«Le Grand-duc Georges Mikhailovich est arrivé en Crimée. Sa première journée a été consacrée à l’office d’une liturgie célébrée à l'église de la Sainte croix et de l’exaltation au palais de Livadia, construite sous le règne de son arrière-arrière-arrière-grand-père du prince, le Tsar Alexandre II ». C’est par ce sobre communiqué que son conseiller dans cette ancienne partie de l’Ukraine, Vladislav Pilkevich, a annoncé la visite, il y a deux jours, sur fond de patriotisme, de l’héritier au trône de la maison impériale des Romanov.
Si la presse russe a noté que le gouvernement de Kiev n’avait fait aucun commentaire sur cette visite, le bureau local du prince a tenu, quant à lui, à préciser rapidement que le prince « envisageait seulement de participer à diverses manifestations culturelles et conférence » dédiées à la présence des Romanov en Crimée. Ce n’est pas la première fois que la branche Kirillovitch est en visite officielle dans cette péninsule, objet de toutes les convoitises au cours du XIXème siècle. Rattachée à la Russie en 2014 au cours d’un référendum controversé, la Crimée a été longtemps le lieu de villégiature des Romanov qui ont fait construire sur sa côte, le palais de Livadia, à quelques kilomètres de Yalta. Peu après le déclenchement de la guerre entre loyalistes ukrainiens et séparatistes russes, le Grand-duc Georges Romanov avait déclaré qu’il soutenait le « rattachement légitime » de la Crimée à la Russie tout en affichant son soutien à la politique du président Vladimir Poutine.
Diverses milices monarchistes (comme la Légion impériale, branche armée du mouvement impérial russe [RID]) avaient d’ailleurs hissé le drapeau tsariste rejointes par une brigade de mercenaires royalistes franco-serbes, dont certains étaient membres de l’organisation le « Lys Noir ». Le président de la Crimée, lui–même, Sergey Aksyonov, avait publiquement affiché son soutien à la maison impériale en déclarant en mars 2015, que « seul un Romanov pouvait succéder au président de la Russie ». Y compris l'ancien ministre de la défense de cette république, Igor Vsevolodovich Girkin.
Conquise sous le règne de la Grande Catherine, la Crimée a été le théâtre d’une guerre entre la Russie et une coalition formée de l'Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne, entre 1853 à 1856. Dotée d’une base navale stratégique à Sébastopol, la région n’a pas échappé aux soubresauts de la révolution russe ni aux combats fratricides entre tsaristes blancs dirigés tour à tour par Anton Ivanovitch Dénikine puis Piotr Nikolaïevitch Wrangel) et les bolcheviques rouges. Depuis la proclamation de la République, le nouveau gouvernement pro-russe ne cache d’ailleurs pas son intention de réhabiliter les Romanov (ainsi, la ville de Simferopol a décidé de ré-installer les statues de Catherine II, des princes Gregori Potemkine et Vassili Dolgoroukov détruites par les communistes) et de faire de la Crimée, « une nouvelle Russie ».
Une idée souscrite par le Grand-duc Georges Romanov qui avait salué au cours d’une interview en 2013, les victoires de « la force internationale de son pays », balayant toutes critiques au sujet de l'intervention russe en Crimée avant de rappeler la légitimité du référendum organisé par une « région qui a la même culture et qui partage l'histoire de la Russie ». En avril 2018, il avait réitéré ses propos dans le journal « Methode » de l'Institut franco-russe de Donetsk, marquant cependant son inquiétude sur le développement de la situation politique en Ukraine et dénonçant « ce coup d'état permanent depuis 2014 » qui régnait dans la capitale ukrainienne. L’héritier au trône s’était également félicité de la résurgence monarchiste en Crimée, regrettant toutefois que les symboles liés au tsarisme aient été repris par des mouvements d'extrême-droites radicaux locaux.
Actuel Président du Conseil d'administration du Fonds alimentaire « Rus », chargé de venir aux russes les plus pauvres, le prince Georges Romanov a ouvert la conférence internationale « La Crimée et le destin de la dynastie des Romanov » sous la houlette de l’oligarque Konstantin Malofeev, un proche conseiller du président russe. Interrogé par la presse, le Grand-duc a « reconnu qu’il était heureux et fier de marcher dans les mêmes pas que la famille impériale ». Une famille dont certains membres avaient réussir à fuir depuis ce joyau vit20icole et balnéaire de l’empire vers l’Europe en 1917. Quelques heures auparavant, il avait inauguré une plaque en hommage au défunt tsar Nicolas II et son épouse, Alexandra de Hesse. Pour Vladislav Pilkevich, la présence de l’héritier d’une maison qui aura dirigé la Russie de 1613 à 1917, est également un message envoyé à la communauté internationale afin de leur rappeler « le rattachement historique de la Crimée à la sainte–mère patrie ». «La Crimée est à nous. C’est inscrit dans la réalité de l'histoire, la réalité de notre vie.
La Russie et la Crimée, comme l’a démontré maintes fois l'histoire, ont toujours été un seul pays. C’est avec de telles initiatives, des monuments tels que celui que nous inaugurons aujourd'hui que nous prouvons que notre histoire avec la Crimée a toujours été la même » a déclaré le prince lors de son discours, avant d’annoncer qu’un concours serait lancé afin de déterminer le dessin d’un futur monument plus imposant, dédié aux Romanov exécutés en juillet 1918. Un hommage dans le marbre dont l’inauguration est prévue en 2020. Le grand-duc Georges Romanov n’est pas le seul membre de la maison impériale a avoir visité la Crimée et reçu les honneurs du gouvernement local. En 2016, peu avant de décéder à l’âge de 90 ans, le prince Dimitri Romanov, autre prétendant au trône issu de la branche Alexandrovitch, était venu dans la région, affirmant souhaiter s’y installer.
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Publié le 23/10/2019