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Le mystère Farnèse a enfin livré tous ses secrets !

cercueil du prince Alexandre Farnèse. Photo Marco VasiniAlexandre Farnèse est-il mort naturellement ou a-t-il été empoisonné ? Célèbre prince de la Renaissance, ce duc de Parme a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’Europe. Reposant dans la cité dont il a eu la charge durant des années, ses restes ont été exhumés en 2020 afin de répondre à cette question qui divise les historiens depuis décennies. La science a finalement rendu son verdict et Alexandre Farnèse a pu regagner son tombeau sous l’œil de son descendant et lointain héritier, le prince Charles-Xavier de Bourbon-Parme. 

Alexandre FarnèseChefs militaires, Papes, Gonfaloniers du Saint-Siège, ducs de Castro, de Parme et de Plaisance, le nom des Farnese rime avec puissance, intrigue et fortune. Ils demeurent indissociables de l’histoire italienne de la Renaissance. Parmi tous les illustres princes de cette famille originaire de l’ancien Latium romain, Alexandre. Fils d’Octave Farnèse et petit-fils du Pape Paul III, lequel ne fut pas infaillible au sexe féminin, il compte parmi ses grands-parents, l’empereur Charles Quint lui-même. Fasciné par les arts militaires, enfant précoce qui sera sera l’otage de la cour d’Espagne aux  « Pays-Bas espagnols », future Belgique en devenir,  il excellera tout au long de sa vie dans les lettres, la diplomatie et dans l’art de la guerre. Impitoyable chef de guerre, sa mort brutale à l’âge de 47 ans, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1592, va susciter toutes les interrogations durant des siècles.  

Si officiellement, Alexandre Farnèse est décédé d’une pneumonie contractée lors de sa campagne des Pays-Bas, pour beaucoup d’historiens italiens, le duc de Parme a été la victime malheureuse d’un complot. Pour appuyer leur thèse, ils se basent sur des documents contemporains au duc et affirment que « bien qu’il souffrît régulièrement d’épuisement et maux divers, ces seuls symptômes n’auraient pas suffi à l'envoyer ad patres ».  Décision a donc été prise de l’exhumer de son tombeau en janvier 2020 afin de résoudre ce mystère passionnant qui nous plonge dans les arcanes de la Renaissance « Nous allons chercher des traces de poison sur ses os ou dans les restes des vêtements » qui entourent son corps [momifiés-ndlr] avait alors déclaré la romancière Anna Zaniboni Mattioli au journal «Telgraph ». L'historienne qui a aussi révélé que les moyens mis à la disposition des chercheurs étaient importants: Analyse des tissus corporels pratiquée par des experts médico-légaux d'une unité spécialisée de la police italienne des Carabinieri  aidés par des pathologistes d'un hôpital du nord de la ville ont été au menu de cette étude. 

Les princes Jaime et Carlos Javier de Bourbon-Parme. Photo Marco VasiniFin, racé à la fine barbe, Alexandre attire tous les regards et les envies. L’Espagne oppose une fin de non-recevoir aux projets matrimoniaux d’Octave qui tente de le marier à une fille Médicis ou Este. De son côté,  sa mère, Marguerite de Parme, dont on suspecte une passion cachée pour les femmes tant elle refusa d’honorer longtemps la couche du duc, renverra aux calendes grecques l’offre du roi Philippe II de marier Alexandre à une de ses filles, de peur qu’il ne tombe sous l’influence des Habsbourg. Finalement ce sera une princesse portugaise, petite-fille du roi Manuel Ier. Les Farnèse entrent de plein pied dans le monde fermé du Gotha européen grâce à ce jeu d’alliances politiques (1556). Le jeune homme s’ennuie. Le déclenchement d’un conflit avec les Turcs ottomans, l’appel à la sainte Ligue par le Pape Pie V, sera l’occasion pour Alexandre de sortir l’épée de son fourreau. Lépante sera son heure de gloire (1571). 

