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Le roi Constantin II de Grèce est décédé

Le roi est mort ! Vive le roi ! Le roi Constantin II de Grèce a rendu son âme à Dieu, ce 10 janvier 2023. Dernier monarque de Grèce (1964-1967), contraint à l’exil après le putsch des colonels, longtemps une voix de l’opposition et un porte-parole du retour de la démocratie dans son pays, le monarque était revenu s’installer en Grèce depuis une décennie. Il était âgé de 83 ans. Il ne bénéficiera pas d’obsèques nationales. Son fils, le diadoque Paul lui succède comme prétendant au trône et son petit-fils, le prince Constantin-Alexios, comme nouveau diadoque

La nouvelle était redoutée par les partisans de la monarchie qui avaient appelé à prier pour lui en masse, sur les réseaux sociaux. Le 10 janvier 2023, un communiqué officiel a annoncé que le roi Constantin II, âgé de 83 ans, avait rendu son dernier soupir, entouré des membres de sa famille venus à son chevet. Hospitalisé dans un état critique, depuis quelques jours, la santé du dernier monarque de Grèce suscitait des inquiétudes depuis quelques années. Physiquement diminué, le roi Constantin II ne se déplaçait plus qu’en fauteuil roulant. Sa dernière apparition publique remontait à octobre 2021, pour le mariage de son dernier fils, le prince Philippos avec, largement applaudi par les grecs présents à cette occasion, à Athènes.

Sophie de Grèce, la reine Frederika de Hanovre, Constantin II, le roi PauI Ier,  la princesse Irène (de gauche a droite )

Une naissance tumultueuse

C’est le 2 juin 1940 que le roi Constantin II a vu le jour au palais de Psychikó (aujourd’hui en ruines). Fils du diadoque, futur roi, Paul Ier et de la princesse, future reine, Frederika de Hanovre, les célébrations de sa naissance seront très courtes en raison d’un contexte international très agité. La Seconde Guerre mondiale a éclaté et la Grèce est dans le viseur du Troisième Reich allemand et de l’Italie fasciste. Prenant prétexte que le royaume de Grèce abrite des navires britanniques dans ses ports et que leur présence menace Rome, le duce Mussolini décide de lancer ses troupes à l’assaut de la patrie de Périclès et de Démosthène. Si dans les premiers temps, l’armée royale grecque arrive à stopper les Italiens et même occuper une partie de l’Albanie, l’intervention des nazis dans le conflit va contraindre la famille royale à fuir et prendre la tête d’un gouvernement en exil dès avril 1941. Réfugiés en exil, les membres de la maison royale de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, montée sur le trône de Grèce en 1867, sont accueillis par la communauté grecque d’Alexandrie avant d’être priés par le gouvernement égyptien de partir trouver un autre lieu d’accueil. Pour le roi Georges II et son fils Paul, ce sera le Royaume-Uni, pour la reine Frederika, Constantin II, sa sœur Sophie, ce sera l’Afrique du Sud, alors dominion Britannique.

Le roi Constantin II

Un prince rebelle

À peine dans les langes, le roi Constantin II subit les affres d’un exil qui sera marqué par la naissance au Cap de sa sœur, la princesse Irène. La libération de la Grèce en 1944 sonne l’heure des choix alors que s'installent déjà les prémices de la Guerre froide entre l’Ouest et l’Est. La famille royale va retrouver un pays dévasté par l’occupation, divisé sur l’attitude qu’elle doit avoir face au roi Georges II, restauré sur son trône grâce au Premier ministre Wnston Churchill qui a préféré sacrifier la monarchie yougoslave afin de préserver celle de Grèce. La guerre civile (1946-1949) qui va opposer communistes et monarchistes dessinent l’avenir d’une institution dont les bases restent fragiles. Le décès du roi Georges II en 1947 propulse Constantin II sur le devant de la scène. Au nouveau diadoque, il faut une éducation qui lui sera distillée au Palais de Tatoï, situé en périphérie de la capitale grecque. Sa vie est scrutée par les magazines people fascinés par le jeune prince à la beauté troublante et dont l’adolescence turbulente fait leurs principales manchettes. Sportif (il pratique le karaté, la natation, la voile, le squash et sera même le porte-drapeau de l’équipe grecque lors des jeux Olympiques de 1960 avec laquelle il remporte sa propre médaille d’or), scout, c’est un amateur de voitures de sport et de jolies filles (on lui prêtera plus tard une relation avec les actrices Alíki Vouyoukláki et Elizabeth Taylor, sa cousine Xenia Cheremetieva-Youssoupova ..). L’héritier défraye les chroniques par son comportement rebelle qu’il contrebalance par un professionnalisme princier qui étonne les spécialistes du Gotha lorsqu’il est présent aux côtés de ses parents lors des réceptions officielles ou de ses compatriotes comme lors du tremblement de terre en 1953.

