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Les défis du roi Charles III, le règne de tous les dangers

Depuis le 8 septembre 2022, Charles III est devenu le nouveau monarque du Royaume-Uni. Longtemps prince de Galles, le nouveau souverain ne bénéficie pas de la même aura que sa mère, la reine Elizabeth II, très populaire. De nombreux défis attendent le monarque considéré comme un personnage clivant par ses compatriotes. Un dossier complet à découvrir. 

Le 6 mai 2023, le couronnement du roi Charles III a rassemblé des centaines de milliers de personnes dans les rues de Londres, des millions devant leurs postes de télévision. Dernière monarchie sacrée d’Europe, l’institution royale britannique a su conserver tous ses rites et ses traditions à travers les siècles qui se sont écoulés. La série « The Crown » a contribué à renforcer son degré de popularité sur le vieux continent avide de savoir ce qui se passe derrière les salons feutrés de Buckingham Palace, lieu de résidence de la reine Elizabeth II durant soixante-dix ans. Un palais qui a vécu tous les drames d’une maison, celle des Windsor, que chacun s’est approprié de manière personnelle. Aimé ou détesté, raillé ou apprécié, le nouveau monarque va devoir affronter de nouveaux défis s’il souhaite passer le flambeau à la prochaine génération qui attend patiemment son tour pour ceindre la couronne de Saint-Edward. 

Un souverain anticonformiste et écologiste

Charles III est un souverain anticonformiste qui entend dépoussiérer, alléger la monarchie dont il a reçu la charge. Il a été préparé à ce rôle, ce métier toute sa vie. Constamment dans l’ombre de sa mère, il a progressivement imposé sa marque. Idéaliste, guindé, colérique, rêveur, maniaque, moderniste…, autant de traits différents qui caractérisent le fils d’Elizabeth II dont la vie ne se résume pas à ce couple à trois qu’il formait avec Lady Diana (décédée tragiquement sous le pont de l’Alma, à Paris, en 1997) et Camilla Parker Bowles (son véritable amour devenu son épouse en et aujourd’hui sa reine). En effet, s’il est bien un domaine sur lequel, le roi Charles III a su devenir incontournable aux yeux de tous, c’est celui de l’écologie dont il est devenu un porte-parole, un défenseur acharné de la cause environnementale, un des enjeux de ce siècle. Dès les années soixante-dix, le prince de Galles multiplie les discours et préconise déjà de récupérer l’eau de pluie ou du bain pour arroser les jardins taillés au centimètre près des jardins anglais.  Dans son domaine de Highgrove de 440 hectares, il a même créé une ferme entièrement biologique et un jardin qu’il ouvre au public. Charles III pose les problèmes, apporte ses solutions et écrit même aux membres du gouvernement pour tenter de les influencer. Un lobby qui lui a été d’ailleurs fortement reproché et qui ne cesse de le poursuivre encore aujourd’hui. Pourtant, c’est bien à lui que l’on doit le discours sur le réchauffement climatique prononcé par la Première ministre Margaret Thatcher en 1988 et qui sera aux manettes du premier sommet de la Terre en 1992, organisé à Rio de Janeiro. Cet amateur de fromages français a également réussi à transformer toutes les propriétés royales, les faisant passer des énergies fossiles au renouvelables malgré l’irritation de sa mère peu encline à ces changements. En 1993, il fait sortir de terre une ville considérée aujourd’hui comme la cité idéale. Il a dessiné personnellement l’architecture et coordonné les travaux d‘urbanisme de Poundbury, où la nature impose sa loi dans le plus grand respect de l’environnement. Son soutien public à l’activiste controversée Greta Thunberg n’est pas passé inaperçu auprès des jeunes générations très sensibles à son discours en faveur de la préservation de l’environnement. Un défi relevé immédiatement par cet avant-gardiste, féru de botanique, lors de son accession au trône même si son empreinte Carbonne reste encore à travailler selon ses détracteurs qui l’accusent de faire l’apologie « d’une écologie trop mainstream » et qui l’attendent désormais au tournant. 