Armoiries des FarnèseMais alors qui aurait eu intérêt à tuer le condottiere ? Pour Anna Zaniboni Mattioli aucun doute, l’affaire est entendue : « Il avait beaucoup d'ennemis. Ses succès militaires ont provoqué beaucoup de jalousie parmi les autres commandants » affirme-t-elle. Quand même bien, la thèse de l’empoisonnement serait accréditée, il sera difficile de déterminer l’assassin. Et en guise de suspect tout désigné pour les historiens, le roi Philippe II d’Espagne lui-même. « Farnèse était devenu une figure très gênante pour le roi, qui prévoyait de se débarrasser de lui parce qu'il était devenu trop puissant » prétend Anna Zaniboni Mattioli qui rappelle que le prince était opposé à l’idée d’invasion de l’Angleterre par l’invincible Armada. « Même si les experts trouvent des traces de poison, cela ne leur dira pas qui a tué le duc, Il n'y a pas de signature sur le poison » admet-elle. Mais Philippe II n’est pas le seul suspect dans cette affaire. La mort de son épouse le ramène de Parme aux Pays-Bas espagnols. Un voyage sans retour qui le précipite en pleine guerre de religion et d’ambition des Valois. En face de lui, le prince François de Valois, dernier fils de Catherine de Médicis. Le duc d’Anjou a été nommé souverain de l’état des Pays-Bas (1579-1584) qu’il doit protéger et des Nassau, cette dynastie protestante qui s’oppose aux Habsbourg. Alexandre Farnèse est un modéré qui agace les ultra-catholiques français. Il va devenir le symbole de la réconciliation et en mai 1579, les deux partis en présence conviennent à Arras de le reconnaître comme seul gouverneur. Il enchaîne les succès, récupère même le duché de son père et se prend le luxe de libérer Paris assiégé en 1590 par le futur Henri IV. Une telle gloire ne peut que lui attirer que de nombreuses animosités. Les cabales se multiplient avec succès puisqu’il va bientôt perdre sa charge de gouverneur, dernier épisode d’un roman aux multiples rebondissements. 

Les résultats des analyses sont finalement tombées mettant un terme au mystère. En dépit des affirmations d’Anna Zaniboni Mattioli, l’équipe scientifique en charge de cette étude a annoncé qu’elle n’avait trouvé aucune trace d’empoisonnement et que le duc de Parme était bien et probablement décédé d’une pneumonie. « Alexandre mangeait des aliments durs et insuffisamment cuits, typiques de ceux que l’on pouvait trouver sur des champs de bataille » ajoute le professeur Marianna Peracchia, tandis que sa femme « mangeait trop de sucré et souffrait de caries profondes » précise le professeur Marianna Peracchia qui confirme les conclusions du rapport rendu par le professeur Rossana Cecchi de l'université de Parme.

Inhumation d'Alexandre Farnèse Photo Marco VasiniLa maison Farnèse s’étant éteinte au cours du XVIIIème siècle, le duché de Parme est passé entre les mains des Bourbon jusqu’au Risorgimento qui a mis fin au règne de cette dynastie dans cette partie de l’Italie. C’est donc le prince Charles-Xavier de Bourbon-Parme, actuel  duc titulaire de Parme qui a assisté aux côtés de son frère Jaime (Jacques) à la seconde inhumation des restes d’Alexandre Farnèse dans la crypte de l’église de Santa Maria della Steccata. Organisée par l'Ordre Constantinien de Saint-Georges, la cérémonie a été présidée par Mgr Enrico Solmi. Ironie de l’histoire, les Bourbon-Parme descendent également des Nassau, les ennemis d’Alexandre Farnèse. « Nous sommes issus des deux côtés » s’est amusé à dire le prince Jaime. vendredi dernier, l'urne contenant la dépouille de la princesse Marie-Thérèse de Bourbon-Parme a également été inhumée dans la même crypte sous la basilique. Elle est décédée l'année dernière à Paris et repose près de la tombe de son frère le prince Charles-Hugues, décédé en 2010, le père des deux princes.

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Date de dernière mise à jour : 02/09/2021

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