Sorti en 1995, « Brian Boru » est le dix-huitième album du chanteur breton engagé Alan Stivell. La France redécouvre alors la vie de ce roi du XIème siècle qui acheva l’unité de l’Irlande. Harpes, cornemuses, binious, guitares, tout a été mis en scène afin de nous transporter sur les terres du château de Dromoland. C’est ici que se promènait parfois celui qui aurait pu être un des héritiers au trône d’Irlande, le baron Conor Myles John O'Brien.
La bâtisse néo-gothique semble sortir tout droit de la série à succès Downton Abbey. Dans le comté de Clare, au bord de l’océan Atlantique, elle impose et rappelle aux irlandais (du Sud) l’importance de leur histoire. Le baron Conor Myles John O'Brien n’habite plus le château qui a abrité des générations d’O Brien durant des siècles. Il a choisi de le vendre en 1962 afin que celui-ci soit transformé en hôtel de luxe. De son vivant, Lord Inchiquin, comme on l’a toujours appelé respectueusement, gardera la minceur de sa jeunesse, enfermé dans un impécable costume complet. Dans la rue, rien ne laisse penser que cet aristocrate avait siégé au conseil des chefs gaëliques qu’il a présidé « for a while », un temps. Son clan compte pas moins de 250 000 membres à travers le monde et son arbre généalogique compte parmi les plus illustres de la république d’Irlande (Eire). A commencer par Brian Boru, le premier de ses ancêtres qui fait de sa famille, une potentielle héritière au trône si un jour son pays décidait de se choisir un monarque.
L'Irlande, pays de légendes
« Ard Rí Érenn des Irlandais d'Irlande des Étrangers et des Bretons », Haut-roi d’Irlande, Brian Boru est un de ces souverains où se confondent la légende et la grande histoire. Militaire de talent, bien qu’il n’ait jamais réellement participé à d’importantes batailles rangées, il va progressivement imposer son pouvoir sur toute l’île alors que celui des souverains de Munster commence à s’affaiblir. Aucune nation, même alliée aux Vikings, n’arrive à stopper l’avancée de ce roi à la chevelure et la barbe rousse. Il se proclame même « imperator scottorum » que l’on pourrait traduire par le titre d’empereur d’Irlande. Le seul à avoir porté ce titre jusqu’ici. Sa mort est aussi romanesque que sa vie ne fut que gloire et combats. Commencée avec une épée à la main, c’est une autre qui lui ravit la vie en 1014. Sa maison règne jusqu’en 1194, victime d’assassinats en tout genre ou de rébellions familiales trop fréquentes pour que le royaume de Munster survive à son fondateur. En 1194, Domnall Mor meurt, presque dépossédé de ses pouvoirs régaliens au profit des anglo –normands du Plantagenêt Henri II dont les troupes ravagent l’île.
La maison royale des O’Brien, étendard du nationalisme irlandais
La maison royale des O’Brien conserve un pouvoir tout théorique avant de se rabattre sur Thomonde, la partie nord de Munster, érigé en monarchie élective et héréditaire. Le dernier royaume qui entend résister aux anglo-normands. L’île, divisée entre pro et anti Plantagenêt, sombre naturellement, en 1264, dans la guerre civile. Le roi Conchobar O’Brien est choisi pour mener le flambeau de la révolte, quand même bien ce n’est pas lui, mais un O’Neill (dont le descendant dirige aujourd’hui les clans irlandais), qui est choisi comme nouveau « Ard Rí Érenn ». Quatre ans plus tard, il tombe dans un guet-apens avec une partie de sa famille qui est massacrée. L’Irlande est un vaste « Game of thrones » qui profite aux rois anglo-normands et qui va s’accentuer au XIVème siècle avec l’intrusion des Ecossais. D’assassinats en guerres de succession, c’est en juillet 1543 que la couronne anglaise finit par mettre fin à cette monarchie. Le roi Murrough O'Brien accepte de prêter un hommage à son alter égo Henri VIII qui en fait immédiatement un membre de son conseil privé avec titres de noblesse. Elle devait jamais abandonner son serment de fidélité y compris durant la guerre civile où elle se rangera aux côtés de Charles Ier Stuart.
