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Monarchistes 2.0

IJeunes monarchistes roumainsls ont entre 18 et 35 ans, sont nés après la chute du président Nicolai Ceaucescu en décembre 1989. Ils n’ont pas connu, ou à peine, la dictature communiste instaurée en 1947 après qu’elle eut chassé le roi Michel Ier de son trône. Un souverain qu’ils ont découvert, pour la plupart, à travers des livres d’histoire. Pourtant, ils ont tous un même credo : la restauration de la monarchie en Roumanie.

Il tient à se faire appeler « Etienne », en français, s’il vous plait. A 21 ans, le jeune homme affiche une mine sérieuse, des lunettes rondes, cigarette à la main,  une écharpe nonchalamment posé sur son épaule qui lui donne une fausse allure de dandy tel un « Gatsby le magnifique » des Balkans.  Iona Epure, une journaliste qui travaille pour le « Vice » local,  a décidé de venir à la rencontre de ces jeunes monarchistes, réunis dans un bar de Bucarest, qui vouent un culte au dernier souverain de Roumanie et une admiration sans limites à son héritière, actuelle curatrice du trône, la princesse Margarita. Ils sont tous membres de l’Alliance pour la restauration de la monarchie (Alian?ei Na?ionale pentru Restaurarea Monarhiei). Il parle longuement de son icône, le roi Juan-Carlos d’Espagne, qui a restauré la démocratie en Espagne. « Un exemple à suivre » pour Etienne qui espère que la monarchie reviendra dans son pays.

Parmi le petit groupe qui s’est réuni afin de répondre  aux nombreuses questions de la journaliste, il y a Alin Valentin Borcea. Il a été élu, il y a deux mois de cela, à la tête de la présidence de la branche jeunesse de l’ANRM, plus d‘une centaine de membres. Il a 29 ans. L’année de sa naissance, le roi Michel Ier a débarqué dans la capitale. Le monarque poussé à l’exil par les communistes, pilotés par Staline, pose enfin le pied dans un pays qui ne l’a pas oublié. Le gouvernement craint, à juste titre, son aura parmi la population et notamment les étudiants qui ont ressorti les photos jaunies d’un homme considéré comme l’un des plus beaux princes de son époque. Michel sera reconduit manu militari à la frontière.

Stefan un monarchiste francophoneEn 2012, le roi est toujours cette référence à laquelle on se raccroche. Les universités se couvrent de ses portraits au plus fort de la crise politique qui frappe le pays, gangrené par des années de corruption. La Roumanie a  pourtant connu son expérience monarchiste entre 1997 et 2004 avec le Parti national paysan chrétien-démocrate (PNTCD), membre d’un gouvernement de coalition. Mais il a échoué dans sa mission et Alin Valentin Borcea regrette que ce parti (qui aujourd’hui se déchire-ndlr)  ait « gâché ici une véritable opportunité ». « La monarchie offre une stabilité » qui manque à la Roumanie dont la constitution est un mélange de celle que la France et la Belgique connaissent. « Cela ne peut pas marcher «  dit ce passionné de vélo qui voudrait bien que la question sur le retour d’une monarchie « soit enfin posée » aux roumains. Un référendum devenu l’otage des députés qui utilisent l’idée monarchique à des fins électorales.  Selon un sondage de 2018, 37% des roumains seraient favorables à ce genre de référendum mais pour autant combien voteraient sa faveur du retour d’un système qui a gouverné presque un siècle durant le pays ? Les enquêtes sur le sujet s’assemblent mais ne se ressemblent pas et fluctuent en fonction des événements politiques qui secouent la Roumanie. 46% des roumains jugent toutefois que la monarchie serait une bonne chose pour ce pays des Balkans à l’histoire tumultueuse, créée par la volonté de Napoléon III. Une admiration pour l’Hexagone que la jeunesse monarchiste roumaine ne cache pas.

A 17 ans, David ?tefan est un millenial. Pour lui, l’option monarchique s’impose d’elle–même. « Ce n’est qu’avec le temps que j’ai réalisé que quelque chose ne fonctionnait pas, en étudiant les chapitres de notre histoire. Je crois que j’ai eu ce déclic au moment où j’ai regardé ce documentaire intitulé « La bataille du roi » (R?zboiul regelui). Je me suis posé des questions sur la signification de la monarchie, j’avais à peine 13 ou 14 ans. Aujourd’hui, je cherche à convaincre mes concitoyens  d’adhérer aux valeurs que représente le système monarchique 

Chaque année, l’ARNM affronte sur le terrain de football leurs alter-égos de Serbie. David ?tefan mouille le maillot et en est pas peu fier. Lors du premier match organisé entre les deux mouvements monarchistes, la Roumanie a remporté la joute 2 à 1.