Un monarque qui fait de l'ingérence

À 75 ans, Charles III doit encore faire ses preuves. Il a hérité d’un royaume en pleine crise politique et économique. En 8 mois de règne, il a déjà connu deux Premiers ministres. Le Parti conservateur qui dirige l’Angleterre depuis presque deux décennies fait face à des frondes internes, un essouflement, des scandales et une baisse de popularité considérable, laissant penser que les prochaines élections générales prévues en 2024 pourraient aboutir à un retour aux affaires des Travaillistes. Avec une inflation galopante, une paupérisation des Britanniques, des mouvements sociaux importants, Charles III tente de reprendre la main sur de nombreux sujets, dans un royaume qui ne s’est toujours pas remis des conséquences du Brexit (sortie par référendum du Royaume-Uni en 2016) et de la pandémie de Covid-19. Il a de fréquents rendez-vous avec son Premier ministre afin de discuter des réformes nécessaires à mettre en place afin de faire cesser cette instabilité chronique. S’il est difficile de dire vers quelle lignée politique le cœur du roi penche, on connaît son attachement à l’Europe (comme son fils aîné le prince William de Galles, leur propre généalogie faisant foi) et une prédilection pour la géopolitique. En février 2023, au cours d’un thé, il a reçu personnellement Ursula Van der Leyen, présidente de la Commission européenne, afin de discuter du nouveau protocole nord-irlandais signé entre Londres et Bruxelles, irritant au passage les Brexiters, les unionistes, les députés du Parlement qui ont critiqué cette ingérence royale. Soutien public à l’Ukraine, un état en guerre depuis un an avec son voisin russe, le roi s'est également entretenu avec le président Volodymyr Zelenski quelques jours auparavant. La « chaleureuse poignée de mains » a fait le tour des médias internationaux qui ont salué l’initiative du monarque s’affirmant « solidaires de tous ceux qui résistent à des agressions brutales ». Charles III ne fait pas mystère de ses intentions de recouvrer ses régalia, quitte pour cela de bousculer le socle constitutionnel sur lequel repose sa couronne, loin du devoir de réserve, de neutralité que s’est toujours imposée la reine Elizabeth II et de son célèbre credo, « never explain, never complain » (ne jamais s’expliquer, ne jamais se plaindre). 

Une unité devenue très fragile

L’unité du Royaume-Uni est un véritable challenge pour le roi Charles III. Si la monarchie reste solide sur son roc, soutenue par 62% des Britanniques, il est difficile d’ignorer la montée du républicanisme qui ne cesse de grimper dans l’opinion publique selon un sondage YouGov. 28% des sujets de Sa Gracieuse Majesté, notamment parmi les nouvelles générations, souhaitent l’abolition de la monarchie et son remplacement par une république. Une progression de dix points en l’espace d’une décennie et que l’on doit à Graham Smith. Le leader de Republic considère « le roi comme totalement inutile, une marionnette du gouvernement » et a lancé une violente campagne contre l’institution royale depuis des mois (il a été brièvement arrêté par la police lors de la cérémonie de couronnement après avoir tenté de la perturber). Si le mouvement demeure encore mineur en Angleterre, marginal au Pays de Galles, il est très présent en Ecosse. Le Premier ministre (anglo-pakistanais) Humza Yousa, issu des rangs du Scottish National Party (SNP), n’a pas caché lors de son entrée en fonction (28 mars 2023) qu’il entendait donner à la région sa pleine indépendance et mettre fin à la monarchie sous cinq ans. Plaidant pour un nouveau référendum, sa marge de manœuvre est pourtant assez faible. Londres refuse de mettre en place tout nouveau processus du genre arguant que celui de 2014 (par 55% de non contre 47% de oui) a entériné définitivement le choix des Ecossais de ne pas se séparer du reste du Royaume-Uni. Un ton que l’on retrouve en Irlande du Nord où les indépendantistes du Sinn Fein entendent bien se faire entendre. Grands vainqueurs de l’élection législative de 2022 (avec 29% des voix), le système électoral très complexe de cette partie de l’Irlande (restée britannique depuis la partition de 1921 et qui a connu un état de quasi-guerre civile durant trente ans) a permis aux unionistes de conserver l’exécutif. Les antagonismes entre catholiques et protestants restant très vifs, des blocages demeurent et ils sont presque la moitié à souhaiter la fin de l’institution royale, par défaut l’unification au Sud. Mais c’est dans les pays du Commonwealth, dont Charles III est encore le monarque (14 pays sur 56 que compose cette organisation), où la montée du républicanisme est la plus significative. Surfant sur la vague du wokisme qui a récemment mis à mal la monarchie, certaines nations ne cachent plus leurs velléités indépendantistes et exigent même que la royauté présente des excuses pour la période de l'esclavage (Si Charles III a exprimé par le passé « sa tristesse », Rishi Sunak a récemment annoncé que le Royaume-Uni ne ferait aucune demande de repentance sur cette période de l’Histoire). Suivant les pas de la Barbade en 2021 qui a aboli la monarchie, la Jamaïque, Antigua et Barbuda et Bélize devraient organiser des référendums sur le sujet d’ici les années à venir, gagnée par une opinion afro-caribéenne qui n’accepte plus d’être diriger par un monarque blanc, vivant loin de leurs préoccupations quotidiennes. Si la question de la royauté divise profondément l’Australie où monarchistes et républicains sont au coude à coude, le Canada fait encore figure de résistance en dépit de l’irrédentisme québécois (l’indépendance ne faisant plus recette actuellement).  Mais jusqu’à quand ? Lors du dernier sommet du Commonwealth, en pleine polémique sur les migrants (dont il s’est dit « consterné » par le vote d’une nouvelle loi d’expulsion des personnes en situation irrégulière), Charles III a pris acte des intentions de certains pays-membres et rappelé qu’il ne s’opposerait pas à leur départ de l'institution royale.