Le roi Constantin ii et son épouse Anne-Marie de Danemark

Un roi inexpérimenté

Constantin II captive jusque dans les salons de l’Elysée ou le général de Gaulle dira de lui qu’il est « un grand jeune homme bien bâti, possédant une grande aisance et faisant toujours preuve de la plus grande amabilité » À sa majorité (1958), il fait son service militaire et une fois celui terminé, intègre le conseil royal afin d’apprendre son futur métier de monarque. Il peut même donner son avis et des conseils sous l’œil avisé de son père Paul Ier. Bien que ce dernier regrette parfois les opinions tranchées de son fils et de son peu de sens de la diplomatie. Face au Premier ministre Constantin Karamanlis, le diadoque se montre humiliant et l’homme politique en gardera une certaine rancœur qu’il fera payer plus tard au monarque. L’état de santé du roi Paul Ier va bientôt se détériorer début 1964 et en dépit d’une opération à l’estomac pour le guérir du cancer qui le ronge, il meurt le 6 mars de la même année. C’est donc un prince inexpérimenté qui monte sur le trône de Grèce et qu’une partie des plus nationalistes de ses compatriotes considèrent comme une extension de l’empire défunt byzantin. Dès le début de son règne, Constantin II se retrouve face à une classe politique défiante qui l’accuse d’avoir des liens trop étroits avec l’armée, l’extrême-droite (qui l’appelle le basileus Constantin XIII) et d’être sous l’influence de sa mère, jugée trop allemande. Les relations avec le Premier ministre Geórgios Papandréou ne vont d’ailleurs pas tarder à s’envenimer notamment quand le leader du Centre va s’arroger le ministère de la Défense (1965) que le monarque considère comme sa chasse gardée.

Un mariage d'amour

À un roi, il faut une reine. La reine Frederika pousse son fils à faire un mariage égal à son rang et répugne à voir une starlette ceindre une couronne qu’elle défend âprement. Tous les noms sont cités, de la Suède à l’Espagne mais c’est sur une jeune princesse danoise que le roi Constantin II a jeté son dévolu.  En 1959, au bal de Marienbourg, il a su apprécier la grâce et la beauté juvénile de la princesse Anne-Marie mais celle-ci n'a que 13 ans. Trop jeune pour penser à des épousailles et la loi sur les mariages interdit à ceci d’être célébrés tant que la promise n’est pas majeure. Constantin II va être patient. Au mariage de sa sœur Sophie avec le futur roi Juan Carlos Ier en mai 1962, le prince ne danse qu’avec Anne-Marie de Danemark sous l’œil inquiet de la reine Frederika qui n’hésite pas à le sermonner. « Mère, j’ai peur de la quitter, ne serait-ce qu'une seconde. Si quelqu’un d’autre danse avec elle, il se peut qu’elle lui plaise, et après… » aurait répondu celui que l’on surnomme en privé « Tino ».  En juillet suivant, ne tenant plus, il téléphone à ses parents et leur annonce qu’il est fiancé à la princesse. Ce n’est qu’en 1963 que les fiançailles sont enfin annoncées avec les tractations habituelles qui accompagnent ce genre d’événements. Le mariage sera fastueux et un moment d’unité en Grèce (100 000 personnes) alors qu’à tout moment le pays menace d’entrer en guerre aux côtés de Chypre afin d’empêcher la Turquie d’occuper l’ancienne île latine des Lusignan. Même s’il n’échappe pas aux critiques tant la somme d’argent déboursée est importante. Le couple aura 5 enfants : Alexia en 1965, Paul en 1967, Nicolas en 1969, Théodora en 1983 et Philippos en 1986.

