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Umberto II, le dernier roi d'Italie

Dernier souverain d’Italie, le roi Umberto II s’est éteint le 17 mars 1983. Il repose actuellement à l’abbaye de Hautecombe aux côtés de nombreux comtes et ducs de la maison de Savoie. Pour le 40e anniversaire de son décès, Monarchies et Dynasties.com revient sur le parcours de ce monarque que les affres de l’Histoire ont chassé de son trône en juin 1946. 

Lorsque le prince Umberto pousse ses premiers cris le 15 septembre 1904, au château de Racconigi, il est loin de se douter qu’il tient déjà entre ses mains le sceau qui va bientôt sceller le sort de la monarchie italienne. La maison de Savoie est aussi millénaire que celle des Capétiens. Seigneurs du Saint-Empire Romain germanique, cette dynastie est successivement érigée en comté puis en duché. A la tête d’un territoire stratégique, allant de Genève à Nice en passant par Chambéry, le duché de Savoie va même fournir un pontife en la personne du comte Amédée VIII (1483- 1451) devenu par la volonté de quelques cardinaux, l’antipape Félix V. Réformateur, militaire de talent, pieux, il est le personnage central d’une dynastie qui va accéder à la royauté au cours du XVIIIe siècle.La maison de Savoie va entrer de plein pied dans l’histoire de l’Italie en achevant son unité, entre 1859 et 1861, au prix de quelques conquêtes et référendums controversés.  

Le duc Amédée VIII et son duché @wikicommons

Un prince héritier, don du ciel

Sa naissance est un don du ciel. Pour ses parents, c'est la fin des craintes du roi Victor-Emmanel III de voir passer les droits de sa maison à celle de la branche cadette, les Savoie-Aoste. Lui et la reine Hélène du Monténégro ne cachent pas leur joie. Le souverain fait même un don d’un million de Lires à la caisse nationale de retraite pour l’invalidité et la vieillesse des travailleurs. Même si elle est rendue publique, ce n’est pas le prince héritier qui retiendra pourtant l’attention des médias mais plutôt celle d’une grève historique qui va durer cinq jours. On pense à le titrer prince de Rome. La reine Margherita, veuve du roi Umberto I, assassiné par un anarchiste quatre plus tôt, va s’y opposer. Elle craint que le Vatican n’y voie là qu’une provocation à l’heure où la monarchie a besoin du soutien du Saint-Siège. Il sera finalement nommé prince de Piémont. Son baptême en décembre suivant est l’occasion pour les maisons royales d’Europe de se réunir. Ses parrains, le Kaiser Guillaume II d’Allemagne et le roi Edouard VII d’Angleterre. Le jeune garçon va grandir, protégé par l’affection d’une mère qui n’a d’yeux que pour lui, « une femme aux goûts extrêmement simples et chaleureux, douce et sensible » et un père timide, réservé, sérieux, qui fuit les mondanités, que les Italiens surnomment « Piccolo Re » (le petit roi) en raison de sa taille : 1m 57. 

La maison royale de Savoie à la naissance du roi Umberto II @musée national du Monténégro

La monarchie italienne à l'épreuve du fascisme 

Si l’Italie connaît une forte croissance dans la première décennie des années 1900, à la fin de Première Guerre mondiale, la botte de l’Europe est en proie à une violente poussée de nationalisme sur fond de crise sociale, politique et économique. La monarchie est endettée et doit faire face à une contestation qui va permettre l’émergence du parti fasciste de Benito Mussolini. Très rapidement, le prince Umberto est plongé dans cette tourmente qui agite l’institution royale. Il reçoit parallèlement une éducation militaire qui ne lui laissera pas un souvenir des plus exalté. « Je pense moi-même avoir donné le signe que je n'aimais pas le poids de cette tradition. Personne ne m’a vraiment demandé mon avis ni songé de faire de moi un bon homme de science ou un juriste. Les Savoie étaient des rois-soldats et se préparaient à ce sort depuis leur enfance » expliquera bien plus tard le futur roi d’Italie. Il grandit, entouré d’une armée de précepteurs, dans la solitude, l’enfermement du devoir. Il poursuit ses études à l’école militaire de Rome de 1918 à 1921 et en sort avec le grade de général.

