Un roi en Hongrie ?

La hongrie royaleIl est certainement le plus hongrois des archiducs d’Autriche. Nommé récemment ambassadeur du comité olympique de la Hongrie et de l’Union européenne, en mars dernier, le prince Georg de Habsbourg est le petit-fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie (Osztrák–Magyar). Crise européenne, première guerre mondiale, montée des nationalismes, dans une interview accordée au journal en ligne « Sonline », ce proche du gouvernement du premier ministre Viktor Orban répond aux questions d’András Vas.

 « Avec ou sans l’assassinat de François-Ferdinand à Sarajevo en 1914, la guerre aurait eu lieu de toute façon ». Le ton est grave, se veut dans la note tragique des événements qui ont frappé le continent européen, il y a un siècle.  Pour l’archiduc Georg, son grand-père, le roi Charles IV, couronné en décembre 1916, n’a pas eu le temps nécessaire de faire les réformes qui aurait pu permettre à l’empire d’être sauvé. «C’était un homme de paix  avant d’être un soldat » avait –il déjà affirmé dans un autre entretien réalisé cet été pour le magazine Beol, rappelant que les conséquences du traité de Trianon [officialisation de la dislocation de la Hongrie en 1920-ndlr] ont été catastrophiques pour la Hongrie tout comme le furent le communisme et le …socialisme.

Il a 52 ans, il regarde la montée des populismes avec inquiétude mais entend faire la part des choses. Nationalisme et patriotisme sont deux choses différentes. Le frère du prétendant au trône rappelle que l’on ne peut taxer de populisme, le gouvernement du premier ministre Viktor Orban. « Un patriote n’est pas une personne qui pense seulement au seul intérêt de sa nation, mais au bien-être de chaque partie de sa patrie, à sa protection, respectant ses voisins frontaliers. A contrario, le nationaliste ne pense qu’à travers son propre prisme d’état-nation et méprise tous ceux qui ne pensent pas comme lui ».

L archiduc georg et ses partisansSelon l’archiduc,  ancien candidat aux élections européennes de 2009 sous les couleurs du mouvement démocrate-chrétien Forum démocratique hongrois (Magyar Demokrata Fórum), l’Union européenne est « une machine qui s’est enrayée mais qui peut être réparée ». « Plus vite elle le comprendra, plus vite les choses cesseront d’empirer » ajoute Georg de Habsbourg-Lorraine. Avant de surenchérir : « Heureusement, il y a des gens intelligents au sein de l’Union européenne et ils savent que des réformes sont nécessaires ».

Le prince est-il européen ? « Les institutions européennes sont, certes, nécessaires pour assurer le maintien de la paix mais il serait temps qu’elles se focalisent sur son but premier au lieu de ne discuter que des problèmes liés à la crise économique, bancaire ou celles des migrants ». Tout est dans l’art de la diplomatie que Georg de Habsbourg-Lorraine a hérité de son père, Otto, pressenti un temps pour occuper le poste de président de Hongrie à la chute du communisme en 1989. « Il est aberrant de constater  que plus personne ne prend le temps de comprendre les actions des députés européens, encore moins semblent lire les informations émanant du parlement. Pire, les députés européens sont élus tous les 5 ans et n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe dans les campagnes des pays dont ils sont les représentants » regrette l’archiduc. « Je pense sérieusement que les eurodéputés devraient arrêter de vivre confortablement à Bruxelles et devraient un peu plus défendre leurs électeurs » déclare-t-il, un brin agacé.

« Soyons honnêtes, que savent ceux qui votent de leurs députés ? Rien, des photos sur une affiche mais aucun d’entre- eux aujourd’hui pourraient vous dire avec exactitude leurs rôles exact au sein des institutions européennes. L’Europe est malade de ses propres institutions mais comme toute maladie, elle peut-être guérie. Il est plus que temps de réformer en profondeur les institutions européennes » tempête le prince qui entend néanmoins se poser dans les pas de son père, député européen de la droite bavaroise entre 1979 et 2004. « Lorsque j’étais candidat pour la Hongrie, mon pays a présenté un projet de réforme conséquent visant à modifier le système électoral pour le rendre plus proche des peuples. Il a été refusé »  regrette-t-il le visage fermé.

L archiduc georg de habsbourg lorraineL’empire austro-hongrois était-il alors un modèle à suivre ? « La différence avec l’Europe actuelle, c’est qu’elle n’était pas âgée de quelques mois ou quelques années mais de plusieurs siècles. Nous avons fait se rencontrer plusieurs cultures qui ont appris à travailler ensemble. Mais je reconnais que parfois cela n’a pas été évident » déclare ce père de 3 enfants, qui loin de se vouloir nostalgique, érige en symbole tout l’héritage qu’il porte sur ses épaules. Un nom qu’il assume autant que les responsabilités qui vont avec, réclamant toutefois d’être traité comme tout un chacun, comme un simple citoyen hongrois. « Je vis dans ce pays depuis 25 ans et je m’y suis marié [Elika von Oldenbourg-ndlr], que deviendrais-je sans la Hongrie ? ».

Pense-t-il un jour pouvoir monter sur le trône de Hongrie un jour à l’instar du Palatin Joseph de Habsbourg-Lorraine qui tenta brièvement de se faire couronner roi [1919-ndlr] ? La question peut paraître saugrenue quand on sait que son frère aîné, Karl, reste le seul hériter possible à la couronne en dépit de quelques associations ou mouvements monarchistes hongrois [comme le Parti du Royaume Hongrois (ou Magyar Királyság Párt)-ndlr] qui préféraient voir nettement un hongrois de souche ceindre la couronne de Saint Matthias qu’un Habsbourg. Quoique !?

La nouvelle constitution, introduite en mars 2011, laisse  à ce jour d’ailleurs la question du retour de la monarchie ouverte. Dans son préambule, celle-ci mentionne la Sainte Couronne comme symbole de la continuité constitutionnelle de l'État et de l'unité nationale, reconnaissant  le statut d’état chrétien de la Hongrie mais abolit toute mention et notion de république ». Tout comme sous la régence de l’amiral Miklos Horthy (1919-1944), la Hongrie a toutes les apparences d’une monarchie sans son roi.

« Jamais ! Mon père s’est retrouvé dans cette situation [sur proposition du Parti des Petits propriétaires, du Parti libéral et celui du Parti des Gitans. Une initiative populaire qui recueillera 100 000 signatures-ndlr] et nous a appris à penser rationnellement » dit celui qui déjà en 2012 affirmait qu’il ne croyait pas que la monarchie puisse être restaurée dans le pays.  Son père, « son inspiration », celui qui a compris « l’importance d’une Europe unie » glisse-t-il en fin d’interview, avouant qu’il a toujours été impressionné par le travail abattu par l’empereur François-Joseph Ier, « son exemple comme monarque ».

 Copyright@Frederic de Natal

Publié le 05/11/2018

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