Les royalistes polonais cherchent un prétendant au trône

Salle du trône de PologneLe 11 novembre 1918, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie signent l’acte de reddition qui met fin à la Première guerre mondiale. Le même jour, le Conseil de Régence  remet les clefs du gouvernement  au commandant Josef Pilsudski qui représente l’autorité militaire de  Pologne. Démembrée en 1795, le pays vient de reprendre son indépendance à la faveur des événements.  Chaque année, c’est une marche conservatrice et nationaliste qui inonde les rues de Varsovie. Parmi les différents partis politiques qui défilent, les partisans d’un retour à la monarchie.  Bourbon, Romanov, Habsbourg,  Czartoryski …, les royalistes polonais se cherchent désormais un prétendant alors que le pays connaît un certain regain de monarchisme.

Charles etienne de habsbourg teschen royaume de pologneDurant des siècles, la Pologne a été le jouet des grandes puissances européennes qui se sont partagées le pays à diverses reprises au cours de son histoire. Lorsqu’éclate la Première guerre mondiale, Berlin regarde du côté de Varsovie. Une fois les russes chassés de Galicie et de Lodomérie, les allemands s’installent dans le pays et lui donnent une nouvelle forme institutionnelle. Un nouveau royaume de Pologne est né et on nomme l’archiduc Charles-Etienne de Habsbourg-Teschen, la « cerise autrichienne sur le gâteau  », à sa tête. Cette monarchie de facade n'aura une durée de vie que de trois ans. L’état est instable, divisé, occupé, la monarchie manque de légitimité et finit par s’effondrer avec la défaite allemande en 1918. Les partisans de la monarchie ne vont pas baisser les bras pour autant. Durant tout l’Entre-deux-guerres, ils ont des élus au Sjem, le parlement, mais faute d’aura n’arrivent pas à percer. La Seconde guerre mondiale et le communisme seront fatals aux monarchistes comme aux grands noms de la noblesse polonaise. Il faudra attendre la chute du mur de Berlin pour que les mouvements monarchistes refassent surface et se multiplient. Avec plus ou moins de succès.

Partisans polonais de louis xxUltra-catholiques, eurosceptiques, sédévacantistes, nationalistes, anti-communistes, anti-LGBT, anti-avortements anti-systèmes, anti-sionistes…etc, les mouvements monarchistes polonais se caractérisent tous par un socle identique d’idées très conservatrices.  Le 10 octobre dernier, une petite marche a eu lieu, organisée par les membres du Polskie Ko?o Monarchistyczne (Club monarchiste polonais) et du  groupe Prawawka  rassemblant une vingtaine de personnes, réclamant le retour de la monarchie dans le pays . Ils ont ouvertement appelé de leurs vœux le prince Louis-Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou  à monter sur le trône de Pologne et de Jésus Christ. Si la vidéo et les quelques photos qui ont circulées sur les réseaux sociaux ont été largement commentées dans les cercles royalistes de France, étonnant les polonais eux-mêmes, elles posent aussi la question du prétendant au trône qui n’a jamais été clarifiée par les mouvements monarchistes. Habsbourg, Romanov, Poniatowski et autres Czartoryski, ….les royalistes polonais ont le choix du roi. Principal mouvement monarchiste, très actif, l’Organizacja Monarchistów Polskich (Organisation monarchiste polonaise) semble marquer sa préférence pour l’aîné des Bourbons, rebaptisé localement Ludwik XX,  mais reste ouvert sur d'autres prétendants. Ici on ne cache pas son admiration pour le général Franco dont le prince Louis-Alphonse de Bourbon est l’arrière-petit-fils, le carlisme, Charles Maurras ou l’Action française (AF). 

Francois louis de bourbon contiFascination pour l’Hexagone qui trouve ses origines à travers une histoire commune savamment entretenue. Le bref règne de Henri de Valois (1572-1575) sur le trône polonais a laissé des traces dans le subconscient local. La folle équipée du duc d’Anjou entouré de ses mignons, qui révulsaient les magnats de la noblesse, reste un des chapitres truculents de l’histoire monarchique polonaise. Accompagné de son lot de frustrations pour le Valois surpris de ne pas pouvoir régner seul et qui refusait d’épouser une femme décidément trop laide à ses yeux. Pourtant, la France continue de lorgner sur ce pays situé au centre de l’Europe de l’Est et Louis XIV n’hésitera pas, par deux fois, à se lancer dans l’aventure. Les princes du sang deviennent les marionnettes de la realpolitik française. En 1696, François-Louis de Bourbon-Conti est élu roi de Pologne par le parlement polonais à la majorité des voix. Un trône dont il ne voulait pas mais qui permet au roi Soleil de se débarrasser d’un rival fort encombrant. Il n’aura pas le temps de l’occuper. Le duc Fréderic-Auguste de Saxe sera plus rapide et s’en empare en décembre 1697. Puis vint le temps du roi Stanislas Ier, beau-père de Louis XV qui veut sa revanche sur le rejeton saxon. Un désastre pour le Bourbon qui finit par donner au monarque déchu le duché de Lorraine, plus à sa taille et à ses ambitions. Sur les réseaux sociaux, le prince Louis-Alphonse de Bourbon fait l’unanimité par ses prises positions politiques mais son hypothétique candidature a peu de chances d’aboutir d’autant que le concerné ne s’est jamais prononcé sur cette question. Selon un sondage de 2018, à peine 2% des polonais monarchistes souhaiteraient le voir ceindre la couronne des Piast,  la dynastie fondatrice de Pologne. En attendant, chaque année, une frange des polonais continue de commémorer avec nostalgie et fidélité la mort de Louis XVI.