Un mariage royal sous le regard du fascisme @wikicommons

Un mariage royal sous le regard du Duce Mussolini

La marche de Rome (1922) porte au pouvoir Mussolini pour lequel le prince héritier n’a aucune sympathie. Victor-Emmanuel III a refusé de faire donner la troupe, craignant que le pays ne se divise et s’embrase. Une attitude qui va contraindre le souverain à s’accommoder du Duce, un homme qu’il n’apprécie pas plus. La situation politique se crispe, le régime fasciste prend le dessus sur la monarchie constitutionnelle. Les opposants, parfois des partisans de la monarchie, sont pourchassés par les Chemises noires qui ont phagocyté tout l’appareil administratif. La presse s’incline et se garde bien de critiquer le nouvel homme fort, la bourgeoisie applaudit avant de déchanter quelques mois après lorsque le leader fasciste truque les élections pour s’arroger une majorité écrasante. Progressivement, Victor Emmanuel III est écarté du pouvoir sans que celui-ci ne puisse stopper la furia fasciste. Temps pourtant pour Umberto de se marier. Ses yeux se sont posés sur la princesse Marie José de Belgique, la fille du roi Albert Ier. Des fiançailles conformes au statut Albertin qui impose des mariages égaux aux princes héritiers et qui vont être marquées par un événement. En octobre 1929, alors qu’il dépose une gerbe devant la tombe du soldat inconnu à Bruxelles, un étudiant antifasciste tente de l’assassiner. 

Le roi Victor-Emmanuel III (deuxième à gauche ) au parlement avec le prince Umberto (premier a gauche )

Un couple héritier qui s'oppose aux fascistes

Loin de la politique, Umberto et Marie-José convolent en justes noces au palais du Quirinal. C’est un vrai mariage d’amour en dépit des caractères opposés du prince et de la princesse qui est très indépendante, parfois même irrite la noblesse turinoise. La ville où le couple s’est installé. La nouvelle princesse remplit ses devoirs, découvre l’envers du décor. Les fascistes n’apprécient pas le prince et tentent de le déstabiliser. La police politique (OVRA) surveille le fils du roi, monte des dossiers sur lui, répandant des rumeurs malveillantes sur sa vie privée. Tantôt, il collectionne les femmes, tantôt les hommes, tous antifascistes naturellement. Face aux cabales, le roi Victor-Emmanuel III demande à son fils d’aller emménager à Naples, ancienne capitale du royaume des Deux-Siciles, lui organise un voyage dans les colonies d’Afrique du Nord (1935).  Lorsque le Duce organise l’invasion de l’Éthiopie, le roi propose à son fils d’aller gagner ses galons sur le front. Les fascistes ne veulent pas entendre parler du prince héritier. Il restera confiné en Italie, assistant au rapprochement entre Mussolini et le chancelier allemand Adolf Hitler. Le couple est horrifié par cette politique. Marie-José de Belgique déteste autant le Duce que le Führer et n’hésite pas à le faire savoir. Tout au plus, le premier est « un bouffon », le second « un porc », leurs affidés avec. Umberto songe-t-il à organiser un coup d’État ? C’est certain ! Bien que la maison royale de Savoie soit divisée sur son adhésion et son rejet au fascisme. L’Europe est au bord de la guerre mondiale. Le Duce a abandonné son soutien au plan de restauration des Habsbourg, laissant Hitler avancer dans ses plans de conquête du continent. 

