Le débat sur le retour de la monarchie se poursuit en Roumanie

À la tête d’une maison non-régnante, secouée par une crise dynastique depuis des années, la princesse Margareta a été invitée aux obsèques de la reine Elizabeth II aux côtés du président de la Roumanie. La montée sur le trône d’Angleterre du roi Charles III a brièvement réveillé le débat monarchique en Roumanie. Une question qui divise toujours autant le pays et dont les Roumains ne se lassent pas de débattre.

En marge des obsèques de la reine Elizabeth II, le 19 septembre 2022, l’émission Referendum a consacré son émission aux perspectives de retour de la monarchie en Roumanie et plus globalement, l’avenir de cette institution en Europe. Parmi les nombreuses personnes présentes sur le plateau de TVR Info, l’ancien député Theodor Paleologu a été invité à donner son avis sur l’idée monarchique. Une institution que ce descendant des empereurs byzantins a toujours soutenue y compris lorsqu’il s’est présenté à la dernière élection présidentielle de 2020 sous les couleurs d’un parti mineur. Dans son programme, la possibilité de soumettre la question par référendum aux Roumains, toujours très divisés sur ce sujet, et qui n’en finit pas d’alimenter chaque année les médias de ce pays des Balkans. D’ailleurs, la maison royale bénéficie d’une émission (« Ora Regeliu »), fait assez rare en Europe pour être noté, qui lui est consacrée tous les quinze jours, constellée d’images d’archives et d’interviews et qui rassemble des dizaines de milliers de Roumains devant leur écran de télévision.

« Je pense que la Roumanie aurait été mieux gouvernée sous une monarchie »

« Je pense que la Roumanie aurait été mieux gouvernée sous une monarchie. Bien sûr, elle ne  peut pas faire de miracles. Elle peut donner une direction, elle peut imposer certains repères dans la société, mais elle ne peut pas faire de miracles. Son retour dépend beaucoup de la manière dont les Roumains y adhèrent ou non. Autrement dit, c’est le peuple roumain seul qui peut décider de son retour aujourd’hui » a déclaré celui qui a été ministre de la Culture entre 2008 et 2009. Pour Theodor Paleologu, « la classe politique actuelle est le miroir de la société roumaine » et les chances de retour à la monarchie, abolie illégalement en 1947 par les Soviétiques, ne semblent toujours pas réunies. Selon le dernier sondage AvanGarde, réalisé en janvier 2018, si 46% des Roumains considèrent le système monarchique comme une « option positive » pour la Roumanie, seuls 37% d’entre eux affirment vouloir voter pour la restauration de la monarchie en cas de référendum. Un sujet très présent lors d’échéances électorales où l’on voit quantité d’hommes politiques se précipiter au Palais Elizabeth, la résidence officielle de la princesse Margareta, prétendante au trône, afin de se faire photographier à ses côtés avant d’oublier leurs vagues promesses monarchiques, une fois élus députés.

 

 

« Le retour de la monarchie est plus que souhaitable »

Adrian Mihai Cioroianu a été ministre des Affaires étrangères entre 2007 et 2008. Selon cet historien de formation, « le retour de la monarchie est plus que souhaitable » en Roumanie, toujours autant miné par la corruption. « Elle est inscrite dans notre ADN national et je reste toujours convaincu que nous n’avons aucune appétence pour la République. Les régimes républicains ne sont que des sources permanentes de divisions. Il manque un arbitre à la tête de notre pays »affirme t-il, interrogé par EVZ lors d’un podcast politique réalisé sur ce sujet, le 17 septembre 2022. Pour autant, il reste réaliste sur les perspectives de retour de la monarchie qui s’affaiblissent en raison de la crise dynastique qui perdure depuis 2015. C’est à cette date que l’ancien roi Michel Ier (1921-2017), a brutalement décidé de retirer son titre d’héritier de la couronne au prince Nicholas Medforth-Mills. « Je garde très bonne impression de la princesse Margareta , la gardienne de la Couronne, mais il est probable que les choses auraient été différentes si le roi Michel avait eu un fils « déplore cet intellectuel, rappelant que la société roumaine était encore « patriarcale et traditionaliste ». Une lignée royale devenue exclusivement féminine. Si l’héritage du roi Michel Ier est parfaitement assumé par sa fille aînée, la succession à venir risque de s’avérer difficile si le prince Nicholas n’est pas rapidement réintégré dans ses fonctions. Résidant en Roumanie, père de deux enfants (dont un garçon), son visage est loin d’être inconnu de ses compatriotes qui le considèrent plus comme un élément fédérateur que sa sœur Elisabeta-Karina de Roumanie Medforth-Mills (33 ans), en troisième position pour le trône, dont les roumains savent peu de choses et qui  maîtrise à peine la langue nationale. 

 

 

La maison royale de Roumanie, un État dans l’État

Bien qu’ils existent une multitude de mouvements et associations monarchistes, que ceux-ci aient été au gouvernement entre 1997 et 2004 grâce à des coalitions, ils ont beaucoup perdu en influence au sein de la société roumaine. Ils dispatchent désormais leurs voix au sein des différents partis politiques ayant pignon sur rue comme le Parti national-Libéral (PNL) qui compte plusieurs éminents monarchistes dans ses rangs. Très impliquée dans la défense du patrimoine national, farouchement pro-européenne, la princesse Margareta n’a pas hésité à prendre publiquement position contre la Russie à diverses reprises. Quasiment un État dans l’État, la maison royale de Roumanie reste toutefois un repère solide au sein de la société roumaine qui jouit de privilèges importants, comme celui de représenter son pays à l’étranger ou le droit de prendre la parole au Parlement. Une ambiguïté politique qui a valu à ce pays des Balkans, le surnom de « République couronnée ». Tout est dans la nuance.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 10/10/2022

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