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Un référendum truqué

Journaux italiens au lendemain du référendumLe référendum du 2 juin 1946 qui a mis fin à la monarchie des Savoie a-t-il été truqué ? Depuis soixante-quatorze ans, la réponse à cette question reste toujours l’objet de controverses et de querelles entre historiens. Certains faits troublants jettent une ombre et des doutes sur l’intégrité d’un scrutin qui présente toutes les apparences d’une manipulation électorale et d’un coup d’état.

«Si la république est si légitime, pourquoi a-t-elle pris soin de mettre d’inclure au sein de notre constitution le fameux article 139 qui empêche sa remise en cause ?» demande-t-on, un brin narquois, à l’Union monarchique italienne (UMI). Avec 70 000 membres revendiqués, cette association est la plus importante et un des plus ancien mouvement monarchiste d’Italie né en octobre 1945, au lendemain de la fin de la seconde guerre mondiale. L’Italie panse encore les plaies de la dictature mussolinienne quand la question du futur des institutions surgit dans le pays. C’est une Italie profondément divisée qui demande des comptes. Le Comité de libération nationale, composé de partis opposés au fascisme, réclame l’abdication du roi, coupable à leurs yeux de n’avoir pas su protéger le pays de la guerre et des exactions des chemises noires de Benito Mussolini. L’Italie menace de sombrer dans la guerre civile. Le roi Victor-Emmanuel III de Savoie décide alors de se retirer dans le sud du pays et de laisser en juin 1944, la Lieutenance-générale du royaume à son fils, le prince Humbert. Commence alors la lente descente aux enfers de la dynastie de Savoie.

Slogans en faveur de la monarchie en 1946L’idée monarchique est en perte de vitesse. A 42 ans, le prince Humbert ne sait pas encore qu’il va être le dernier souverain d’un pays que sa maison a contribué à unifier lors du Risorgimento de 1861. Les gouvernements se succèdent et aux seins des différentes formations, on évoque alors la possibilité de mettre en place une république. Le 9 mai 1946, Victor Emmanuel III se décide à abdiquer. Humbert II est proclamé roi d’une Italie en pleine crise identitaire. Trois mois plutôt, il a accepté de signer un décret qui permet aux italiens de choisir la forme institutionnelle qui leur convient. Le démocrate–chrétien Alcide de Gasperi est alors premier ministre d’un royaume qui tombe en lambeaux et sous la pression des communistes et des socialistes. La date du référendum est fixée au 2 juin 1946, le scrutin sera obligatoire pour tout italien en âge de voter.Victor-Emmanuel III, Humbert II et le prince Victor-Emmanuel

Le roi est seul. Son père est parti en exil à Alexandrie, en Egypte. Certainement poussé au départ par les Alliés, heureux de se séparer de «Piccolo Ré» (le petit roi). Les mouvements monarchistes se mettent en ordre de bataille, Humbert II parcourt la campagne italienne. Les milliers d'italiens qui accourent pour voir le monarque, lui donnant une vraie-fausse impression de popularité. Sous couvert d’une amnistie, ce qui reste du fascisme italien accepte de soutenir la monarchie. Une compromission qui irrite la gauche italienne qui tire à boulets rouges sur le roi, pourtant peu coupable de collaboration avec le régime du Duce (1924-1943). D’ailleurs, elle se méfie de la reine Marie-Josée de Belgique qui n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de défendre l’institution royale et son mari. La campagne est féroce, on se bat dans les rues des grandes villes.

La fin du scrutin est émaillée d’incidents. Les résultats se font attendre. Dans le sud de l’Italie, les monarchistes font preuves d'une démonstration de force à Naples. Le 7 juin, un jeune royaliste est abattu au cours d’un affrontement entre royalistes et républicains. Il est érigé en martyr par les partisans du roi qui accusent le gouvernement de retarder la proclamation des résultats afin de les truquer. Les recours (21000) se multiplient jusqu’au 18 juin date à laquelle le gouvernement proclamera enfin la victoire de la république avec 54% des votes (12 718 641 voix) contre 46% en faveur de la monarchie (10 718 502 voix). Le fossé entre le nord et le sud est déjà marqué par cette élection. Ironie de l’histoire, c’est le sud qui avait le plus résisté au Risorgimento qui a voté majoritairement en faveur de la monarchie. Un scrutin truqué ? Il y a l’ombre d’un doute. En coulisse, c'est un autre jeu qui s'est joué.