Le putsch des Colonels

Politiquement, le gouvernement est en conflit avec le roi Constantin II. Lorsque le fils de Geórgios Papandréou est mêlé à une sombre affaire de corruption, le souverain somme le Premier ministre de démissionner et le remplace par un autre membre du parti. La crise est ouverte et des manifestations éclatent contre ce « putsch royal » (1965), réclamant l’abolition de la monarchie. Chaque camp affûte ses armes, ses arguments et dans l’ombre, l’armée se prépare à agir. A la crise politique va s’ajouter une crise dynastique avec la naissance du prince Paul. Proclamé diadoque à sa naissance, l’ordre de succession est alors bouleversé et relègue le prince Pierre de Grèce (1908-1980), potentiel héritier loin du trône. Son mariage inégal avait irrité la famille royale et il ne cachait pas son animosité au roi Constantin II. Dès lors, il prend ouvertement position contre le monarque, sa mère et se propose comme potentiel remplaçant du roi. Les tensions atteignent bientôt leur paroxysme avec la chute du nouveau gouvernement qui n’aura tenu qu’un an. Dans la nuit du 20 au 21 avril 1967, les chars sont sortis de leurs camps et vont encercler le palais de Tatoï. Le roi refuse d’apporter son soutien aux militaires et tente alors de négocier un retour à l’ordre constitutionnel, cherche à gagner du temps et contacte aussi bien Washington que Londres. Un gouvernement civilo-militaire sera formé, Constantin II apparaîtra ainsi sur la photo officielle sauvant ainsi les apparences. Dans la réalité, les généraux et les colonels grecs dirigent le pays.

Souvenir d'une monarchie frederic de natal

Figure royale de la démocratie

Constantin II va tenter de reprendre la main. Il prend discrètement contact avec la Maison Blanche au cours d’un voyage privé aux États-Unis et noue des relations avec des officiers militaires qui le soutiennent contre les putschistes qui se ridiculisent dans l’affaire chypriote. Le roi pense enfin à son heure pour restaurer la démocratie. Avec l’aide de la marine et de l’aviation restée fidèle, il déclenche son contre coup d’État le 13 décembre 1967 depuis la Thessalonique. Cela s’avère rapidement un échec. Les officiers monarchistes sont rapidement arrêtés dans la capitale, coupant les liens avec le roi. C’est le chant du cygne de la monarchie grecque et le début d’un long exil. Le couple royal, épuisé, s’envole pour Rome le lendemain conscient de la tragédie qui se déroule sous leurs yeux. « L’exil est une habitude grecque » jettera un monarque dépité à ses proches, faisant allusion aux nombreux rois de Grèce poussés à l’exil depuis le début du XXe siècle. Face aux caméras, il tient son rôle et n’hésite pas à déclarer que « le peuple de Grèce est monarchiste de sentiment » et que ses prédécesseurs sont toujours remontés sur le trône. L’histoire l’a démontré ! Mais si, dans le fond, Constantin II a raison, les choses ont désormais bien changé. Les semaines passent et le roi ne peut rentrer dans son pays. On a installé une régence, les militaires dirigent le pays et il faudra attendre le 1er juin 1973 pour qu’ils prennent la décision d’abolir la monarchie (un référendum plébiscite la république à 79%) après avoir éventé un complot monarchiste découvert dans la marine. Constantin II sort de sa réserve, fustige les actions des colonels, se justifie et refuse la proposition d’être un roi sans pouvoirs que lui offre la junte. Une dictature qui est fragile.

Fin de la monarchie

Constantin II ne saisit aucune des opportunités qui lui auraient permis de retrouver sa couronne. En novembre 1973, des émeutes étudiantes éclatent mais le mouvement révolutionnaire est réprimé dans le sang. Le roi tergiverse et ne saisit pas l’opportunité de revenir, née d’une nouvelle mutinerie de la marine qui lui reste encore acquise. Il y gagne le surnom de « roi des occasions perdues », perd en crédibilité. Le retour à la démocratie en 1974 et le rétablissement de la constitution monarchique de 1952 ne s’accompagnent pas d’une autorisation pour le roi de pouvoir débarquer. Il projette alors de revenir sans prévenir mais Londres (dont l’attitude est très ambigüe vis-à-vis de lui) le stoppe net dans ses projets. Le 8 décembre 1974, un nouveau référendum enterre la monarchie. A peine 30% des grecs, notamment dans le Péloponnèse, ont voté pour la restauration de l’institution monarchique. La République s’installe et avec à sa tête un certain... Karamanlis. Les relations entre le monarque exilé, qui est soutenu financièrement par les maisons souveraines, et les différents gouvernements grecs (qui se succèdent) vont nettement se tendre. Notamment avec les socialistes du PASOK qui ne manquent pas d’imagination pour contrarier le « citoyen Glücksbourg » ou protester dès qu’il est invité à une cérémonie officielle sous le nom de roi des Hellènes.

