Une présidente monarchiste

Candidate du parti « Rêve géorgien », Salomé Zourabichvili (?????? ???????????) est arrivée légèrement en tête de l’élection présidentielle, ce dimanche, avec 39% des suffrages. L’ancien ministre des affaires étrangères, française d’origine, pourrait devenir demain la nouvelle dirigeante de la république de Géorgie en cas de victoire au second tour. Et ouvrir la voie à la restauration de la monarchie.

Salome zourabichvili 1Sa famille est arrivée en 1921 en France. L’armée soviétique était alors entrée dans cette partie du Caucase qui avait proclamé son indépendance au lendemain de la chute des tsars. Cousine de l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse, elle a fait toute sa carrière de diplomate dans l’hexagone. Mais c’est en mars 2004, après avoir obtenue une dérogation du président Jacques Chirac, que Salomé Zourabichvili sera autorisée à rejoindre le pays de ses ancêtres qu’elle a découvert pour la première fois en 1986. La Géorgie vit alors sa révolution des roses et la chute du président Edouard Chevardnadze, en poste depuis 1992, va amener le réformateur Mikheil Saakachvili au pouvoir. Les exilés géorgiens entament leur retour progressif vers l’ancienne capitale royale de Tbilissi.

C’est depuis l'église Saint-Georges-de-Kachvéti que Salomé Zourabichvili va pouvoir admirer la prestation de serment du nouveau président qui ne sera sans rappeler les pompes des couronnements des grands rois de la Géorgie. Monarchie jusqu’en 1802, date à laquelle la Russie, dont la Géorgie était largement inféodée, décide d’abolir la monarchie séculaire des Bagration. Par décret, Mikheil Saakachvili décidera de restaurer le drapeau à la croix rouge de Saint-Georges sur fond blanc orné de 4 petites croix identiques à chacune des extrémités de ce symbole national  et qui flotte depuis sur chaque bâtiment officiel de la république. Un vent monarchique semble alors souffler sur le pays jusqu’aux plus hautes instances religieuses du pays. Le catholicos Ilia II déclare en 2007 qu’il est temps de restaurer la monarchie.

Pour Salomé Zourabichvili, qui a fondé le parti de la « Voie de la Géorgie » en 2006 (elle a quitté un an auparavant son poste de ministre), «un mouvement pro-occidental et libéral » nous indique France inter,  le retour de la monarchie est une idée tout à fait acceptable, nécessaire. « J’ai toujours dit que je soutiendrais le retour d’une monarchie constitutionnelle, quel que soit sa forme la meilleure pour la Géorgie »  déclare t-elle publiquement le 8 octobre 2007, à la presse.  Le monarchisme, un mouvement qui n’a jamais disparu de la mémoire de la Géorgie très attachée à ses grandes figures dont l’histoire est jalonnée de guerres de succession en tout genre, assassinats ou destitutions. Mais le souverain qui demeure la figure de proue des géorgiens est indubitablement la reine Tamar (1160-1213), sorte de Blanche de Castille qui fut toujours qualifiée de « roi »  par ses contemporains qui estimaient, à cette époque, «qu’elle gouvernait le pays comme un homme ».

Avec la chute du mur de Berlin qui précède la nouvelle déclaration d’indépendance en avril 1991, les monarchistes de l’Union des Traditionalistes Georgiens intègrent un gouvernement d’union nationale sous la houlette du président Zviad Konstantines dze Gamsakhourdia et obtiennent même la présidence du parlement avec Akaki Asatiani à sa tête. Et si on évoque déjà la possibilité de restaurer la monarchie, la guerre civile qui éclate va bientôt ruiner tout espoir de retour de la monarchie à court terme. 

Pour Salomé Zourabichvili, la restauration de la monarchie est une option qu’elle défend intégralement mais de manière démocratique. «Nous ne devons pas oublier que la monarchie est  le seul régime qui  a apporté à la Géorgie une stabilité et une unité » déclare t-elle dans les médias locaux, en juin 2017. « Une famille royale ne peut que nous permettre d’entrer dans le concert des nations européennes » surenchérit-elle. « Il est peut être top pour l’aborder mais nous devons tenir compte des paroles du patriarche et penser à étudier cette possibilité » continue-telle.

