d’Oman. Sa famille règne sur cet état du Golfe depuis 1744. Surnommé la «Suisse du Proche-Orient », Oman offre un spectacle de rêves aux hommes d’affaires et aux touristes de passage. Sa capitale, Mascate, est un chef d’œuvre d’architecture européenne et orientale. Sa grande mosquée, baptisée du nom de l’actuel souverain, est le symbole d’une monarchie qui attise toutes les convoitises. Sa réussite, Oman la doit au sultan Qaboos ibn Said qui transformé le visage de cet état féodal en une puissance maritime et pétrolière. Son enfance a été royale et stricte, solitaire et austère, frappé de plusieurs interdictions qui seront brisées à son adolescence. Pour ses 16 ans, son père l’envoie suivre des études au Royaume-Uni. C’est en 1951 qu’Oman a pris son indépendance de Londres, son protecteur depuis 2 siècles. Dès le début, la monarchie est malmenée à sa droite, par une rébellion dirigée par un chef religieux, soutenue par le voisin saoudien et à sa gauche, par un soulèvement communiste au Dhofar (sud de l’état), piloté depuis Pékin. Son père, Said ibn Taimour, victime d’une tentative d’assassinat, sombre dans une paranoïa qui fragilise cette pétromonarchie absolue. Les purges au sein du palais succèdent aux ordres les plus incongrus comme l’interdiction aux omanais de porter des lunettes de soleil, de se faire couper les cheveux ou de se faire soigner par des médecins occidentaux. La situation devient tendue au même titre que les relations entre le roi et son héritier. Pire lorsque le souverain décrète l’arrestation de ceux qu’ils voient dans ses rêves, les prenant pour des avertissements d’Allah, décision est prise pour le destituer. Et c’est son fils, retenu prisonnier au palais royal, qui va mener de main de maître ce putsch, financé en sous-main par le cabinet de Downing Street, qui veille toujours et encore à la sécurité de cet état aux positions stratégiques. En témoigne la visite en décembre 2019 du prince héritier au trône d’Angleterre William de Cambridge. Dernière d’une longue liste d’échanges diplomatiques entre les deux monarchies.

Né en 1940, le nouveau sultan modernise son royaume et achète le silence des tribus afin de s’assurer d’un pouvoir tranquille. Une nouvelle page de l’histoire d’Oman se tourne pour en écrire une autre tout aussi riche. Et d’argent, la pétromonarchie en brasse des millions de dollars. Le pétrole lui assure une rente confortable et lui permet de s’affranchir définitivement de la vindicte wahhabite et de l’expansionnisme perse. Au cours du XIXème siècle, Oman, au centre de tous les carrefours commerciaux, s’était octroyé le luxe de signer un traité avec la France de la monarchie de Juillet. Avant que les anglais ne se prennent la part du lion en 1864, suite à un accord avec Napoléon III et établissent une tutelle de 30 ans sur ces bédouins. Loin des salons feutrés du Second empire, la France négocie ses possessions dans le Golfe au plus offrant. La dynastie des Zaid fut scindée en deux. Une branche à Zanzibar, une autre à Mascate. La première finira dans le sang en 1964, la seconde de perdurer, florissante. La diaspora arabe zinjibari exilée se réfugie dans le sultanat afin d’échapper à la vengeance de ses anciens esclaves noirs. Une bourgeoisie cultivée sur laquelle Qaboos ibn Said va s’appuyer pour gouverner.

12La rébellion marxiste est rapidement étouffée et Oman retrouve sa stabilité. Ligue Arabe, ONU, OMC, la monarchie adhère à toutes les organisations mondiales. Les réformes se succèdent, populaires. En 1995, il accorde le droit de vote aux femmes. Une révolution. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles sont des ambassadrices du sultanat. Aucun impôt direct, inconnu de tous d’ailleurs, les prix des de première nécessité accessibles à tout un chacun, les emplois réservés aux omanais avant tout et le taux d’alphabétisation dépasse les 90%. Une paix tranquille qui a permis à ce souverain  constitutionnel, en dépit d’un culte de l’image excessif, de ne pas être inquiété par le « printemps arabe » de 2010.

Le roi se meurt-il ? La rumeur d’un possible décès de  Qaboos ibn Said a enflé ces dernières heures à Mascate selon Gulf News. Aucune information n’est venue cependant confirmer le décès du souverain. Cependant, si avérée, elle fait déjà craindre à tous une succession difficile. Divorcé d’une de ses cousines et sans enfants, il se dit depuis des années que le roi préférait nettement la compagnie des hommes que celles des femmes. Assez notable pour que le royaume soit assez tolérant sur le sujet,  bien que le relations entre personnes de même sexe ne soient pas autorisés. Et hors de question d’affirmer d’ailleurs que le sultanat est gay-friendly, deux journalistes de l’hebdomadaire local « The Week » l’ont appris à leurs dépens en 2013, accusés d’apologie de l’homosexualité. Le sujet est tabou dans le royaume de ce « despote éclairé ». Ainsi est qualifié en 2016 le roi  par le journal « La Tribune » qui explique les succès de Qaboos ibn Said, incontournable médiateur dans tous les conflits comme en 2009 avec la Syrie. Une succession difficile se prépare avec de multiples intervenants et autant de questions sans réponses.

Plusieurs noms cependant reviennent en écho. Celui des princes Asad ben Tarik, vice premier ministre, Haitham, ministre de la Culture  ou Shihab, ancien commandant des forces navales. .3 frères qui attendent leur tour patiemment  sans que l’on sache s’ils auront assez de charisme pour s’imposer. Il y  a quelques jours, une enveloppe a été remise au conseil royal avec le nom de son successeur. Nul ne sait qui il sera. Selon la constitution du royaume, le nom du prochain souverain doit être connu trois jours après le décès de son prédécesseur. Un choix qui demeure un mystère comme l’attitude de l’armée qui pourrait être tentée à son tour de proclamer la république. A moins que le sultanat de 4 millions d’habitants ne soit brutalement annexé par l’Arabie Saoudite ou les Emirats arabes unis !?  

Copyright@Frederic de Natal

Paru le 26/12/2019

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