Monarchistes polonais lors de la marche du 11 novembreUn Habsbourg-Lorraine ? L’idée pourrait paraitre séduisante. Les Teschen descendent de l’empereur Léopold II et vont être étroitement associés à l’histoire de la Pologne dès la seconde moitié du XIXème siècle. L’archiduc Charles –Etienne marie même  ses filles à des princes Radziwill et Czartoryski avant d’être mis sur le devant de la scène entre 1916 et 1918. Une belle pagaille dynastique. Charles Ier d’Autriche hésite à lui donner cette couronne, songeant même à se faire couronner lui-même quand les gendres de Charles-Etienne urgent l’Autriche de donner la tiare royale à un Romanov (ici le prince Michel, frère de Nicolas II). Enfin, il y a le fils cadet rebelle, Guillaume, un brin romantique avec ses amours masculins et bercé d’illusions,  qui se rêve en roi d’Ukraine. Une aventure digne des écrits de Rudyard Kipling dans « L’homme qui voulut être roi » mais qui se finira par un exil, un flirt avec les nazis et une incarcération dans les geôles soviétiques. Aucun des descendants des Teschen ne revendique la couronne mais certains monarchistes se chargent de le faire pour eux.

Stanislas ii augusteSaxe versus Napoléon.  Les Wettin sont les princes- candidats idéaux pour les polonais du mouvement Konfederacja Spiska (La Confédération Spiš). Ils sont potentiellement deux (les princes Rüdiger et Alexandre)  à pouvoir prétendre au trône et avec un certain écho parmi les médias allemands  Le duché de Saxe a donné pas moins de 3 souverains au pays dont un qui a été imposé par Napoléon Ier, sensible au désir d’indépendance des Polonais et certainement au charme et formes de la comtesse Walewska. Le fruit de leurs  amours donnera à la France un  brillant ministre des Affaires étrangères sous le Second empire. Le Grand-duché de Varsovie (1807-1815) hérite même d’un maréchal napoléonien en la personne de Joseph Poniatowski, neveu de Stanislas II Auguste, dernier de Pologne. Les descendants pourraient aisément briguer la couronne vacante. En 1916, on a même pensé à un prince Napoléon ou un descendant de maréchal pour occuper le trône au simple motif rque le nom de Bonaparte apparaît dans l’hymne de l’époque. Ce qui n’aurait assurément  pas  manqué de panache.

jeunes royalistes polonaisUn prince polonais ?  L'idée d'établir une dynastie locale sur le trône polonais a toujours eu peu de partisans. Avant de revenir sur le devant de la scène, plébiscitée par le magazine « Pro Patria » qui explique  que si « il n'y a personne qui soit le roi légitime de Pologne, l’établissement d’une dynastie purement polonaise gagnerait rapidement le soutien de la grande majorité de la nation ».  Apparentée aux Jagellons, la famille Czartoryski est la maison qui est la plus citée. D’ailleurs peu de temps avant la Seconde guerre mondiale, en 1936, une potentielle candidature fut avancée dans l’espoir de contrer les visées allemandes qui se faisaient croissantes. On a même songé à marier une des filles du maréchal Pilsudski, le héros de l’indépendance à un des Czartoryski afin de lui donner plus de légitimité. En février 2009, l'Organisation des monarchistes polonais a publié un livre rédigé par le très maurrassien professeur Jacek Bartyzel qui évoque tous ces potentiels souverains en devenir de Pologne. Le même sondage de 2018 place d’ailleurs les grands noms de l’aristocratie polonaise loin devant les Wettin ou les Habsbourg avec plus de 20% d'opinion favorable.

Les monarchistes marchent le 11 novembreDepuis quelques années, le monarchisme polonais,  jusque-là  réduit à l’état de mouvement politique minoritaire depuis sa renaissance en 1989,  connaît un certain regain qui se traduit aujourd’hui par des résultats électoraux surprenants. Y compris avec des élus au parlement sous diverses étiquettes. Oubliée la figure outrancière de l’ancien député européen et multiple candidat aux des élections présidentielles, Janusz Ryszard Korwin-Mikke, bienvenue àla Confédération de la Couronne polonaise (KKP) de Grzegorz Braun, étoile montante du monarchisme polonais. Fringuant  quinquagénaire, ce traditionaliste assumé a réussi à placer le mouvement monarchiste (allié avec d’autres mouvements nationalistes assez sulfureux) au rang de 5ème parti d’opposition. Lors des élections législatives de 2019, il a réussi à obtenir 8% des suffrages exprimés. Dans la foulée, les groupes monarchistes se sont multipliés sur les réseaux sociaux.  Le Polskie Ko?o Monarchistyczne est le dernier né de ces mouvements, dirigé par de jeunes polonais qui organisent des conférences et des rassemblements qui commencent à avoir de l’écho dans les médias. La participation en tête de manifestation organisée le 11 novembre dernier, et aux échauffourées qui ont suivies, démontre la percée des monarchistes et le changement d’état d’esprit des polonais sur cette idée, jusqu’ici jugée folklorique.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 25/11/2020

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