Possible alternative déçue

Malgré tout, le roi Constantin II va continuer à être actif politiquement. En 1989, il se pose en alternative et pointe du doigt la corruption qui sévit au sein du gouvernement. Son retour autorisé en 1993, sous la houlette d’un gouvernement conservateur, va générer d’immense manifestation en sa faveur. Trop peut-être. La République s’en émeut et s’effraye des rencontres du roi avec des officiers militaires et des députés. La famille royale est priée de quitter le territoire immédiatement après 2 semaines intenses en Grèce. Ses biens sont confisqués sur demande du Premier ministre Andréas Papandréou et sa nationalité confisquée. Constantin II n'hésite pas à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Elle statuera en sa faveur en 2004 et permettra au roi d’obtenir une belle indemnisation. Par la suite, les relations entre le monarque et les différents gouvernements se sont progressivement apaisées. Il tente plusieurs incursions en politique et si son nom circule au plus fort de la crise économique qui va frapper la Grèce (en 2012), les grecs ne souhaitent pas le rappeler. Seuls 11% des grecs se prononcent d'ailleurs en faveur de la monarchie selon un sondage publié par le journal To Vima. Il était revenu s’installer en 2013 en Grèce, faisait encore quelques apparitions discrètes, toujours sous les acclamations et accordant parfois quelques interviews. 

Le gouvernement a annoncé, contre toute attente, que le roi Constantin II n'aurait pas de funérailles d'État. Il reposera au palais de Tatoï, à côté de ses parents, le roi Paul Ier et la reine Frederika de Hanovre. Le gouvernement sera uniquement représenté aux obsèques par la ministre de la Culture et des Sports, Lina Mendoni. «  (...) Avec sa mort s'écrit l'épilogue  d'un chapitre définitivement clos avec le référendum de 1974. L'histoire a désormais son mot à dire. Elle jugera Constantin  avec équité et rigueur » a déclaré dans un communiqué le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis. L'arrière-petit-neveu d'Elefthérios Kyriákou Venizélos et lui-même fils de Premier ministre  a estimé que les  « blessures (du passé-ndlr ) étaient guéries », considérant de facto que le retour de la monarchie n'est pas une option à envisager pour la Grèce de nouveau. Avec le décès du roi Constantin II, se ferme une page de l’histoire de Grèce, une idée et celle d’une époque faste. La monarchie ne peut souffrir d’une vacance. Son fils aîné devient désormais le Basileus Pavlos II et il aura la charge de prétendre au trône de ses ancêtres. « Le roi est mort, vive le roi ! » selon la formule consacrée. 

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Date de dernière mise à jour : 11/01/2023

Commentaires

  • Monier

    1 Monier Le 13/01/2023

    Alain MonierCondoleance a la famille de Grece pour la mort duregrette Constantin II
  • Moine Eric

    2 Moine Eric Le 11/01/2023

    En Grèce existe t'il un mouvement monarchiste ?
    frederic-de-natal

    frederic-de-natal Le 11/01/2023

    ll s'agit d'Espoir National dirigé par Georges Papadopoulos, mais il bien plus d'extrême-droite que réellement monarchiste. il a participé à deux élections législatives (2012 et 2015) avec moins de 1% comme résultat. Le dernier mouvement monarchiste a avoir eu des députés est l'Alignement national entre 1977 et 1981. Il existe un sentiment monarchiste au sein de Nouvelle Démocratie , des élus s'en revendiquant, mais le mouvement n'a jamais souhaité sauter le pas. Le communiqué du PM aujourd'hui nous le démontre une nouvelle fois.

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