Le « Queen's consent », vrai pouvoir régalien de la reine Elizabeth II ?

Le prince Charles et la reine Elizabeth IIDepuis la fin du XIXème siècle, les monarques britanniques ne disposent que de pouvoirs essentiellement symboliques. C’est le gouvernement qui assure la bonne marche exécutive du Royaume-Uni  avec l’aide des deux chambres (Lord et des Communes) législatives du Parlement. Très régulièrement, la presse se penche sur la réelle influence qu’exercerait la reine Elizabeth II et son fils Charles, accusés de faire secrètement pression sur certaines décisions politiques afin qu’elles soient votées dans l’intérêt de la monarchie. Un « Queen’s consent » qui n’est pas du goût de tout le monde mais qui en dit long sur la réalité d’une monarchie, cette « Firme », dont on entend trop fréquemment et à tort, qu’elle « ne servirait à rien » selon ses contradicteurs.

Harold wilson et elizabeth II . Photo GettyLe « Queen’s consent » ou « Consentement de la reine » est un mécanisme quasi inconnu de la monarchie britannique représentée par un roi ou une reine dont le pouvoir en tant que chef d’état est essentiellement cérémoniel et moral. Une prérogative qui « permet à la souveraine d'être sollicitée avant qu'une loi ne soit débattue et approuvée par le Parlement et oblige les ministres à l'alerter si un projet de loi est susceptible d'affecter la couronne » nous explique le magazine « Le Point » dans une de ses récentes éditions sur le sujet. Nommant le chef du gouvernement, généralement issu du parti majoritaire sorti des urnes lors des élections législatives, c’est lui qui détient la quasi-totalité des pouvoirs régaliens et qui consulte régulièrement le souverain, lequel est aidé d’un Conseil privé qui remet un avis consultatif sur les grandes orientations qu’il souhaite voir adopter par son gouvernement. Rien n’oblige par ailleurs le Premier ministre de suivre ces préconisations royales. En théorie, rien ne permet au roi/à la reine d’Angleterre de démettre un Premier ministre mais dans les faits, les souverains britanniques sont en droit de refuser au chef du gouvernement toute dissolution du parlement ou du gouvernement s’ils jugent que cela est contraire à la stabilité de la monarchie. D’ailleurs, pour trouver un Premier ministre révoqué par un monarque, il faut remonter à 1834 quand Guillaume IV décide de renvoyer Lord Melbourne et de confier le pouvoir à Sir Robert Peel. Une décision qui sera lourde de conséquences et qui sera catastrophique pour le suivi des affaires du pays. Elizabeth II n’est, elle-même, intervenue directement qu’une seule fois en 1974 et à la demande du Premier ministre Harold Wilson à qui elle accordera le droit de dissoudre la  chambre afin qu’il puisse obtenir une plus large majorité.  Au Royaume-Uni, officiellement, le monarque a « le droit d'être consulté, le droit d'encourager et le droit de mettre en garde » comme le précise la Magna carta.

Black spider memosMais une fois, les fenêtrées de Buckingham Palace fermées, les Windsor-Mountbatten agissent-ils comme un puissant lobby dans l’ombre du pouvoir ?  C’est la question qui revient souvent dans la presse qui s’interroge sur la pression exercée par divers membres de la famille royale afin d’influer le gouvernement de « Sa Gracieuse Majesté » dans le vote de lois qui pourraient agir contre les intérêts de la monarchie. Un institution dont Elizabeth II est la gardienne séculaire depuis 1952. Début février, le quotidien « Guardian », peu connu pour son zéle monarchiste, a publié une série d’articles affirmant que la monarque avait largement outrepassé son rôle constitutionnel en forçant l’adoption de plus d’un millier de lois grâce au « Queen’s consent » . Une affaire qui n’est pas sans rappeler les « black spiders mémos » au début de 2010, ces lettres et missives envoyées par le prince de Galles aux ministres ou hommes d’affaires afin qu’ils suivent les décisions de la famille royale sur des sujets sociétaux importants qui tenaient à cœur à l’héritier de la couronne comme tels que l’écologie, l’agriculture, la modification génétique ou encore l’architecture. Des extraits de ces courriers qui avaient été publiés par le même journal aujourd’hui qui dénonce «  l’anti-démocratisme » qui règne au sein de la monarchie britannique et fait les choux gras du parti républicain de Graham Smith qui en a profité pour redemander un référendum sur l’avenir de l’institution royale.  

La reine elizabeth iiHors d’après le « Guardian » qui se base sur la « réaction sanguine de son fils dans cette affaire », la reine Elizabeth II aurait profité de ce privilège pour pousser ses différents gouvernements à faire adopter des lois favorisant la « Firme », le surnom donné à la maison royale, notamment sur des volets financiers qui toucherait directement la monarchie britannique. Dans les années 1970, la fille du roi George VI aurait fait pression pour qu’un décret passe, interdisant à quiconque de révéler la fortune de la maison royale car estimant que cela « était « trop embarrassant ». Ou encore récemment le prince de Galles qui aurait également stimulé le gouvernement à protéger ses biens immobiliers et empêcher toute tentative de rachat par ses locataires. En Australie, Elizabeth II s’est même retrouvée au cœur d’un scandale dont le gouvernement du Premier ministre Scott Morrison a eu bien du mal à se défaire. Il a fallu la publication de lettres signées par la reine pour prouver qu’elle n’avait pas été impliquée dans la décision du Gouverneur-général de limoger le gouvernement de John Kerr en 1975. Une décision qui avait par la suite plongé le pays dans une crise constitutionnelle sans précédents. Derrière ce coup monté, les républicains qui n’ont eu de cesse de jubiler tout au long de cette affaire qui a mis à mal la monarchie avant que la colère citoyenne ne finisse par retomber, une fois la bouteille décapsulée et la souveraine lavée de toutes accusations.

Prince CharlesA la suite de la publication de l’article du « Guardian », le porte-parole du palais royal est monté au créneau et a rappelé que le « Queen’s consent » était  un« processus parlementaire où le rôle de la souveraine était purement formel » réfutant les insinuations de « blocage de lois » par la reine et des soupçons qui sont « simplement incorrects ».  Même ton de parole du côté du Bureau du Cabinet qui assure que  « le consentement de la reine est une convention ancienne et une condition du processus parlementaire » ajoutant que « le consentement est systématiquement recherché par le gouvernement et accepté par le monarque comme une évidence». Une explication qui laisse cependant sous-entendre que la reine reste, quoiqu’il en soit, le chef d’état du Royaume-Uni . « Une procédure archaïque » selon le mouvement « Les Républicains » qui souhaite que cette prérogative  royale soit purement abolie. Car dans la réalité, le « Guardian » affirme que «  le consentement de la reine donne au monarque une occasion inégalée d'influencer la législation à son avantage » lui autorisant de « diriger  avec ingérence ». Un rôle constitutionnel du « never explain, never complain » que le prince Charles entend  également renforcer et réformer une fois son couronnement célébré tout en préservant  le statut apolitique inhérent à tout monarque britannique. Et une cabale qui curieusement a eu l’effet inverse recherché puisqu’il a permis à la monarchie de sortir sa sempiternelle caricature qui lui colle à la peau. Au Royaume–Uni, qu’on se le dise,  le « soft power de Queen Elizabeth II » ne coupe pas que des chrysanthèmes : « She simply rules ! » (elle règne tout simplement !).

Copyright@ Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 19/02/2021

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