Mussolini et Umberto II face à face

Les lois raciales, une tache indélébile sur le blason de Savoie

Les ambitions territoriales du Duce (l’Italie occupe une partie de la Yougoslavie, l’Albanie, le sud de la France) vont heurter la sensibilité du prince de Piémont dont Mussolini ne veut pas entendre parler. Les rumeurs évoquent même une possible destitution du monarque par le Duce et son remplacement par son cousin, le duc Amedeo d’Aoste. Mussolini ne tarit pas d’éloges sur le chef de la branche cadette, pompeusement désigné vice-roi d’Éthiopie. Une menace que Mussolini va faire planer sur le roi Victor-Emmanuel III quand celui-ci rechigne à signer la loi raciale de 1938 qui ne reconnaît plus de citoyenneté aux juifs italiens Le Duce a été mis sous pression par son allié nazi. Le monarque est ulcéré par cette demande qui va à l’encontre de ses convictions, dans un pays où un tel distinguo n’a jamais été fait et où le fascisme même ne prône pas la solution finale. Contraint de signer la loi, elle va rester comme une tache indélébile sur la maison de Savoie. Umberto et Marie-José ont pris contact avec les résistants au régime et avec les opposants. Le prince héritier comprend que le régime ne tiendra pas longtemps et pourrait avaler la monarchie dans sa chute. En 1943, la situation se tend en Italie. Un complot s’organise dans lequel est impliqué le prince héritier. Victor-Emmanuel III tente de calmer les ardeurs de son fils. En vain. Le débarquement des Alliés en Sicile va précipiter la chute de Mussolini qui est arrêté en juillet. Berlin s’agace de la situation, menace de faire enlever le prince Victor-Emmanuel (né en 1937), fils du prince Umberto. La famille royale quitte Rome. Le Duce est libéré par les Allemands et s’empresse de proclamer une république «  dite de Salo », un état fantoche contrôlé par les nazis et qui sera le chant du cygne du trublion fasciste. 

Le chant du cygne de la monarchie

Pour la monarchie, c’est le début de la fin. Victor-Emmanuel III a confié la lieutenance-générale du royaume à son fils Umberto qui se retrouve désormais aux portes d’un trône endeuillé par la mort de la princesse Mafalda, la sœur du prince héritier, dans un camp de concentration. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout va très vite s’accélérer. En mai 1946, Victor-Emmanuel III décide de remettre la couronne entre les mains de son fils. Il faut sauver le « soldat monarchie ». Les partis de la gauche italienne crient au scandale, parlent de « décision grotesque ». La question du régime est sur toutes les lèvres. Le Parti communiste est une force politique en progression, les chrétiens démocrates se divisent sur le sujet monarchique, l’Action catholique ne peut promettre que ses millions d’adhérents suivront un vote en faveur de la monarchie, Car l’idée des conseillers du roi Umberto II est d’organiser un référendum qui confirmera la volonté des Italiens de conserver la monarchie. Ce sera un désastre (54% à la république face à 45% pour la monarchie). Le scrutin demeure entaché par diverses irrégularités qui vont rapidement mettre à mal l’institution royale. Le 2 juin 1946, la République est très vite proclamée. Umberto II ne veut pas faire couler le sang alors que les affrontements entre monarchistes et républicains se multiplient. Il décide de quitter l’Italie vers le Portugal. Il pense que l’exil sera court, il ne reverra jamais son pays.Une fois la République installée, elle se presse de faire voter une loi qui interdit aux Savoie de séjourner en Italie et une autre qui interdit de la remettre en question. 

Une maison royale en exil 

Les monarchistes vont se réorganiser. En 1948, 14 députés monarchistes siègent à l’Assemblée nationale. Bien peu pour renverser la situation mais suffisamment pour s’imposer dans le débat électoral. Tant est bien que le nombre d’élus se voit multiplier par deux aux élections en 1953. Puis de s’effondrer cinq ans plus tard. Umberto II est très investi politiquement. Il reçoit ses partisans à Cascais et participe aux rassemblements monarchistes. Au sein de son couple, des dissensions ont éclaté et la reine Marie-José est partie vivre en Suisse avec son fils, laissant ses 3 filles à la garde du « roi de mai ».  Le monarque va devoir bientôt gérer deux fronts, les affaires d'un fils  caractériel aux prises avec la justice et ses amourettes qui mettent à mal le statut Albertin et une tumeur qui lui a été détectée. Une maladie qui va le contraindre à subir plusieurs opérations. Affaibli, le roi Umberto décède en le 17 mars 1983, laissant derrière lui le bilan contrasté de la monarchie, le début d'une querelle dynastique et le souvenir d’un homme empreint de justice, incarnant le principe monarchique. Toutes les maisons royales d’Europe assisteront à ses obsèques qui drainent des milliers de personnes. Son souvenir demeure toujours 40 ans après.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 19/03/2023

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