Une dynastie devenue fidèle sujet de Sa Gracieuse Majesté
Puis vint les temps de la politique, l’engagement dans la vie parlementaire notamment avec William McWilliam O'Brien, 4ème comte d'Inchiquin (1700- 1777) ou encore avec Lucius William O'Brien (1864-1929), prince de Thomond qui fut un des derniers sénateurs élus peu avant l’accès à l’indépendance du Sud de l’Irlande en 1922. La nouvelle république ne reconnaît plus les titres portés par les O’Brien mais ceux-ci décident de demeurer dans leur patrie. Le baron Conor Myles John O'Brien descend directement de tous ces hauts personnages en couleur. Et pourtant c’est en Afrique, au gré des nominations de son oncle, que le jeune Conor va s’évader. Point de trolls ou de leprechauns autour de son berceau mais des girafes, des éléphants dont il ne lasse pas d’écouter les histoires racontées par cet oncle. Brillant militaire et géologue, Phaedrig Lucius Ambrose O'Brien (1900- 1982) a été muté en Rhodésie du Nord (Zambie) avant de revenir en Angleterre. Car même avec du sang irlandais, la maison des O’Brien reste attachée aux Windsor. En 1902, sa famille avait été invitée au couronnement du roi Edouard VII, manteaux d’hermines et couronnes sur la tête, le blason aux léopards jaunes sur fond rouge avaient éclairé Westminster de mille feux. Comme le tempérament d’une de ses ancêtres, Marie, dont le mari, portant le prénom de l’actuel baron, fut tué par Cromwell. Voulant éviter que son fils subisse le même sort, elle s’empresse d’épouser le premier officier anglais qui meurt assez rapidement. La légende raconte que lors d’une dispute entre les deux époux, l’anglais ayant eu des propos méprisants envers son prédécesseur, Marie mit un coup bien placé dans son entrejambe, le faisant passer de vie à trépas.
Un prétendant qui ne prétend pas à la couronne d'Irlande
Entre Irlande et Grande-Bretagne, Conor O'Brien a vécu la jeunesse dorée d’un jeune baron en devenir qui succède un jour à cet oncle héroïque, morts sans enfants. Il racontait ses anecdotes avec nostalgie comme cette fois, où son père le surpris de manière scabreuse en train de lire le sulfureux « L’amant de lady Chatterley » de David Herbert Lawrence. La pudibonderie n’étouffe pas cet ancien élève d’Eton, cette école qui a vu passer tant de nobles du Royaume –Uni et de princes royaux. Une brève carrière militaire, il se reconvertit dans l’agriculture, sur la terre de ses ancêtres. Un trône ? Non, il n’y a jamais pensé pas et quel intérêt aurait-il eu à le demander ? D’ailleurs, il a vendu le château familial pour garder une partie de ses terres et fondé en 1998 l’association de charité O’Brien Clan Foundation. C’est un passionné d’histoire, un chasseur de cerfs hors-pai. En Irlande, on cultive la fierté nationale à travers l’art de vivre de l’aristocratie. Marié à une catholique, il a toujours dit qu’il ferait de ses fils, des protestants afin de promouvoir « cette mixité religieuse qui devient facilement réalisable en Irlande, qui le sera un jour en Ulster », en Irlande du Nord. Il n’a eu finalement que deux filles, nées en 1989 et en 1991.
En 2014, il a fait réaliser la couronne de son ancêtre, Brian Boru, dont il espèrait un jour qu’elle pourrait reposer dans la salle du trône du château de Dublin. Tout un symbole pour Conor O'Brien qui s’étaitt mis en tête de jouer les « Indiana Jones » afin de retrouver la couronne originale de son ancêtre qui dormirait, parait-il, dans les salles secrètes du Saint-Siège. Mais cela reste encore une autre histoire dont seul le Vatican à la réponse. En juin 2023, cet ultime prétendant à la couronne d'Irlande a rendu son dernier soupir, âgé de 79 ans. C'est son cousin, Conor John Anthony O'Brien, qui est l'actuel titulaire du titre. La maison ne revendique plus rien aujourd'hui.
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