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Un roi pour la Pologne est recherché de toute urgence

Les crises politiques en Pologne, les divisions idéologiques ont permis au monarchisme polonais de retrouver une certaine jeunesse. Aujourd'hui, un quart des Polonais réclament le retour d'un roi sur le trône vacant des Piast.

« Un roi pour la Pologne est recherché de toute urgence ». C’est le titre paru dans la Gazeta Krakowska au lendemain de la Marche pour l’indépendance, en décembre 2021,  qui a rassemblé plus de 200 000 personnes à Varsovie, battant le drapeau national frappé de son aigle d’argent. Encensée par les uns, décriée par les autres, elle commémore avant tout le recouvrement par la Pologne de sa pleine souveraineté, après des siècles de partages du pays entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. Mais elle coïncide aussi avec la fin de la monarchie polonaise sous l’égide d’un Habsbourg. Aujourd’hui, selon un sondage très surprenant, ils sont désormais nombreux à souhaiter le retour d’un monarque sur le trône des Piast. 

Les Habsbourg, derniers souverains de Pologne

Charles-Etienne de Habsbourg-Teschen« L’indépendance de la Pologne n’est ni une chimère de poètes, ni un point dans le programme de parti–c’est un souffle d’air vivifiant, dont les poumons polonais ne peuvent pas se passer ».  Stefan Żeromski est un romancier reconnu lorsqu’il adresse une lettre à la jeunesse polonaise, l’appelant à se resouder face à l’adversité et l’adversaire. Acteur majeur de la montée des nationalismes en Europe, il est l’objet de la foudre des russes qui le pousseront à l’exil en Galicie, cette partie de la Pologne devenue autrichienne lors du premier partage du pays en 1772. C’est justement dans cette province que l’archiduc Charles-Etienne de Habsbourg-Teschen possède des propriétés. Ce membre de la cour impériale est hautement respecté et le premier à parler couramment le polonais. Lors de la Première guerre mondiale, c’est tout naturellement que les allemands avancent son nom pour occuper le trône d’une monarchie polonaise reconstituée. Un épisode de l’histoire polonaise qui divise considérablement les historiens, notamment sur la légalité de ce régime. Le 5 novembre 1916, un conseil de régence composé l'archevêque de Varsovie Aleksander Kakowski, du maire de Varsovie Zdzisław Lubomirski et du leader conservateur et magnat Józef Ostrowski. La durée de vie de cette monarchie n’excédera pas deux ans et s’écroulera avec la défaite allemande, le 11 novembre 1918. 

La Pologne, un pays qui serait encore une monarchie selon la constitution

Couronne de PolognePourtant jusqu’au bout les partisans de la monarchie ont tenté d’éviter l’inéluctable à l’institution royale en proclamant eux-mêmes l’indépendance du pays le 7 octobre 1918 et appelant l’archiduc à venir se faire couronner en dépit des objections autrichiennes. Le 3 novembre, les Légions polonaise commandée par Józef Piłsudski, se dispersent dans toute la capitale Varsovie. Une fois la ville occupée, il proclame la république qui ne sera véritablement actée que trois ans plus tard. Appartenant à la petite aristocratie locale, russophobe, il avait rejoint le gouvernement de la régence avant de s’en défaire en 1917, refusant que ses hommes soient au service d’un état « colonisé ». Il est aujourd'hui considéré comme le père de l’indépendance polonaise. Que reste-t-il alors de cette histoire monarchique tumultueuse, absolue, ducale, élective (avec la république des Deux-Nations) où diverses dynasties vont occuper un trône convoité par toutes les puissances. Y compris la France qui y placera ses princes Valois et Bourbons. Si le monarchisme polonais décline au fur et à mesure des décennies de l’Entre-deux guerres, il faut attendre la chute du mur de Berlin et du régime prosoviétique pour que l’idée refasse surface en Pologne. C’est même le premier mouvement politique à se faire enregistrer et à rappeler que la Constitution de 1791 n’a jamais été abrogée par qui que ce soit. De facto, la Pologne est encore une monarchie qui cherche son roi. 