Les monarchistes manifestentLe gouvernement italien n’a jamais su expliquer au roi pourquoi 1 500 00 certificats électoraux n’avaient pu être délivrés à temps. Soit 5.5% du corps électoral qui n’a pu déposer un bulletin. Pis, encore faut-il ajouter 8% des italiens introuvables dans le pays ou encore les dizaines de milliers de soldats emprisonnés en Union Soviétique avec leurs généraux et qui ne pourront rentrer dans leur pays, que 4 ans après la chute de la monarchie (1.2% du corps électoral). Que dire de cette rencontre entre Alcide Gasperi et le ministre de la maison royale, Falcone Lucifero, où le premier apprend au second la victoire de la monarchie ? Avant de subitement revenir sur l’information le soir même et d’annoncer au roi Humbert II que le vote en faveur de la république a largement dépassé celui de la monarchie. Un revirement de situation qui créé alors une panique au sein de la maison royale.  Un coup d’état ?  Le journal «Corriere della Sera titre déjà au matin du 5 juin que la monarchie a été abolie, sans même que les résultats aient été certifiés. Au palais du Quirinal, Humbert II demande à son épouse de quitter le pays avec ses enfants. Les monarchistes tentent de convaincre le souverain de rejoindre le Sud et d’organiser la résistance. Humbert II refuse et déclare qu’il ne «veut pas d’un trône tâché de sang».

carte des résultats du référendum de 1946Le 12 juin, Falcone Lucifero remet à De Gasperi un courrier du roi qui confirme qu’il respectera la décision du peuple italien et qu’il accepte de quitter le royaume. Depuis quelques heures, le gouvernement a décidé de transférer l’intégralité des pouvoirs au premier ministre, acculant Humbert II. Le lendemain, à 15 heures, il reçoit les honneurs militaires et s’envole alors pour le Portugal, vers un exil sans retour. Dans son dernier discours lu à la nation peu avant son départ, les paroles du roi ne trompent personne. Le référendum a été truqué : «En dépit des informations transmises sur la base de résultats partiels et provisoires donnés par la Cour Suprême, de ses objections à attendre un avis sur tous les recours orévu au plus tard le 18 juin et face au refus de la majorité de revoir sa manière de calcul des votes, j’ai  précisé hier que mon devoir de roi était pourtant d’attendre les conclusions de la Cour de cassation afin de savoir si les résultats qui affirment que le choix des italiens s’est porté sur une forme institutionnelle républicaine étaient bien conformes.  Mais soudainement, cette nuit, au mépris des lois et du pouvoir judiciaire indépendant et souverain, le gouvernement a fait un geste révolutionnaire, assumant, par un acte unilatéral et arbitraire, des pouvoirs qui ne lui sont pas dus, provoquant des effusions de sang ou des violences. Ne voulant pas opposer la force aux abus, ni me rendre complice de l'illégalité que le gouvernement a commise, je quitte le sol de mon pays, dans l'espoir d'éviter un nouveau deuil et une nouvelle douleur aux Italiens (…)».

«Les membres et les descendants de la maison de Savoie ne sont pas électeurs et ne peuvent occuper ni fonctions publiques ni charges électives. L'entrée et le séjour sur le territoire national sont interdits aux anciens rois de la maison de Savoie, à leurs épouses et à leurs descendants mâles» A peine installée, la République s’empresse de sécuriser ses institutions en votant une interdiction de remise en cause et une loi d’exil de la maison royale qui ne prendra fin qu’en 2003. Aux élections constituantes suivantes, les monarchistes n’obtiendront que 16 sièges au parlement. «Roi de mai», Humbert II restera digne toute sa vie et jusqu’à sa mort en 1986. Il avait voté blanc lors du référendum.

Depuis 74 ans , la république italienne ne cesse de montrer des signes d'instabiltés parlementaire avec en moyenne quasiment un gouvernement par an.  l'UMI réclame toujours l'abrgogation de «l'article de la honte». En vain.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 02/06/2020

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