«Il y a quarante ans aujourd’hui, mon père, le roi d'Iran, jeté dans le précipice de l'histoire et sur les rives du Nil, a quitté ce monde. Les larmes du roi en quittant le pays étaient un signe avant-coureur silencieux mais révélateur des larmes à venir de nos mères». A la suite de sa mère, l’impératrice Farah Diba, le prince Reza Shah Pahlavi II, héritier au trône du Paon, a tenu également à rendre un hommage appuyé à son père, le dernier Shah d’Iran décédé au Caire, il y a 40 ans. Un message loin d’être anodin alors que des manifestations en faveur du retour de la monarchie ont de nouveau éclaté en Iran ces derniers jours, réprimées violemment et à balles réelles par le régime des mollahs. Dans le plus grand silence de la communauté internationale.
La classe moyenne iranienne a aujourd’hui disparu, première victime de la crise économique qui sévit en Iran depuis 2017. Le fossé s’est d’ailleurs tellement creusé entre les iraniens et les mollahs dans cette partie de l’ancienne Mésopotamie que l’Iran est désormais au bord de l’explosion sociale sur l’ensemble du territoire persan, contraignant le régime à se livrer à une surenchère militaire tant à l’intérieur que l’extérieur du pays ou négocier des traités controversés avec la Chine afin de urvivre. Les tragédies succèdent aux tragédies. Faute de pouvoir se nourrir, de nombreux iraniens mettent fin à leurs jours et le pays est désormais dans les dix premièrs nations au monde où le taux de suicide est le plus élevé. Profitant de la date anniversaire de la mort de son père au Caire, en Egypte, il y a 40 ans jour pour jour, le prince Reza Shah Pahlavi II a tenu à rendre hommage à son règne et dénoncer les conditions de vie de ses compatriotes. «Les progrès de l'Iran ne doivent pas être basés sur l'esclavage et l'exploitation des travailleurs à bas salaires… le travailleur iranien doit être correctement rémunéré pour son travail (…).et chaque personne dans le pays doit se voir garantir une certaine qualité de vie. L'une des conditions d'une telle vie est une maison saine, hygiénique, propre, lumineuse et spirituelle pour les travailleurs iraniens» a déclaré le prétendant au trône, paraphrasant le dernier shah d’Iran.
«Un demi-siècle s'est écoulé depuis que mon père a prononcé ces paroles. Un demi-siècle de hauts et de bas. C'était un chemin qui, malgré toutes ses difficultés, était celui du progrès. Un chemin qui a été obstrué par une chute catastrophique [la révolution de 1979-ndlr] (et) qui a entraîné de nombreuses personnes dans la pauvreté» poursuit le prince Reza Shah Pahlavi II. Avant de renchérir : «Il y a quarante ans aujourd’hui, mon père, le roi d'Iran, jeté dans le précipice de l'histoire et sur les rives du Nil, a quitté ce monde. Les larmes du roi en quittant le pays étaient un signe avant-coureur silencieux mais révélateur des larmes à venir de nos mères . (…). Un symbole amer et larmoyant d'une désolation à venir. Le regard sur une génération qui aurait dû être novatrice mais qui a été sacrifiée. Des villes des contes de fée qui ont été brusquement nivelées, jonchées de cadavres de jeunes et de vieux» se désole-t-il.
Ces derniers jours, des informations provenant principalement des réseaux sociaux et médias de l’opposition font de nouveau état d’une aggravation de la situation politique dans le pays. Le 16 juillet, des vidéos ont été publiées montrant des manifestations en faveur du retour de la monarchie dans la ville de de Behbahan, dans la province du Khouzestan, où on peut entendre clairement les manifestants crier des slogans en faveur des Pahlavi. Une manifestation réprimée à balles réelles qui n’a fait aucun titre des médias internationaux plus occupé faire de la surenchère sur le covid-19 et ses conséquences. Une pandémie qui a d’ailleurs touché de plein fouet l’Iran qui continuer de minimiser le nombre de ses morts. L’appel des plusieurs centaines de milliers d’Iraniens ont même contraint le régime islamique à sursoir à la pendaison de 3 royalistes (dans un tweet, le président Donal Trump a d’ailleurs pris la défense de ces jeunes iraniens âgés entre 22 et 27 ans) alors que manifestations se succèdent pour la libération de Manouchehr Bakhtiari, un activiste arrêté après avoir posé sur Instagram avec un drapeau de l’ancien régime impérial. Un homme qui a perdu son fils, assassiné en prison par les gardiens de la révolution (novembre 2019), et auquel le prince Reza Shah a apporté son soutien officiel. Selon d’autres informations, démenties par Téhéran, des régiments militaires se seraient mutinés et le chef des Gardiens de la Révolution, le General Gholamreza Soleimani, aurait été lui-même tué affirme (sans confirmer) le site Iran-Resist.org, forçant le régime à couper les accès Internet du pays.
«Le regard d’un père dans ce dernier adieu, était le regard de ceux qui sont les opprimés d’aujourd’hui qui manquent de tout pour vivre. Ses larmes coulent aujourd'hui dans les yeux des pauvres, du paysan, de l'enseignant, du balayeur de rue ou ceux du kolbar. Les larmes du roi étaient des appels à la justice. Un appel à la justice pour un peuple qui vit dans l’injustice. Les larmes de mon père sont les larmes actuelles de l’Iran» conclut le prince impérial qui a prédit en janvier dernier, la chute du régime théocratique.
Shah d’Iran de 1941 à 1979, le règne de Mohammed Reza Shah Pahlavi a été marqué par de profondes réformes qui ont conduit le souverain à lancer sa «révolution blanche». Une réforme consistant à «la nationalisation des forêts et des pâturages, l’octroi du droit de vote aux femmes, la privatisation des entreprises étatiques pour financer la réforme agraire, la participation des travailleurs aux bénéfices de leur entreprise, la création d’une «armée du savoir» dans laquelle les conscrits diplômés contribuent aux campagnes d’alphabétisation» nous explique le site «Les clefs du Moyen-Orient». Une révolution royale qui va aussi se heurter aux forces conservatrices religieuses des mollahs (notamment de l’ayatollah Rouhollah Khomeiny), acteurs principaux de sa chute qui n’apprécient pas l’intrusion de l’empereur sur ce qu’ils estiment être leurs prérogatives. Un esprit d’indépendance gaullien qui lui feront aussi perdre son allié majeur, les Etats-Unis, dont le gouvernement avait pourtant contribué à son retour au pouvoir en 1953 après le coup d’état du Kadjar-premier ministre Mossadegh. Les exactions de la Savak, police du Shah, les fêtes somptueuses de Persépolis et le début d’une crise économique vont provoquer un mécontentement général que va exploiter à satiété le clergé iranien. «Shah raft !» (le Shah a foutu le camp) peut-on entendre sur les ondes de la radio, ce 16 janvier 1979. Face au soulèvement général et apaiser leurs sujets, le Shah et son épouse avait décidé de prendre le chemin d’un exil sans retour, laissant malgré-eux derrière une terre sombrant doucement dans la dictature théocratique et devenant progressivement fer de lance et pourvoyeur d'un islamisme terroriste dans le monde. Quatre décénnies après la chute du Shah, ils sont des millions d’iraniens à regretter un âge d’or que la plupart des manifestants n’ont pas ou peu connus et qu’ils appellent de nouveau massivement. «Que Dieu bénisse Reza Shah » crient désormais les iraniens qui auront à choisir bientôt leur nouveau régime. Monarchie ou république ? L’avenir se charge désormais d’écrire en persan ce nouveau chapitre de l’Histoire iranienne.
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