Pretendant au trone de georgie david bagrationNous sommes alors en plein débat sur l’éventualité d’un retour de la maison royale des Bagration sur le trône. Le parti, le « Rêve Géorgien », dont elle porte les couleurs s’empresse même d’annoncer un référendum sur la question…qui ne viendra pas tant le processus d’amendement de la constitution tourne au vinaigre et aux débats enflammés.  « Aujourd’hui, dans le monde, on trouve encore des monarchies avec à leurs têtes, des rois qui ne règnent pas. Ces états ont une constitution qui apporte une certaine stabilité gouvernementale. Si actuellement en Géorgie, il n’est pas encore possible de mettre en place une monarchie constitutionnelle, il est de notre devoir d’analyser le passé pour construire l’avenir afin de pouvoir trouver le chemin de la paix pour notre pays »  martèle lors d’un sermon le patriarche Ilias II, 84 ans.

Mais qui pour régner ? C’est en 1995 que le prétendant au trône Georges XIV Bagration revient officiellement dans son pays. Des funérailles nationales sont organisées pour le rapatriement des cendres de son père, le  prince Irakil VII décédé en 1977. Une famille royale qui montre pourtant rapidement ses  divisions entre les Bragation—Moukhranis, reconnus par le gouvernement comme seuls héritiers au trône (et représenté depuis une décennie par le prince David, reçu par de nombreuses familles royales comme les Windsor ou les Bourbons d’Espagne dont il est proche, le Vatican où il a été accueilli comme un chef d’état en octobre dernier) et les Bagration-Gruzinsky. C’est un mariage en 2009 qui unira finalement les deux familles, largement médiatisé et devant plus de 3000 monarchistes, des membres du gouvernement et délégations étrangères. Une cérémonie retransmise intégralement à la télévision nationale. En dépit d’un divorce prononcé en 2013, de cette union est née le prince Georges, futur héritier à la couronne royale et dont la naissance permettra un jour  la fin du conflit dynastique. Sur cette question dynastique, Salomé Zourabichvili ne se prononce pas même si on la sait proche du prince David qui était monté au front pour galvaniser les géorgiens lors de l’invasion russe (2008).

Députée, elle soutiendra durant ces mois de débat cette idée de monarchie, participant même à l’initiative d’Irakli Kobakhidze, président du parlement qui entamera brièvement des négociations en ce sens avec le patriarche.  Devant la presse, le président du parlement (« Rêve Géorgien ») avait lui-même  d'ailleurs reconnu que le catholicos « était dans le vrai et que les monarchies apportaient paix et stabilité »,  rejoint par le vice-Président du parlement, Giorgi Volski, qui avait  ajouté qu'un retour de la monarchie en Géorgie apporterait des « changements positifs ». .

Avec 40% de géorgiens qui souhaitent le retour de la monarchie (2013), même si selon la revue « Eurasia », les géorgiens conservent une vision très romantique de ce que furent leurs souverains dans leur histoire nationale, il est difficile  pour Salomé Zourabichvili de se passer d’un électorat aussi sensible. Quand même bien, les gouvernements successifs se sont empressés de laminer le mouvement royaliste comme en 2003 où ils ont fait arrêter une majeure partie des cadres accusés de tenter un coup d’état. Son leader, Akaki Asiatani est très controversé. Tonitruant, colérique, l’Union des Traditionalistes Géorgiens qu’il dirige, était jusqu’ici membre de l’Alliance des patriotes de la Géorgie, un parti mineur qui n’avait que 6 députés élus au parlement.  Akaki Asiatani s’est d’ailleurs présenté au premier tour de cette élection et n’a guère dépassé le 1% des voix.

Favorite du second tour (prévu le 2 décembre) et profondément anti-russe, si elle parvient à se faire élire grâce à la forte machine politique que représente le « Rêve Géorgien » (qui détient les 2/3 des sièges au parlement), Salomé Zourabichvili pourrait bien poser la question du retour d’un souverain en Géorgie dans les mois qui viennent.

Copyright@Frederic de Natal

Publié le 29/10/2018

Date de dernière mise à jour : 07/04/2020

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