Le MegXit, une épine dans la chaussure du roi Charles III

« Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit l’adage. Souhaitant réduire à son minimum, Charles III pourrait très rapidement mettre fin à quelques privilèges et agendas royaux qui sont encore l’apanage des secondes mains de sa famille. La monarchie a été malmenée par l’affaire Andrew, du nom du frère du roi, soupçonné et accusé de viol par Virginia Giuffre, lors d’une soirée organisée dans les années 1980 par le très controversé Jeffrey Epstein. Si un accord a été trouvé entre les deux parties afin d’éviter un procès, le duc d’York, héros de la guerre des Malouines, a progressivement perdu toute possibilité de représentation de la monarchie. Encore prince Galles, avec succès, Charles III aurait fortement agi afin que son frère soit écarté de toutes fonctions, songeant même à lui retirer son duché lors de son accession avant d’y renoncer. Bien malgré elle, un dossier qui a terni l’image du règne d’Elizabeth II et qui a donné du grain à moudre aux républicains. Fils cadet du roi, le prince Henry (Harry) a brutalement quitté la maison royale avec son épouse, l’actrice Meghan Markle, en mars 2021. Un « MegXit », comme les médias ont surnommé cet événement qui a révélé les nombreuses dissensions qui règnent au sein de la famille royale sur ce sujet. Un mariage peu souhaité par tous, des accusations de racisme en raison des origines afro-américaines de la duchesse de Sussex (le titre du couple octroyé par la reine Elizabeth), un harcèlement de la part de la presse auraient contraint Harry et son épouse à quitter le sol britannique. En fond de toile, un comportement de starlette de la part de Meghan Markle jugé peu compatible avec le protocole royal, désireuse d’avoir le premier rôle, se révélant insupportable avec le personnel, une attitude désastreuse pointée du doigt par de nombreux journalistes. Un départ qui a été un synonyme de catastrophe et qui se poursuit encore. Le prince Harry (qui se défend d’être manipulé par sa femme, laquelle viserait des fonctions politiques aux États-Unis et qui reste proche du mouvement Black Lives Matter) et Meghan Markle ne cessent de régler leurs comptes avec la monarchie sans observer la moindre règle de prudence. Shows télévisés, documentaires, livre (« Le Suppléant »), le couple embarrasse le roi Charles III en lavant son linge sale en public, exigeant le beurre et l'argent du beurre. La sentence n’a pas tardé à tomber. Meghan Markle a été exclue du couronnement, confirmant que son rôle dans cette affaire semble déterminant, et Harry prié de se faire discret. À un tel point qu’il est reparti en Californie, une fois le couronnement terminé, ne se présentant pas au balcon de Buckingham Palace. Une remise en ordre des Windsor par le roi Charles III qui se concentre désormais sur son cercle restreint pour assurer l’image de la monarchie : Le prince William de Galles et son épouse, la princesse Anne et enfin le prince Edward et son épouse, respectivement duc et duchesse d’Edimbourg, meilleurs VRP d’une monarchie qui fait sa mue et enterre définitivement le règne précédent.

Loin d’être anachronique, la monarchie reste « le meilleur exemple de stabilité en des temps de division et de chaos politique » rappelle Anand Menon, le directeur de centre de réflexion UK in Changing Europe. Reste désormais au roi Charles III et à la reine Camilla (qui a pris toute la hauteur de son rôle) d’assurer sa pérennité et de répondre à tous les défis qui leur font face, aux tempêtes qui menacent l’unité du Royaume-Uni dont le nouveau monarque est le premier garant.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 26/05/2023

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