Un quart des polonais souhaitent le retour de la monarchie 

Jozef PilsudskiMorcelés en associations et mouvements, ils se sont confondent aujourd’hui avec les idées conservatrices qui prévalent actuellement dans le pays. Ultra-catholicisme, refus de l’avortement, refus des droits aux homosexuels, nationalisme accru, peine de mort, antieuropéanisme, la quasi-majorité des monarchistes votent à droite toute. Des figures ont émergées, parfois très outrancières comme Janusz Ryszard Korwin-Mikke, parfois très sérieuses comme le député Grzegorz Michał Braun, leader de la Konfederacja Korony Polskiej (Confédération de la couronne polonaise) ouvertement monarchiste et étoile montante du conservatisme polonais. L’idée d’un retour de la monarchie séduit-elle réellement les polonais ?  En avril de cette année, le portail politique « wPolityce.p » a demandé à un institut de sondage de poser cette question aux polonais : « Souhaitez-vous voir une monarchie parlementaire en Pologne, comme en Grande-Bretagne ? ».  Sur un panel de 1070 personnes,  14% des personnes ont répondu oui, 57 % n’y étant pas favorables et 29% demeurant indécis. Parmi les polonais qui votent pour le parti actuel au pouvoir (Droite et Justice ), 18% se prononcent en faveur d’une monarchie parlementaire tout comme 11% des votants de la Coalition civique et 12% deceux qui votent pour  le parti Pologne 2050. Selon la conclusion du sondage, s’il apparait que la monarchie britannique est décrite comme un « symbole fort et porteur de valeurs », c’est le système présidentiel qui a toujours la préférence des polonais.  Jan Lech Skowera, un des leaders de la Confédération monarchiste de Spiš réfute pourtant cet argument. Selon lui, « ses compatriotes confondent monarchie et régime autoritaire car c’est la première chose qui régulièrement citée dans les débats, ses détracteurs affirmant même que la royauté est un frein à la démocratie ». « C'est encore un potentiel électoral très important, une excellente base pour créer un groupe politique qui s'assurera des sièges au parlement polonais » ajoute Jan Lech Skowera. Si certains mouvements monarchistes ont bien obtenu des élus au parlement polonais ou européen, ce n’est rarement que sous une étiquette royaliste. Il ne cache pas « que ce ne sera pas une tâche facile, tant l'activité de certains cercles monarchistes est pratiquement tombée à zéro ces dernières années ». D’autant que les monarchistes sont aussi confrontés à un autre obstacle de taille. Qui pour occuper le trône vacant ?

La maison royale de Saxe s'impose comme prétendante la plus sérieuse

Marche pour l'indépendance du 11 novembre 2021Si la maison de Saxe est regardée comme celle étant la plus légitime et la dernière à avoir véritablement régner sur le Pologne (ou du moins le Grand-duché de Varsovie créé par Napoléon Ier), il ne semble qu’aucun des candidats potentiels ne semblent vouloir s’investir. Les monarchistes parlement même « d’un plafond de verre » qui est persistant sur cette question. Ils ont sondé la famille des Poniatowski (qui a donné un roi et un maréchal à la Pologne entre le XVIIème et le XVIIIème siècle)  mais ellea fait savoir qu’elle n’était pas intéressée.  Ou encore le descendant des Bathory dont la famille a mis un de ses ancêtre sur le trône des Piast au cours du XVIème siècle. En raison de la pandémie de Covid-19, les monarchistes n’ont pu se déplacer en Transylvanie afin de lui offrir la couronne et les pourparlers ont été suspendus. Cependant hors de question de désigner un Habsbourg ou un Hohenzollern, un Bourbon tout au plus mais qui ne fait l’objet d’une préférence que par une minorité de royalistes en admiration pour la France de Maurras. « Pour le moment, nous ne sommes pas en mesure d'indiquer une famille ou une personne en particulier. On se concentre avant tout sur l'idée » préfère expliquer  Jan Lech Skowera. 

« Probablement une erreur car tout semble indiquer qu’ un candidat spécifique au trône polonais pourrait déclencher un débat autour de la question royale » comme le conclut la Gazeta Krakowska. Pour l'instant, ils devront se contenter de Jésus-Christ, proclamé roi de Pologne par un vote du parlement (Sjem) en 2016. 

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 22/06/2024

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