Porté sur les fonts baptismaux en octobre 2018, le prince Vladimir Karageorgevitch vient de lancer officiellement son mouvement, le Front monarchiste. Site officiel, page Facebook, compte Instagram, communiqués divers dans la presse, le descendant de Georges Petrovitch « dit le noir » (qui a donné son nom à l’actuelle dynastie serbe/yougoslave- Karageorgevitch) ne lésine pas sur les moyens afin de faire connaître son programme à ses concitoyens.
«Mon idée est de servir le peuple serbe et non de le gouverner. J’ai toujours gardé à l’esprit ce que j’ai appris de mon père et de mes ancêtres. Une relation avec le peuple ne devrait pas ressembler à un cri militaire tel que «En avant ! » mais plutôt et toujours « suivez-moi ! » A 55 ans, le fils du prince André est un nationaliste convaincu, un amoureux de sa patrie et un fils de l’église orthodoxe. Et bien qu’il ait passé une partie de sa jeunesse au Portugal dans des conditions précaires, il va se distinguer lors du conflit qui déchire l’ancienne Yougoslavie dans la décennie 1990. La maison royale a le vent en poupe. De nombreux partis et milices armées se réclament de sa famille, les monarchistes manifestent même par centaines de milliers dans les rues de Belgrade, la capitale. C’est en octobre 1991, que ce petit-fils du roi Alexandre Ier (assassiné en 1934 à Marseille) pose enfin le pied dans son pays afin de mettre sur pied des actions humanitaires en faveur de ses concitoyens, victimes des exactions des autres groupes ethniques de la fédération. Des provinces qui prennent tour à tour les armes pour obtenir leur indépendance. Un crève-cœur pour le prince qui va être marqué à vie par ce conflit dont son pays devient peu à peu le jouet des Etats-Unis et de l’OTAN.
« Le Front monarchiste est un mouvement, non pas un parti politique ». Tout est dans la nuance pour le prince qui fustige cette « république qui a plongé la Serbie dans un état de désunion et d’instabilité sociale ». Le prince Vladimir Karageorgevitch n’a pas sa langue dans la poche lorsqu’il s’agit de critiquer ce régime qui a succédé aux communistes qui ont dirigé le pays de 1945 à 1992. Profondément patriote, le prince affirme que la « Serbie emprunte une mauvaise voie ». « Souverainisme, traditionalisme, monarchisme, protection des droits des travailleurs », son programme se découpe en quatre points. Haro sur les multinationales néo-libérales économiques et bancaires, pour le prince Vladimir Karageorgevitch, l’Union européenne (UE), le Fond monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont des « états » qui « usurpent une partie de la souveraineté et de l’indépendance de la Serbie » affirme celui qui puise étonnement quelques-unes de ses références chez Charles Maurras, le chantre de l’Action française.
En ce qui concerne les questions internationales, il n’est pas en reste. S’il a salué le Brexit, il a aussi condamné les frappes aériennes conjointes de la France et du Royaume-Uni sur la Syrie. Soutien au gouvernement du président Bashir Al Assad, une délégation de l'Ordre militaire souverain du Dragon, dont il est chef, a rencontré l’ambassadeur syrien à Belgrade, en 2018. En 2013, il n’a pas eu assez de mots pour condamner l’indépendance du Kosovo, « ce cadeau fait aux albanais » faisant (déjà) part d’une certaine méfiance à l’égard des institutions qui régissent Bruxelles. D’ailleurs dans sa carte de vœux du 6 janvier de cette année, le prince rappelle que le «Kosovo-et-Métochie a été et restera toujours serbe ». « En terme de politique étrangère et d'orientation géopolitique, le Front monarchiste s’orientera toujours vers des alliés de la Serbie non vers des alliances aventureuses et risquées avec des pays avec lesquels elle a eu un conflit ouvert par le passé» peut-on lire dans le communiqué de fondation du Front monarchiste et dont l’adhésion n’est pas exclusive.
Point d’état sans son régime légal et légitime. La monarchie a été abolie dans des conditions douteuses au lendemain de la Seconde guerre mondiale ; la Yougoslavie vendue par le Royaume-Uni de Winston Churchill à Staline en échange de l’indépendance de la Grèce. Pour Vladimir Karageorgevitch « la condition préalable fondamentale au développement de la Serbie » ne peut être que « la restauration de la monarchie sur la base d’une partie de la constitution de 1931 ». « La tradition doit prévaloir avant toute chose » martèle cet intime du patriarche Irinej, le chef de l’église orthodoxe serbe, ouvertement pro-monarchiste et à qui il a apporté son soutien dans l’affaire qui oppose la Serbie au Monténégro. « La force de la Serbie dépend de la force de notre église sans laquelle les Serbes ne survivraient pas» affirme le cousin du prince Alexandre Karageorgévitch, chef de la maison royale de Serbie.
Et avec qui il entretient des relations quelques peu compliquées.
Son but ? Rassembler autour de lui sans forcément passer par les urnes et générer un mouvement de masse qui rendrait sa vraie couronne à l’aigle bicéphale serbe, celle qui figure avec sa cape d’hermine sur les armoiries de la république serbe depuis 2004. Lié aux milieux panslaves et russes (dans ses veines coule le sang des Romanov), le prince Vladimir Karageorgévitch l’assure : « Le parlementarisme contemporain ne se préoccupe pas des questions politiques et sociales mais uniquement de celles des partis politiques qui agissent pour leurs propres intérêts. Le protecteur de la souveraineté nationale ne peut-être que le roi ».
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