Alin valentin borcea et tudor visan miuPour Alin Valentin Borcea, la stature naturelle du roi Michel a toujours incarné l’unité du pays. Il parle avec une certaine émotion du discours prononcé par le fils de Carol II au Parlement, le 25 octobre 2011. « Il m’a tellement impressionné que sur le chemin de l’université, avec deux camarades, nous avons entonné l’hymne royal » se rappelle-t-il. C’est d’ailleurs après ce discours que l’Alliance pour la restauration de la monarchie a été créée par C?t?lin ?erban et C?t?lin Mihai, Deux ans plus tard devant l’engouement suscité par leurs premières manifestations, une branche jeunesse a été mise en place.

Le mouvement, qui soutient actuellement le candidat Georges Simion, un monarchiste, aux prochaines élections européennes, est devenu incontournable de la scène politique locale, et l’oreille du palais Elizabeth qui reçoit régulièrement ses représentants. Etienne, quant à lui, voue les qualités intellectuelles qu’un souverain possède car indubitablement « plus élevées».  Irina a 29 ans. On distingue une couronne tatouée sur son bras, à peine recouverte par une de ses manches. « Ma grand-mère possédait une photo du roi Michel, jeune en uniforme, dans un livre. Je lui ai demandé, j’avais 6 ou 7 ans, qui était donc ce monsieur sur la photo et elle m’a répondu, m’a expliqué que sous son règne, le royaume était stable,  la Moldavie (ses origines familiales-ndlr) faisait encore partie de celui-ci et que cela est devenu très compliqué par la suite » explique-t-elle. « Ce que je ne comprenais pas c’est que rien de tout cela n’était mentionné dans nos livres d’histoire. J’ai commencé à me renseigner et je suis devenu peu à peu monarchiste» renchérit-elle avec une fierté empreinte de malice.

Non loin du groupe, Tudor Vi?an-Miu. Il est dans sa pleine vingtaine, étudiant et ancien président des jeunes de l’ANRM. Ses premiers pas en politique avec cet étudiant toujours apprêté, il les a réalisés avec le mouvement monarchiste.

Souvent interviewé par les télévisions, conférencier, auteur, ses convictions n’ont d’égales que sa passion pour la monarchie. Et il parle français. Il tient à rappeler que les monarchistes, à l’instar des monarques, se doivent d’être irréprochables, intègres et répondant à un certain degré de moralité. Tudor Vi?an-Miu ne badine pas avec l’idée de la monarchie et pas question de transiger là-dessus, explique-t-il avec sérieux à la journaliste.

Mihai C?t?lin reconnait que les chances de voir le retour de la monarchie restent toutefois faibles. Non pas que l’idée ne convainc pas,  mais « n’oublions pas que les roumains n’ont jamais plébiscité la république en 1991 mais la restauration ne peut se faire politiquement avec un parlement qui acceptera de suivre ».  Et bien peu de députés se prononcent en sa faveur. En décembre 2018, un nouveau référendum affirmait que seuls 11% des roumains souhaiteraient voir un monarque à la tête de l’état. Une véritable chute alors que les chiffres caracolaient avec le plus de 30%.  Le roi Michel est mort en 2017, à 96 ans et le mouvement monarchiste a perdu son principal symbole même si la famille royale reste populaire. Autre problématique de taille, la succession au trône. Elle est désormais exclusivement féminine, le seul mâle apte à monter sur un trône, le petit-fils du roi Nicolas Medforth-Mills, a été écarté de cette succession pour des raisons obscures. Et c’est sans compter,  le statut officiel accordé à la maison royale qui a profondément divisé les monarchistes et qui fait d’elle un état dans l’état devenu une sorte de république monarchique dont tout le monde s’arrange. Des raisons qui peuvent ou pourraient  expliquer cette baisse d’adhésion à l’idée  de restauration de la monarchie.

A l’ANRM, « séminaires, conférences, manifestations, hommages, débats sur la monarchie constitutionnelle sont organisés. On ne cultive pas la nostalgie, on avance ! » affirme Tudor Vi?an-Miu, toujours aussi combattif alors que se termine l’interview. Ici, dans ce bar de la capitale, ces jeunes royalistes 2.0 espèrent plus que jamais que le dernier monarque de Roumanie ne sera pas nécessairement le « der’ des ders ».

Copyright@Frederic de Natal

*Cet entretien a été traduit, adapté à un public francophone dont la source se trouve ici en cliquant juste sur ce lien :https://pressone.ro/tinerii-monarhisti-in-romania-nu-exista-republicani-oamenilor-nu-le-convine-dar-nici-nu-vor-sa-se-schimbe/

Photos : page facebook  Alin Valentin Borcea/ Pressone

Publié le 21/05/2019

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