Le prince Sharif Ali Ben al-Hussein

Sharif ali ben al husseinL’arrivée du roi Abdallah II  à Bagdad a été hautement médiatisée en Irak.  Reçu ce lundi par le président Barham Saleh, cette visite aura été la dernière d’une longue série de rencontres diplomatiques de haut niveau en Irak, ces dernières semaines. Membre de la maison royale des Hashemites, gardienne à la fois des lieux saints musulmans et chrétiens, sa présence a  fait l’unanimité parmi les médias irakiens intarissables de louanges vis-à-vis du roi de Jordanie. Bien que le mouvement monarchiste irakien reste à l’état minoritaire, en dépit d’un certain soutien des chefs de tribus, c’est le prince Sharif Ali Ben al-Hussein qui incarne aujourd’hui dans le pays les espoirs de la restauration de cette dynastie.

Début de 2018 et durant plusieurs mois, le prince  Sharif Ali Ben al-Hussein a été l’objet de spéculations intenses sur l’éventualité de sa candidature au poste honorifique de président de la république irakienne. Pays créé de toutes pièces par les britanniques au lendemain de la première guerre mondiale, c’est un de ses prestigieux officiers connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, dont les hauts faits militaires seront rapportés dans la production hollywoodienne éponyme, sortie sur les écrans en  1962, qui favorise la montée sur le trône d’un Irak en devenir, du syrien Faysal Ier. Une couronne de compensation en échange de celle qu’il avait brièvement occupée (1920) avant que les français n’en décident autrement. 3 souverains, une politique instable, jouet des puissances européennes, la monarchie tombe après un bain de sang, le 14 juillet 1958. Ironie de l’histoire, les militaires feront jouer l’hymne national français. Tout un symbole.

Il aura échappé au massacre. Le roi Faysal II avait été exécuté, son oncle mis à nu et traîné sur le sol, à l’arrière d’un pick-up, le corps déchiqueté ; la famille de Sharif Ali Ben al-Hussein avait eu la vie sauve en se réfugiant dans l’ambassade d’Arabie Saoudite. Ce banquier de profession voit son destin le rattraper en 2003 avec la chute du général Saddam Hussein au pouvoir depuis 1979. Il a fondé le mouvement monarchiste constitutionnaliste et milite  depuis le début des années 1990 au sein d’une alliance de l’opposition financée entièrement par les américains. Son retour en Irak n’aura pas le résultat escompté. Oublié, relégué dans les pages jaunies de l’histoire, Sharif Ali Ben al-Hussein doit prouver à ses futurs sujets sa capacité à fédérer politiquement un pays multi-ethnique et divisé où chacun est tenté par le séparatisme quand ce n’est pas par des actions de terrorisme. Le prétendant reste cependant persuadé que « la majorité du peuple irakien souhaite le retour de la monarchie car ils ont compris que celle-ci est le seul système qui garantira l’unité et la réunification de la société irakienne » affirme t-il à un journal de Doha. Il sert d’intermédiaire avec le gouvernement iranien en raison de son adhésion au chiisme. On pense à le nommer ministre des affaires étrangères en 2016, il a le soutien d’un lobby de députés républicains au Congrès, mais peine à s’imposer aux élections avec des résultats qui ne dépassent pas les 5%. Pourtant peu à peu, il devient incontournable de la politique locale, non sans quelques erreurs d’analyse géopolitique parfois. En 2005, que n’avait-il pas affirmé très sérieusement « qu’il n'y avait pas de risque d'éclatement de l'Irak ni de guerre civile ». L’histoire lui aura finalement donné tort.

Sharif ali ben al hussein gauche« Le retour de la monarchie peut se présenter comme le remède idéal aux maux de l’Irak […]. Je suis convaincu que seule une monarchie constitutionnelle pourra assurer la diversité des partis politiques et éviter que l’un d’entre eux cherche à dominer les autres. » déclare encore le prince Sharif Ali Ben al-Hussein. Le 20 juillet 2018, pour le 60ème anniversaire de la chute de sa maison, il publie une déclaration enregistrée où il se pose en alternative contre la corruption qui sévit au sein du gouvernement et appelle à la fin des discriminations. Ecoutée par 110 000 personnes, commentée un millier de fois par des internautes irakiens largement acquis à cette idée, partagée plus 600 fois, le prince Sharif Ali Ben al-Hussein fait le buzz dans un pays qui s’ouvre doucement au monde moderne.

Assez pour le conforter sans ses positions et rallier les positions de l’ayatollah (controversé) Ali Husseini al-Sistani qui avait appelé au djihad contre l’état islamique du Levant (Daesh) et dont l’ombre influente pèse sur les élections locales. Il apporte officiellement son soutien au gouvernement issu des élections de mai 2018. On lui offre le poste de responsable de la conférence pour la paix qu’il accepte. A défaut de régner, il présidera les efforts de paix dans son pays. En octobre dernier, il surprend et appelle le gouvernement à entamer des négociations avec les turques afin qu’ils reconnaissent, la frontière qu’ils partagent avec l’Irak et qu’ils cessent enfin leurs incursions au Kurdistan, évoquant même les problèmes environnementaux générés en Irak par plus d’une décennie de troubles et de guerres civiles. Le 11 octobre, il a d’ailleurs été  reçu officiellement par le président de la République, le kurde Barham Saleh, son nom de nouveau évoqué pour le poste de ministre des affaires étrangères et dont les médias locaux s’en étaient fait l’écho (l’Aswat du 13 octobre). Mais toujours en vain. Si les chances de restauration de la monarchie sont assez faibles, il n’en reste pas moins que le prince Sharif Ali Ben al-Hussein incarne une certaine autorité morale dont la république s’accommode quand elle ne flirte pas avec elle. Pétro-monarchies comprises qui ne cessent d’aller le voir dans sa villa, dans la capitale, à l’instar  de l'ambassadeur du royaume de Bahreïn en novembre dernier ou encore celui d’Arabie Saoudite en janvier 2018. Des soutiens de poids non négligeable pour ce prétendant qui, à  63 ans, entend toujours monter sur un trône qui lui revient de droit.

L’histoire ne dit toutefois pas si son cousin Abdallah II est venu le saluer lors de sa visite. Car entre les deux branches Hashemites, on entretient une certaine inimitié vis-à-vis du trône irakien. Le royaume de Jordanie  n’a jamais caché qu’il verrait plutôt un de ses princes, en la personne du prince Ra’ad ben Zeïd, monter sur le trône du vieux Faysal. D’ailleurs étrangement celui –ci bénéficie aussi de soutiens et d’un parti en Irak, car sait-on jamais l’avenir qu’Allah réserve à l’ancienne Mésopotamie. 

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 16/01/2019

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