Répartis entre, l’Iran, la Syrie et la Turquie, seuls les kurdes d'Irak ont obtenu officiellement le statut de région autonome. Littéralement « pays des Kurdes », le Kurdistan rassemble plus de 5 millions d’habitants dans cette partie nord de cette république qui se caractérise autant par une géographie montagneuse que par la richesse pétrolière de son sol. Les perspectives d’indépendance du Kurdistan posent celles des futures institutions d’un nouvel état libre en cas de victoire. Pour la princesse Sinenkham Bedirkhan, « c'est maintenant ou jamais que le Kurdistan doit renaître de ses cendres » et renouer avec ses traditions monarchiques.
Elle vit dans une maison de deux étages, entourée de ses souvenirs. Son « château », comme elle le surnomme, est situé dans le quartier chrétien d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Sinenkham Bedirkhan est la dernière descendante des princes kurdes Badrakhan et une optimiste qui parle couramment le français. Pour cette authentique princesse de 82 ans, héritière de la principauté de Botan, rien qui ne saurait l’effrayer. « On veut notre indépendance, on veut voir notre drapeau flotter aux Nations-Unies » déclare t-elle. Elle a conscience qu’elle représente un monde qui a eu une existence éphémère, une monarchie à peine reconnue par les puissances étrangères tout comme celle de sa famille qui a été abolie en 1866.
En mai 1919, alors que l’empire ottoman s’effondre doucement et inéluctablement, la minorité Kurde tente de s’émanciper de la tutelle turque et profite des troubles pour établir un état semi-indépendant. L’influent Sheikh soufi Mahmoud Barzandji (1878-1956) n’hésite pas à proclamer le djihad contre les britanniques qui occupent l’ancienne Mésopotamie depuis la fin de la première guerre mondiale. Le 10 octobre 1921, il se déclare unilatéralement roi du Kurdistan avec l’appui des tribus et des chefs religieux qui refusent la moindre tutelle arabe. Une monarchie (Keyaniya Kurdistanê,) dont le gouvernement multi-confessionnel sera composé à la fois de chrétiens et de musulmans. Non sans inquiéter ses proches voisins tenant d’un islamisme orthodoxe. Le conflit avec le Royaume-Uni s’enlise alors que ceux-ci soutiennent la montée sur le trône d’un Irak créé de toutes pièces avec à sa tête, le prince Faysal Ier que l’on a été cherché en Syrie.
Arrêté une première fois et exilé en Inde, Mahmoud Barzandji revient et réitère sa proclamation comme souverain du Kurdistan, fort de la légitimité que lui conférait le traité de Sèvres (1920) dont les articles 62 à 64 prévoyaient la création d'un « territoire autonome des Kurdes » englobant le sud-est de l'Anatolie. Un traité qui sera finalement annulé par celui de de Lausanne 3 ans plus tard. Le 18 novembre 1922, il est couronné (Mahmoud Ier). Refusant de céder aux injonctions des anglais, ces derniers finissent par s’emparer de sa capitale et contraignent ce monarque à se réfugier dans les montagnes. La monarchie perdure pourtant jusqu’en juillet 1924 où lassé de sa résistance, les anglais bombardent inlassablement ses positions. Son royaume finit par se disloquer. Infatigable combattant, le sheikh Mahmoud Barzani n’abandonne pas la lutte, retente une nouvelle fois de reprendre son trône dans les années 1930, voire même d’imposer un nouveau royaume dans l’est de la Turquie où vit toujours encore aujourd’hui une large communauté Kurde. La plus importante. On remettra d'ailleurs une pétition en ce sens à la Société des Nations en 1931. En vain. La guerre entre kurdes et irakiens devant se poursuivre sans réels vainqueurs. Acculé, il accepte de signer sa réédition et est exilé dans le sud de l’Irak. Pardonné en 1941, il décèdera quinze ans plus tard, toujours auréolé de sa gloire.
Sa famille a donné une longue lignée de combattants kurdes qui se sont toujours battus pour l’indépendance du Kurdistan. La France a même envisagé un rôle pour son père, le prince Kamuran Bedirkhan (1895-1978), apporté un soutien à un Kurdistan libre mais le retrait de l’Hexagone du Levant en 1946 a fini par mettre fin à tous leurs espoirs. De ce passé, il ne reste rien y compris dans le subconscient kurde malmené par les affres de l’Histoire. « Les Arabes nous ont opprimés, massacrés, bombardés au napalm, aux armes chimiques, déplacés, détruit nos villages (…). C 'est maintenant ou jamais que le Kurdistan doit renaître de ses cendres » et renoué avec ses traditions monarchiques affirme la princesse Sinenkham Bedirkhan. Au Kurdistan, le maison du premier souverain du Kurdistan est devenu un musée et un stèle a été érigée en sa mémoire.
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